Les applications économiques de la guerre de l'information

Aujourd'hui, le durcissement de la compétition économique mondiale engendre une utilisation massive de l'information et de la connaissance pour déstabiliser la concurrence. A l'heure des réseaux mondiaux de communication et du travail en temps réel se développent de nouvelles formes d'agression qui menacent autant les entreprises que les États. Il s'agit de méthodes offensives (désinformations, rumeurs, manipulations médiatiques) pouvant être efficacement déployées sur l'ensemble des canaux de communication : presse écrite, radios, télévisions, réseaux électroniques, supports publicitaires et même par tracts diffusés dans la rue.

Origines :


Les applications civiles de la guerre de l'information sont, contrairement aux apparences, plus anciennes qu'on ne le croit. Sun Zi a démontré dès le Vème siècle avant JC que l'affaiblissement ou l'élimination d'un adversaire était possible grâce à un usage habile d'une rumeur ponctuelle ou répétitive savamment diffusée contre le pouvoir en place. Détienne et Vernant dans les ruses de l'intelligence et la métis des grecs ont mis en évidence l'importance de cette pratique dans les fondements de la société grecque. Le XXème siècle a mis porté cette démarche à un niveau stratégique. La révolution russe en a été lé révélateur.

Face à l'Occident capitaliste, les mouvements révolutionnaires ont mis au point des pratiques d'attaque qui tenaient compte de leur situation de départ, c'est-à-dire un rapport du faible au fort. La critique du régime était la première étape de leur démarche conspiratrice. Ce travail de sape était de fait une véritable guerre de l'information menée contre un modèle de société. A ce titre, le Komintern puis l'URSS ont développé des méthodes subversives très originales. Citons pour mémoire :
- le noyautage des mouvances intellectuelles européennes entre les deux guerres,



- la propagande du mouvement pour la paix dans le monde lancé aux lendemains de la seconde guerre mondiale (500 millions de pétition signées à travers le monde),



- l'entrisme dans les administrations des gouvernements à participation communiste,



- l'influence idéologique exercé sur une partie du monde enseignant en France.

Les régimes occidentaux ont eu beaucoup de difficultés à contrecarrer ces techniques et à trouver les parades adéquates. Placés initialement dans un rapport de force favorable de dominant à dominé, les structures policières et les services de renseignement militaires ne pouvaient pas utiliser les mêmes armes que leurs adversaires. La critique du modèle soviétique a été très tardive et ne s'est révélée efficace que lorsque celui-ci s'est fossilisé au cours de l'ère brejnévienne. Les expertises issues des guerres coloniales (Colonel Trinquier, 5ème bureau d'action psychologique) ont été conçues dans une logique de contre mais sans jamais prendre l'avantage sur l'adversaire.

Comment prendre le dessus, en termes de propagande, sur un peuple qui réclame son indépendance ? Ces constatations basiques nous obligent à relire différemment les expériences subversives et à en tirer des enseignements nouveaux sans a priori idéologique. C'est d'autant plus nécessaire que la France est entrée depuis deux décennies dans une logique du faible au fort vis-à-vis des leaders géo-économiques mondiaux.

L'influence technique et l'influence culturelle sont les deux axes majeurs de la politique offensive des États-Unis pour préserver et développer leur position de leadership à l'encontre des autres pays. Cette volonté hégémonique incite les partenaires de la puissance mondiale à adopter des postures plus offensives dans le domaine de la contre-information.

Les luttes intestines franco-françaises ont mis à jour des dispositifs légers mais très efficaces de guerre de l'information. L'ancien Premier Ministre Alain Juppé a été déstabilisé par une association 1901, deux personnes et un juriste qui se sont focalisées sur le problème de son appartement de la mairie de Paris. Ce type de structure opérationnelle de guerre de l'information est transposable sur le terrain économique et géo-économique.

