Le rapport de force diplomatique entre la France et l’Allemagne par Christian Harbulot dans Atlantico


L'Allemagne occupe une position de leader grâce à ses résultats économiques et la volonté de dirigeants soucieux de redonner une place centrale à leur pays. La France doit, elle, revoir de fond en comble sa logique marchande pour sortir de sa position en déclin. La rencontre entre François Hollande et Angela Merkel ce vendredi 20 février à Paris permettra de faire le point sur le rapport de force diplomatique.

Atlantico : Angela Merkel s'est-retrouvée de facto en position de meneuse de l’Europe, si ce n’est du monde occidental. Quelle est la part de responsabilité de la France dans cette situation ? Est-ce parce que le pays a laissé la place vide ?

Christian Harbulot : Je ne crois pas que cela soit dans la tradition de la France de laisser ainsi la place vide dans le pilotage de l’Europe. Mais il ne faut pas se mentir : l’Allemagne occupe cette position de leader européen grâce à ses résultats économiques, mais aussi par la dynamique entretenue par un noyau dur de dirigeants positionnés au cœur du système politico-économique, et soucieux de redonner à leur pays un statut de puissance à part entière. Contrairement aux apparences, il existe dans les milieux économiques et politiques allemands un consensus pour se donner les moyens d’atteindre un tel objectif même si il n’est pas revendiqué publiquement.

C’est cette volonté consensuelle et de nature quasi transpolitique qui donne aujourd’hui à l’Allemagne un avantage décisif sur la France. Contrairement à notre voisin d’outre Rhin, il n’existe pas en France une telle dynamique de puissance.

Atlantico : L'Allemagne semble progressivement imposer sa méthode pour aller vers une nouvelle Europe, à l'instar du ministre des Finances Wolfgang Schäuble, qui a fermé la porte lundi 19 février à toute négociation sur la dette grecque, en dépit de l'accord qui avait été convenu le jour-même entre Yanis Varoufakis, Pierre Moscovici et le président de l'Eurogroupe. Schäuble a récidivé ce jeudi 19 février, en rejetant la demande d'extension du programme d'aide que la Grèce lui a communiqué. En sommes-nous arrivés au point où la France ne joue plus son rôle de contre-pouvoir face à une Allemagne dominatrice ?

Christian Harbulot : La France n’a pas la même feuille de route que l’Allemagne. Paris pilote à vue depuis un certain nombre d’années. Berlin avance ses pions sur l’échiquier européen en visant la consolidation d’une Europe alignée sur ses critères de développement, c'est-à-dire dans une acceptation ipso facto de sa domination financière et marchande. Mais elle prend aussi des décisions en privilégiant des intérêts stratégiques nationaux. Les accords bilatéraux signés avec la Russie sur la question de l’énergie en sont le symbole. Les Allemands nous ont démontré depuis le début du XXe siècle que le double langage est un des points forts dans leur manière de tirer leur épingle du jeu dans la complexité des relations internationales.

Atlantico : La perte d'influence de la France est-elle due à son président, ou est-elle plus durable? Le fait que Bruxelles ait cédé sur les déficits français veut-il dire que nous bénéficions tout de même toujours d’un certain pouvoir de nuisance au niveau européen ?

Christian Harbulot : François Hollande n’est pas le stratège adéquat pour définir la problématique de la puissance de la France et encore moins pour la mettre en œuvre avec charisme et autorité. Cet homme est plus à l’aise pour préparer des élections intérieures. Ce n’est hélas pas un cas isolé. Mais précisons que d’autres présidents avant lui n’ont pas été au niveau de cet enjeu. En revanche, l’Etat français a encore des atouts pour négocier des contreparties. L’Union Européenne ne peut pas imposer des décisions abruptes à la France, comme elle est tentée de le faire avec la Grèce par la voix de certaines personnalités allemandes. Nous avons encore les moyens de rappeler à nos partenaires l’importance des dégâts collatéraux qu’une France affaiblie et éventuellement déstabilisée politiquement par des pressions intérieures pourrait engendrer dans les années à venir.

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