Les origines de la guerre de l'information

Vers 500 avant J-C, Sun-Tzu dans "l'Art de la Guerre" posait le précepte suivant : "(…) L'affaiblissement ou l'élimination d'un adversaire est possible grâce à un usage habile d'une rumeur ponctuelle ou répétitive savamment diffusée (…)"Cette méthode originale de neutralisation d'un adversaire est très souvent utilisée dans un rapport du faible au fort.

Les origines de la "guerre de l'information" remontent à la nuit des temps puisque d'Alexande le Grand à Bélissaire et de du Guesclin à Napoléon Bonaparte, tous les chefs de guerre dans un premier temps, puis tous les leaders politiques dans un deuxième temps (surtout lors de la guerre froide), ont tenté d'imposer par tous les moyens leurs visées et leurs desseins à leur ennemis.

Plus proche de nous, l'époque contemporaine a vu se développer au cours des 2 conflits mondiaux, des méthodes destinées à entamer le moral des troupes et des populations du camp adverse.

Ces méthodes visaient du même coup, à galvaniser ses propres troupes, et à conforter la confiance de sa propre population en une victoire finale inéluctable.

C'est ainsi qu'au cours des conflits contemporains du XX ème siècle ( I ère Guerre Mondiale - 1914/1918 - et II ème Guerre Mondiale - 1939/1945 ) les acteurs des conflits militaires puis politiques ont du faire preuve d'astuces et d'ingéniosité en améliorant sans cesse les méthodes basiques de la propagande pour tenter d'influer sur le déroulement du conflit.

On a donc assisté à une "montée aux extrêmes" qui a entraîné une démultiplication des techniques d'attaque par l'information à travers la propagande, la désinformation, l'intoxication, la manipulation et  les opérations psychologiques. Ces techniques d'attaque ont pour finalité de provoquer un sentiment de doute et/ou de défiance des populations contre une cible prédéfinie.

Toutes ces méthodes dites de "guerre de l'Information" n'amènent pas directement à un affrontement armé sur le terrain mais peuvent entrer dans le spectre des "opérations spéciales" et/ou de la "guerre subversive".

Toutefois, si elles ne semblent pas faire partie du domaine des opérations militaires conventionnelles, ces méthodes sont cependant combinées et/ou complémentaires à celles-ci.

Elles peuvent d'ailleurs être planifiées très en amont dans le temps et dans l'espace mais aussi durant toute la durée du conflit. Les objectifs changent, mais les méthodes restent les mêmes.

Durant les décennies qui ont opposé le camp communiste au camp capitaliste, les spécialistes soviétiques ont appliqué ces méthodes pour créer des réseaux d'influence dans différentes couches de la société civile des pays occidentaux (ouvriers avec les rabcors, intellectuels avec les mouvements pour la paix de l'entre-deux guerre et des années 50, milieux politiciens par l'entrisme pratiqué au sein de certains états-majors de partis politiques et d'administrations, milieux religieux par l'intermédiaire de certains prêtres ouvriers et évêques progressistes).

La guerre de l'Information dans la mondialisation des échanges :

Dans le contexte de durcissement de la compétition économique tant au niveau des acteurs mondiaux, nationaux que régionaux, les entreprises françaises sont confrontées à de nouvelles techniques de " combat " dans lesquelles la maîtrise, le contrôle et la diffusion de l'information(réelle ou retouchée) sont utilisés, non plus seulement comme un vecteur de connaissance et d'anticipation, mais comme une arme offensive.

Devant ce durcissement des rapports de forces, l'information devient donc la principale matière première de l'économie et constitue également un instrument de compétition .
Sa manipulation ou simplement son utilisation à des fins malveillantes contre les acteurs économiques d'un état, entreprises, régions, ou individus est aujourd'hui facilitée du fait, notamment de l'émergence desNouvelles Technologies d'Information et de Communication (NTIC).