Mots-clés :
- Rapport du faible au fort



- Techniques subversives de déstabilisation



- Techniques d'encerclement par la connaissance : noyautage, entrisme



- Propagande et contre-propagande



-Influence technique et influence culturelle



- Contre-information



- Agit-prop



- Structure opérationnelle de guerre de l'information

De l'art de la contre-information :

« Ces nouvelles formes de lutte ne sont pas moins radicales que les précédentes. Elles imposent à ceux qui sont visés - essentiellement le monde économique, les grands acteurs de la société civile - de nouvelles stratégies. Il est en particulier essentiel de pouvoir prévenir l'action d'accusation dont les effets, parce que médiatiques, sont de l'ordre de l'irréparable : les piteuses excuses de Greenpeace ne répareront en rien le mal fait à Shell » [Favilla, Les Echos, 21/09/95].

La guerre du mouvement est au coeur de la stratégie de Greenpeace. Dans ses « écrits militaires », Mao Zedong définit les « problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire ». L'un des principaux problèmes stratégiques qu'il convient de résoudre, est celui du rapport entre la guerre de position et la guerre de mouvement : il faut « lutter contre les lignes d'opération fixes et la guerre de position et [se] prononcer pour les lignes d'opération mobiles et la guerre de mouvement ». La guerre du mouvement doit être compatible avec le principe suivant : « lutter contre la stratégie visant à frapper des deux poings dans deux directions à la fois et nous prononcer pour celle visant à frapper d'un seul poing dans une seule direction à un moment donné ».

En 1985, Greenpeace n'était qu'une association écologiste modeste en taille et en capacité financière. C'est l'hyper-médiatisation de l'explosion du Rainbow Warrior qui a offert une assise financière à Greenpeace à travers les dédommagement du Gouvernement français, et surtout, par l'afflux de dons à travers le monde. Cette assise financière a permis à Greenpeace de développer son activité de guerre de l'information et d'accumuler les succès médiatiques.

Ces succès ont résulté :
- de choix judicieux des causes à défendre, à des alliances opportunistes avec tel ou tel pays ou groupe de pression : seuls sont retenus les projets qui sont susceptibles de bénéficier d'un retentissement médiatique et donc de toucher l'opinion publique.



- des moyens alloués à la recherche scientifique : établir des dossiers scientifiques permettant d'argumenter, de crédibiliser les offensives médiatiques.



- des propositions constructives pouvant être validées par le marché (produits écologiques) ou par le droit (loi, moratoires, accords internationaux, etc.)

Dans la plupart des organisations, les modèles traditionnels de gestion de crise et de communication institutionnelle ont montré leurs limites face à la radicalisation des pratiques offensives et à l'utilisation massive des Nouvelles Technologies de la Communication. Toutefois, des éléments de réponse précis et efficaces sont apportés à travers le concept de contre-information.

La contre-information peut être définie comme l'ensemble des actions de communication qui, grâce à une information pertinente et vérifiable, permettent d'atténuer, d'annuler ou de retourner contre son instigateur une attaque par l'information.

La contre-information est donc différente des techniques de désinformation employées par les services spéciaux mais elle répond aux mêmes contraintes et requiert les mêmes qualités que l'attaque par l'information : renseignement préalable, maîtrise des mécanismes psychologiques et psychosociologiques, maîtrises des principes et techniques de communication (y compris publicitaires), connivence avec les médias de masse, etc. C'est la raison pour laquelle toute prévention contre une attaque insidieuse par l'information ouverte suppose la connaissance et la maîtrise des techniques offensives de guerre de l'information.

Les critères d'efficacité de la contre-information sont les suivants :

Pour être crédible, la contre-information s'attache à véhiculer de l'information ouverte et argumentée, non manipulée, donc facilement vérifiable.

Où, quand, comment et dans quelles proportions diffuser l'information ? La contre-information est affaire de stratégie et de management de l'information.

Il s'agit d'attaquer systématiquement les contradictions et les points faibles de l'adversaire.

L'argumentaire d'attaque est d'autant plus incisif si l'évidence des faits relatés est établie.

La communication est liée à l'exemplarité de la démonstration et à une utilisation habile des caisses de résonance spontanées.