La conception fondatrice de la révolution dans les Affaires Militaires

La conception fondatrice : par l'amiral Wiliam A Owens, des cheft d'état-major des Etats-Unis ancien vice-président du comité.

 

 

UNE RÉVOLUTION EN MARCHE

Comme toute autre révolution, la RAM américaine entraîne de grands changements, qui se produisent de façon

soudaine, et qui se propagent dans les institutions, la doctrine et l'idée que nous avons du recours à la force. Ce qui dérange dans les révolutions, c'est moins la portée, la vitesse et l'ampleur de l'innovation que ce qui doit être abandonné pour les mener à bien. Le problème que constitue une innovation en profondeur, rapide et largement répandue, n'est pas d'obliger les gens à accepter la nouveauté

mais à renoncer à l'ancien. Nombreux sont ceux qui veulent bien flirter avec l'avenir, mais peu sont prêts à l'embrasser au prix d'un présent confortable.

A certains égards, ce commentaire est adapté à l'état de la révolution en cours. Nous avons maintenant assez nettement l'impression que la RAM résulte de la manière dont plusieurs technologies particulières vont agir entre elles. La plupart des hauts dirigeants militaires ou civils conviennent que les technologies spécifiques sont celles qui nous permettent de recueillir, traiter et fusionner des informations sur une zone géographique étendue en temps réel et en permanence ; de transmettre rapidement et précisément ces informations, appelons-les connaissances, à nos forces ; qui nous donne la possibilité de vite employer la force de manière exacte, précise et efficace sur de longues distances. En outre, ils sont d'accord sur leur interaction. Nous avons décidé de créer ce que certains d'entre nous appellent le système des systèmes, à savoir, des interactions qui nous donneront une connaissance prépondérante du champ de bataille et la capacité d'y prendre entièrement l'avantage militaire.

La preuve de cet accord collectif réside dans le budget de défense, dans les recommandations de l'évaluation des programmes du président et dans ce que les forces armées déclarent dans les livres blancs et les études d'état-major. Les fonds alloués aux programmes, qui nous donneront le système des systèmes, augmentent à un rythme bien supérieur à celui de l'ensemble du budget du ministère de la Défense. L'évaluation des

programmes du président a recommandé ce projet qui provient en grande partie des discussions, menées en profondeur, entre les hauts commandants militaires et des travaux effectués au cours de ces deux dernières années par le Joint Requirements Oversight Council (JROC). Et qu'on le trouve dans Arrny XXI, Forward .. from the Sea, the Sea Dragon initiative, ou Global Presence l'argument de base est le même ; il reflète l'engagement dans une bien meilleure connaissance de la situation dans des communications rapides et des armes de précision.

 


 

 

LES OBSTACLES

Ces décideurs sont moins d'accord sur la rapidité avec laquelle il faut parcourir ce chemin, sur la nécessité d'accélérer le système des systèmes et sur ce à quoi il faudrait renoncer durant ce processus. Mais l'engagement concernant la direction est clair et, je crois, irrévocable. C'est pourquoi les États-Unis seront la première nation, à pénétrer dans l'ère post-révoltionnaire, dotée de compétences qui changeront peut-être le caractère de la guerre telle qu'on la connaît depuis des siècles.

Alors que nous empruntons déjà le chemin révolutionnaire et que nous avons accepté la perspective d'une innovation à grande échelle qui s'introduit relativement vite et se répand dans les institutions, la doctrine et la pensée, tout n'est pas réglé. Nous manquons à l'heure actuelle d'un consensus ferme sur deux dimensions de cette révolution américaine. La première c'est ce qu'elle signifie, plus spécifiquement, pour l'organisation et la doctrine militaires. La seconde ce qu'elle représente pour la politique étrangère américaine et notre rôle dans le monde.