Sur le plan informationnel, l'attaque d'une entreprise peut être conduite en s'appuyant sur une stratégie directe ou consister à un encerclement progressif de ses intérêts. L'entreprise Lindt a, semble-t-il été victime d'une rumeur au milieu des années 90. Ses principaux clients, les grands distributeurs, apprirent que Lindt " subissait une perte de 20% de son chiffre d'affaires et qu'elle allait licencier du personnel. Sans une réaction dans les 48 heures de sa direction générale (mobilisation de tous les commerciaux pour présenter aux clients un justificatif sur les comptes de la société), l'entreprise aurait été gravement déstabilisée.

Le premier mode d'action vise à concentrer l'efficacité des moyens sur la faille visible d'une entreprise. Par exemple la campagne déclenchée par General Motors après le débauchage par Volskwagen d'un de ses principaux cadres dirigeants (affaire Lopez). L'attaque était simple et concise : la firme allemande Volskwagen était accusée par voie de presse d'avoir été à l'origine d'une opération d'espionnage industriel contre General Motors. La campagne de dénigrement médiatique a obligé la direction de Volskwagen à négocier en situation de faiblesse. Le plus souvent, l'offensive est aussi brève que virulente. L'effet attendu est limité à un cadre espace temps réduit. Le flux informationnel est bref mais intense, les caisses de résonance sont utilisées dans leur état du moment. Toutes les actions convergent vers un point de focalisation unique. Le message s'appuie sur un nombre très restreint d'idées force, délivrées d'emblée avec la totalité de leur arsenal argumentaire.

Le second mode d'action consiste à faire porter l'attaque non plus sur le cœur de la cible mais à sa périphérie. Selon le magazine "Der Spiegel", la campagne contre les pluies lancée au cours des années 70 par des mouvements écologistes a peut-être été manipulée par des constructeurs automobiles allemands. Des analyses scientifiques ont démontré que la pollution automobile n'était pas le facteur le plus déterminant. Toujours selon "Der Spiegel", les constructeurs allemands auraient cherché à déstabiliser les autres constructeurs en voulant leur imposer leur technologie sur le pot catalytique. La cible était en l'occurence Bruxelles afin d'influer sur les normes décidées au niveau de la Commission. Dans ce genre d'attaque indirecte, les coups sont portés sur les points d'appui formels et informels de la cible. L'offensive s'inscrit dans la durée, elle permet de réguler le rythme de l'action en fonction des réactions de l'adversaire mais aussi de son entourage. L'effet attendu est progressif et repose sur la convergence, en tendance, d'un spectre large de réactions. Les messages sont délivrés de manière parcellaire et pointilliste, sans lien immédiatement perceptible. Le mûrissement et la factorisation des thèmes doivent donner l'apparence d'idées forces autogènes. L'argumentaire est distillé selon un ordre préétabli, mais constamment adapté avec pragmatisme.

Tout mode d'action effectif est en fait un mélange des deux précédents. Aussi, toute attaque par l'information peut, pour des raisons tactiques, se dérouler sur des terrains multiples, porter sur des cibles de nature diverse, changer de canaux de communication, voire adapter l'argumentaire en fonction de la perception d'autrui.

Pour une entreprise, elle peut en particulier consister à :

- discréditer, décrédibiliser ses représentants,

 

- nuire à la réputation de ses secteurs d'activité ou à son image,

 

- déstabiliser son environnement : structures amont et aval, ses partenaires, ses clients, ses fournisseurs,

Face à la radicalisation des pratiques offensives et à l'utilisation massive des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), les modèles traditionnels de gestion de crise se montrent rapidement limités et inefficients .
A l'inverse, le concept de contre-information apporte des éléments de réponse précis et efficaces.

La contre-information :

Définition © (sources Ch. Harbulot, Ecole de Guerre économique):
" La contre-information peut-être définie comme l'ensemble des actions de communication qui, grâce à une information pertinente ouverte, argumentée, non manipulée et vérifiable permettent d'atténuer, d'annuler ou de retourner contre son instigateur une attaque par l'information.

