adn_goldstein_web.jpg

Covid-19 : Les moyens numériques ambitieux aiderons à prendre de vitesse l’épidémie, Guy-Philippe Goldstein

Régler la crise sanitaire est une course de vitesse. Et la mise en place d'outils numériques assistant les enquêteurs sanitaires s'avère être notre meilleure issue. Cette mise en place exige de l'audace et de l'éthique. Une tribune de Guy-Philippe Goldstein, enseignant à l’Ecole de Guerre Economique, au sein de la formation exécutive « Management des Risques, Sûreté Internationale et Cybersécurité - MRSIC » dans le Magazine L’ADN Innovation.

 

 

Le volet numérique peut s’avérer vital pour rechercher le plus rapidement possible les contacts

 

 

 

La phase de « recherche des contacts » (contact tracing) est l’une des étapes critiques du contrôle des épidémies.

Une épidémie est une course de vitesse entre un pathogène et les sociétés humaines. Sans vaccins et sans thérapies, les sociétés humaines doivent exécuter ensemble les trois démarches suivantes : (1) analyser et mesurer la progression de l’épidémie ; (2) ralentir sa progression par des mesures de protections (par exemple les gestes barrières ou encore, pour le Covid-19, l’usage des masques pour tous comme le recommande l’Académie nationale de Médecine[i] et le suggère les simulations et données empiriques d’une étude à laquelle a participé l’auteur de ces lignes) ; et surtout (3) stopper la progression. Au pire, cela implique les mesures les plus extrêmes de distanciation sociales – les mesures de confinement au domicile appliquées en France, les plus radicales pour arrêter la circulation du virus. Sinon, pour maintenir une société ouverte modulé par des mesures de distanciation sociale, il faut appliquer par précaution l’ensemble de ce mix, du ralentissement à la mesure, et surtout le cœur du processus d’étouffement de l’épidémie, « Test  / Trace / Isolate » : Dépister les personnes infectées/ Rechercher leurs contacts/ Isoler & traiter les personnes infectés et mettre en quarantaine leurs contacts. L’efficacité de chaque étape dépend bien sûr de la précédente. S’il n’y a pas assez de tests, on ne pourra pas identifier suffisamment de cas contacts ; si on n’identifie pas assez de cas contacts, on ne pourra suffisamment mettre en quarantaine et/ou rapidement isoler des cas contacts qui deviennent des malades infectieux. Se dire que l’on peut très bien faire l’une ou l’autre de ces étapes, mais pas toutes les trois, cela n’a pas beaucoup de sens. Et l’efficacité ici, cela veut dire la vitesse d’exécution : pour étouffer l’épidémie, il faut aller plus vite qu’elle. De plus, ce triptyque « Test/Trace/Isolate » ne fonctionne pas pour toutes les épidémies : par exemple, la stratégie est inefficace contre la grippe. Mais par contre, elle est opérante contre des maladies aussi graves que la variole, le SARS[ii] ou même Ebola qui a été ainsi vaincu en 2014 en Afrique de l’Ouest[iii]. Qu’en est-il pour le Covid-19 ?

 

 

Le Covid-19 impose un effort considérable de « recherche de contacts ».

Comme l’indique une étude de modélisation parue dans le Lancet en février dernier, une épidémie de Covid-19 peut être contenue en 3 mois en appliquant de manière très efficace la recherche de contacts et l’isolement[iv]. Néanmoins, pour qu’une épidémie puisse avoir au moins 80% de chances d’être contenues quand le nombre de nouveaux cas engendré par une personne infectée (c.a.d le taux initial de reproduction R0)  varie entre x2.5 et x3.5, alors il faut que nombre de cas contacts soient identifiés dans 80% à 100% des cas. Dans le cas d’un R0 = x2.5, si plus de 30% des infections ont lieu alors que le patient contagieux n’a pas encore développé de symptômes, il faudra que la recherche de contact identifie au moins 90% des contacts des patients pour que la probabilité de contrôler l’épidémie demeure élevée[v]. Or, pour le Covid-19, une estimation du nombre de transmission par des malades sans symptômes s’élève à 44%[vi]. A Singapour et à Tianjin, on a noté respectivement 48% et 62% des transmissions qui étaient faite par des malades sans symptômes[vii]. Un effort très important doit donc être livré sur la phase de « recherche de contacts » pour contrôler la maladie.

 

 

Il faudra amplifier très largement les moyens pour la « recherche de contacts ».

Tous les pays qui ont réussi à date à contenir ou supprimer la maladie, sans avoir à passer par le confinement à domicile, ont utilisé ou ont su déployer « test/trace/isolate » avec une grande efficacité, y compris dans la phase « recherche de contacts ». Il s’agit à la fois de régimes autoritaires (ex : Vietnam, provinces chinoises hors Hubei), de régimes intermédiaires (Hong Kong) ou de démocraties libérales avec d’ailleurs les partis de l’opposition libérale au pouvoir (Corée, Taïwan). Dans tous les cas, un quadrillage par des enquêteurs humains assisté de moyens numériques a été mis en place. Cette armée d’enquêteurs est considéré, avec les tests, comme le point le plus critique pour le contrôle de l’épidémie par nombreux experts en Asie et en Europe[viii]. Du reste, tous les plans de sortie des confinements aux Etats-Unis évoquent des bataillons nécessaires d’enquêteurs humains. Le plan proposé par, entre-autre, Scott Gottlieb et Caitlin Rivers auprès de l’American Enterprise Institute insiste entre-autre sur une recherche de contacts à une échelle massive (« Massive scale contact tracing »)[ix] dès la phase de confinement. Le plan de sortie du Safra Center For Ethics d’Harvard University et de la fondation Rockfeller[x] met en avant lui aussi le dépistage, la recherche de contacts et l’isolement assisté sur une échelle massive (« Massive Scale Testing, Tracing, and supported Isolation ») avec en particulier un bataillon de 100.000 enquêteurs supplémentaires pour la recherche de contacts, une recommandation explicite du John Hopkins University Center for Health Security[xi]. Tom Frieden, ancien dirigeant du CDC d’Atlanta, estime, lui, que 300.000 enquêteurs seront nécessaires[xii].

 

 

LIRE L'INTÉGRALITÉ

 

 

Déposer sa candidature pour la formation exécutive Management des Risques Sûreté Internationale et Cybersécurité MRSIC