Nous qui travaillons au Pentagone, nous pensons pour la plupart que nos institutions vont changer, peut-être de manière frappante. Mais nous en sommes arrivés là par déduction, pas par l'intermédiaire des évaluations et des expérimentations empiriques détaillées qui doivent être faites. Pourtant, le genre de forces qui ont droit à l'information, extrêmement bien informées dans notre vision générale, exige des structures plus horizontales, moins hiérarchisées. Le concept

consistant à être capable de voir un grand champ de bataille avec beaucoup d'exactitude offre des possibilités étonnantes.


 

 

Par exemple, si nous savons où se trouvent les forces ennemies et ce qu'elles font, de façon détaillée et en temps réel, et si nous engageons le combat avec des armes à plus grande portée, de haute précision, fiables et efficaces, pourquoi aurions-nous besoin du type et de la taille des forces de soutien aérien rapproché qui existent aujourd'hui ? En effet, cette capacité ne féra-t-elle pas que le besoin de constituer des unités en réserve aux niveaux tactique et opérationnel deviendra anachronique ? Et il y a sûrement une relation subtile entre le type et la taille des structures logistiques requises et les données logistiques précises en temps réel dont nous disposerons sur les besoins tactiques et les mouvements de matériels. Bref, la révolution dans les affaires militaires américaine pose une série de questions, liées à la structure des forces, qui doivent encore être résolues. Nous percevons collectivement qu'elles se profilent juste à l'horizon. Mais cette dimension de la révolution reste imprécise, et peu de responsables sont tout à fait d'accord sur ce qu'il y a à faire.

 

 

 

UN DÉFI À CLAUSEWITZ

En toute justice, les artisans de la RAM américaine n'ont jamais affirmé qu'ils étaient capables de dissiper complètement le brouillard de la guerre où d'éliminer totalement la friction du conflit. Cependant, ils ont soutenu que la révolution pouvait introduire une telle disparité dans la manière dont le brouillard et la friction s'appliquaient à chaque camp en guerre qu'elle pouvait conférer une domination sans précédent. Malgré cette nuance importante, cette révolution remet en question une hypothèse vitale concernant notre pensée sur l'emploi de la force ainsi que les opinions et les institutions reposant sur cette hypothèse. C'est ce qui en fait finalement une véritable révolution.

Il n'est pas étonnant, alors, que nous ne soyons pas parvenus à un consensus à propos des implications doctrinales et structurelles de la révolution. Même si, en décidant de faire la révolution, nous nous sommes engagés à les étudier. Cette tentative, aussi, est sans doute irrévocable et si nous mettons de la bonne volonté à réfléchir sérieusement à ces choses, notre avance révolutionnaire augmentera.

A ce propos, nous devons également examiner la question tout aussi importante de la signification de cette révolution en termes de politique étrangère. Même si elle remplit sa promesse de puissance inégalée sur le plan militaire, il ne nous sera pas nécessairement plus facile d'atteindre nos objectifs, en particulier, la construction d'un monde stable, juste et libre. La disparité en matière de puissance militaire que la RAM octroie aux États-Unis, présente un dilemme: comment, en effet, utiliser cette puissance pour dissuader et contraindre, c'est-à-dire convaincre d'autres nations qu'elles ne peuvent l'emporter sur nous, sans les effrayer au point qu'elles ne tentent de contrecarrer notre puissance ? Nous n'avons pas convenu d'une réponse. Nous avons à peine examiné la question.

Où en est cette révolution dans les affaires militaires américaine à mesure que nous approchons du prochain millénaire ? Elle bat son plein. Nous avons choisi la voie révolutionnaire, le système des systèmes émerge et nous avons accepté la promesse et le risque que représente l'innovation. Nous ne nous sommes, cependant, pas mis d'accord sur la rapidité avec laquelle il faudra avancer ni sur ce que le voyage va exactement entraîner. Tout en étant en marche, la révolution n'est pas encore achevée. C'est le moment d'ouvrir des discussions, débats et critiques sur ce sujet.