FranceTVinfo consacre sa une au rapport d’alerte de l’EGE et à la guerre de l'information contre Daech


Des experts du renseignement et de l'intelligence économique publient un rapport dans lequel ils s'interrogent sur la capacité de la France à vaincre l'organisation jihadiste sur le terrain de la guerre de l'information.

"La France peut-elle vaincre Daesh sur le terrain de la guerre de l'information ?" C'est la question posée par les auteurs d'un rapport d'alerte (PDF) dirigé par Christian Harbulot, directeur de l'Ecole de guerre économique, et publié mercredi 20 mai, à la veille de la chute de Palmyre aux mains de l'Etat islamique (EI). "La prise de cette ville fait partie de la guerre de l'information, explique l'expert. On verra bientôt sur le web les mêmes vidéos que celles tournées lors de la destruction du musée de Mossoul."

Pour les auteurs, la France "semble tétanisée" face à l'efficacité des méthodes employées par les terroristes de l'EI. "On refuse de reconnaître" que cette guerre de l'information constitue "une nouvelle forme de menace", déplore ainsi Alain Juillet, ancien cadre du renseignement extérieur français (DGSE), dans la préface. Alors pourquoi a-t-on tant de mal à lutter contre l'EI sur ce terrain ?

Parce que son organisation est très bien huilée

Provocation par la violence, chantage émotionnel, surenchère politique, manipulation des médias… Telles sont, selon les experts, les caractéristiques propres à l'EI dans son offensive sur le terrain de l'information et de la communication. L'organisation opère même une "mutation vers un terrorisme publicitaire".

Les opérations de l'EI sont ainsi planifiées aussi minutieusement que des actions militaires. Pour diffuser sa propagande à travers le monde, l'organisation s'exprime la plupart du temps en anglais, comme elle le fait notamment dans sa propre revue, massivement diffusée via internet. Et communique des rapports d'activité et des statistiques d'une précision confondante, pour donner le sentiment que tout est commandé et maîtrisé dans les moindres détails.

Dans cette stratégie, les réseaux sociaux tiennent un rôle central. En la matière, l'EI peut notamment s'appuyer sur le soutien de 500 à 2 000 comptes Twitter hyperactifs, en plus de quelque 9 500 comptes générant des tweets de manière automatique. Le tout de façon très organisée. Le rapport souligne ainsi que "la toile de comptes Twitter pro-Daech est soigneusement pensée, notamment de façon à éviter la censure opérée par la plateforme", et "sert la diffusion du contenu de la propagande". L'Etat islamique a même développé son propre système de messages en ligne et ses propres applications pour smartphone.

La production de vidéos de propagande est tout aussi réglée. Supervisée par le Al Hayat Media Center, un centre créé par un ancien rappeur allemand ayant rejoint les rangs jihadistes, cette production témoigne d'"une maîtrise technique" indéniable, souligne le rapport. "Des centaines de films ont été réalisés. Certains semblent le fruit de professionnels, et reproduisent parfois un style hollywoodien." Sur le fond, ces techniques "évacuent la dimension du réel, et octroient une dimension mythique à la barbarie".

Parce que la France n'est pas assez offensive

Face à cette organisation très bien rodée et à ce que les auteurs du rapport qualifient de "glamourisation" de la barbarie, la France apparaît démunie. Pourtant, "les failles internes à leur discours et exploitables ne manquent pas", souligne Christian Harbulot. Les images et les mots de l'Etat islamique vantent un fantasme : la cohérence et le vivre-ensemble des habitants dans les zones contrôlées par l'organisation. En réalité, il n'en est rien. De même, l'EI tente d'exalter les conditions de vie des femmes jihadistes, alors même qu'il ne peut les montrer. "Ni le visage, ni le corps de la femme ne peuvent en effet être exhibés sur la toile pour attirer le candidat combattant", rappellent les auteurs. Ce décalage entre la propagande et le quotidien pourrait être exploité par les puissances occidentales pour affaiblir l'Etat islamique, assure le rapport.

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