L’après-pétrole, l’expertise de l’EGE dans la "Revue des Transitions" par Aubry Springuel

 

"Quelle transition pour l’après-pétrole ?" Entretien avec Aubry Springuel, enseignant à l’Ecole de Guerre Economique, docteur en Sciences de Gestion, spécialisé en stratégie d’entreprise, ENGIE. Aubry est diplômé de l’École de Guerre Économique en 2006, aujourd’hui, il enseigne les échiquiers sociaux-dynamiques au sein de la formation initiale "Stratégie et Intelligence Economique SIE".

 

Qu’est-ce qui explique la persistance du pétrole dans le mix énergétique mondial ?

Pour expliquer la persistance du pétrole comme vecteur énergétique, je pourrais retracer l’histoire de son développement. Mais je préfère laisser ce soin à quelqu’un de plus expert que moi sur les questions d’histoire.
Ma connaissance de la situation actuelle, de 2018, me permet plus aisément d’évoquer les barrières économiques à la sortie du pétrole, et plus largement des hydrocarbures fossiles (pétrole, mais aussi charbon et gaz naturel).
En partant des usages principaux du pétrole, je pense que nous pouvons mettre le doigt sur les dépendances actuelles vis-à-vis de cette ressource. Mis à part son rôle de matière première de l’industrie des plastiques polymères, j’en identifie trois principaux usages – la réserve d’énergie, le vecteur d’énergie pour le transport, la monnaie d’échange à long terme :
Premièrement, les hydrocarbures fossiles constituent des réserves d’énergie estimées à l’aide des techniques mises en place et partagées par toute l’industrie de l’exploration et production. Les quantités produites peuvent ensuite elles-mêmes être raffinées et stockées pour constituer des réserves d’énergie reconnaissables et  utilisées pour le suivi de l’activité d’un pays ou d’une région.
Deuxièmement, les hydrocarbures fossiles bénéficient de facilités logistiques dans tous les ports du monde (si nous considérons qu’il suffit d’un quai pour transborder une cargaison de charbon). Ces hydrocarbures constituent la colonne vertébrale des transports aérien, maritime et routier, les rendant accessibles dans toutes les régions, sur tous les marchés.
Troisièmement, le pétrole et les réserves associées représentent une monnaie d’échange, pour les investissements à long terme, entre les pays producteurs, les entreprises pétrolières, et les investisseurs institutionnels. Ces investissements engagent les budgets de pays et l’équilibre financier des banques sur plusieurs décennies (et déjà au-delà de 2050).
J’observe actuellement ces trois usages comme autant de barrières structurelles qui s’opposent à la substitution du pétrole par une autre source d’énergie. Ces barrières s’autoalimentent et constituent comme une cage de fer impossible à surmonter à court terme (Abrahamson et Fombrun 1992).

Quel(s) facteur(s) (législatif, technologique, géopolitique etc.) pourrai(en)t faire diminuer la part du pétrole dans le mix énergétique mondial / servir de déclencheur à une transition énergétique significative ?         

Dans la situation actuelle, les trois barrières, que j’ai citées par ailleurs, peuvent partiellement être surmontées par des énergies de substitution. Des phénomènes extérieurs (législatif, technologique, etc.) peuvent faire basculer le XXIème siècle dans l’un ou l’autre scénario de substitution au pétrole. Ces phénomènes peuvent prendre trois formes de natures conflictuelles croissantes :
– La mise en place de normes sanitaires contraignantes contre les hydrocarbures fossiles dans certaines régions pourrait produire des zones sans pétrole. Dès lors, le pétrole y perdrait une partie de sa prépondérance dans ses usages de réserve, de logistique et de monnaie. L’effet serait sans doute marginal si ces normes ne s’appliquent pas en dehors des zones de fortes concentrations urbaines.

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