Contraintes et qualités nécessaires à la mise en place d'une contre-information :
Utilisable à des fins préventives ou en guise de contre mesures, la contre-information ne peut être conduite au coup par coup. Elle nécessite la préparation préalable de multiples scénarios et une connaissance du milieu, des individus et des mécanismes impliqués dans ce genre d'affrontement immatériel. La campagne contre les fabricants de tabac aux Etats-Unis est un cas d'école exemplaire car il associe une guerre prolongée de l'information menée par des associations de lutte anti-tabac et des cabinets d'avocat qui menaient une manoeuvre en tenaille au niveau des médias et des autorités fédérales. La contre-propagande médiatique combinée à la procédure juridique sont deux des techniques civiles les plus efficaces générées par le modèle américain.

Renseignements préalables :
Afin de trouver la riposte adéquate, il est nécessaire de posséder une connaissance approfondie des structures formelles, informelles, internes et externes de l'entreprise et de son environnement.
Elle permettra de dresser une véritable cartographie en 3 dimensions de l'entreprise.
Pour obtenir les éléments nécessaires à l'élaboration de cette cartographie, il faudra appliquer le cycle du renseignement :

Expression des besoins

 

Collecter les informations pour y répondre

 

Analyser les points faibles et les contradictions de l'adversaire

 

Définir le scénario de contre-information

Mécanismes psychologiques et psychosociologiques :
La phase analyse du cycle du renseignement devra mettre en évidence les typologies d'acteurs, leurs profils psychologiques et leur dimension psychosociologique.

  • Nœud de communication

  • Vecteur de propagation

  • Point de rétention

  • Représentativité: théorique / effective

  • Agitateur / mécontent / déçu / aigri

  • Motivation : idéologique / sociale / financière / religieuse



  • Maîtrise des techniques et principes de communication :

    La perception des autres, adversaires et alliés, est le critère majeur à prendre en compte au moment du choix du respect au non de la congruité du comportement et de l'argumentation.
    L'effet de rupture et de position décalée est amplifié par l'incongruité du mode d'action. Il représente un atout dans une logique de contre mesure rapide et dans un environnement non conservateur. Prenons l'exemple démarqué d'une entreprise qui attaque un de ses concurrents les plus menaçants par des procédés classiques (espionnage industriel par viol de correspondance, traçage des prospects commerciaux, envoi de questionnaires piégés, débauchage de personnel...). L'entreprise visée choisit de contre-attaquer en utilisant un minimum de forces et de moyens : envoi anonyme d'un email décrivant les procédés de concurrence déloyale sur des sites situés dans des pays étrangers où les deux entreprises sont en concurrence. L'attaquant non cité nominalement dans cet email se reconnaîtra malgré tout entre les lignes. Il sera déstabilisé dans son attaque, car il ne pourra pas évaluer la force et l'amplitude des nouveaux messages du même type. Une négociation adéquate devient alors possible entre les deux protagonistes.

    En revanche, l'inflexion progressive du milieu s'appuie sur une congruité apparente et s'inscrit dans une logique de durée, particulièrement adaptée à un milieu conservateur.

    Critères d'efficacité de la contre-information :

    Pour être crédible, la contre information s'attache à véhiculer de l'information ouverte et argumentée, non manipulée et vérifiable, pour qu'il ne puisse pas y avoir de querelles d'experts ou d'interprétations différentes ; ce qui représenterait une faiblesse que l'adversaire s'empressera d ‘exploiter.

    A contrario, il ne faut pas que l'information soit trop facile à vérifier. Une tactique consiste à pousser l'entreprise agressive à la faute surtout si elle réagit dans l'urgence et se focalise sur la communication de crise. En effet, si l'entreprise agressive commet une erreur d'appréciation ou d'interprétation parce qu'elle ne prend pas le temps de recouper les informations communiquées par le camp adverse, c'est elle qui prêterait le flanc au discrédit, voire au ridicule.

    La contre-information est affaire de stratégie et de management de l'information (où, quand, comment à qui, à quel rythme et dans quelle proportion diffuser l'information ...).
    Il s'agit de rechercher de manière exhaustive et systématique les contradictions et les points faibles de l'adversaire, puis de les attaquer selon une tactique prédéfinie (quoi, lesquels, à quel moment, en fonction de quel stimulus interne, externe, formel, informel …)