La stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis


Dans l'indifférence quasi générale, le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique vient de faire paraître sa « nouvelle stratégie de sécurité ». Derrière ce titre un peu solennel, il s'agit surtout de justifier la nouvelle doctrine Bush junior en matière de lutte contre le terrorisme, d'intervention dans les conflits régionaux, d'élimination des armes de destruction massive et surtout de protection du territoire des USA.
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Dans un document d'une trentaine de pages, le président explique pourquoi il est « fier d'avoir la responsabilité de conduire l'humanité dans la voie de Liberté ».
Avant d'exposer son projet pour la terre entière, il rappelle qu'un seul modèle de réussite est acceptable à ses yeux : la démocratie, la liberté et le libre-échange. Selon Bush, « la capacité du libre échange et du marché libre à tirer de la pauvreté des sociétés entières n'est plus à prouver », les habitants du Bronx et d'Harlem seront contents de l'apprendre. Sa mission est donc de mettre en place sur toute la surface du globe ce triptyque salvateur. Avant toutes choses, le président Bush junior réaffirme que ce qui guide toute la politique américaine c'est «la défense de la liberté et de la justice, parce que ce sont des droits juste et imprescriptibles pour tous et en tout lieu». Partant de là, tout la politique américaine est la conséquence de ce combat de la civilisation contre la barbarie.

Dans cette croisade, l'Amérique s'engage même «à récompenser comme elles le méritent les nations qui auront pris des mesures favorables à la démocratie ». Un peu à la manière d‘un maître d'école, l'Oncle Sam distribuera des bons points aux gentils et des punitions aux méchants et aux «voyous ». Dans ce message fort, adressé au monde, Georges Bush junior identifie l'ennemi qui n'est «ni un régime politique, ni une personne, une religion, ni une idéologie isolée », l'ennemi c'est le terrorisme qui se nourrit de ce que lui donne les Etats voyous. La victoire, selon lui ne viendra qu'après de multiples batailles dont les succès seront «plus ou moins visibles ». La lutte à mort contre la bête immonde du terrorisme passe par la «défense des Etats-Unis, du peuple américain et de ses intérêts aussi bien à l'intérieur qu'à l'étranger (...) parce que les terroristes haïssent l'Amérique ! ». La liberté et la démocratie et l'Amérique ne font qu'un, s'attaquer à l'Amérique c'est s'attaquer à La Civilisation.

Mais le but visé par ce texte est surtout celui de justifier et d'expliquer la nécessité d'une guerre préventive en Irak ou ailleurs. Une guerre que l'Amérique mènerait «seule si nécessaire » ou à la tête d'une coalition. A six reprises cette idée de légitime défense par anticipation est mise en avant par le président : « Il faut détruire la menace avant qu'elle ne frappe, (...)nous n'hésiteront pas agir seuls à titre préventif,... ». Au moins, avec Bush junior, le style est direct et clair ; l'Irak et les «voyous » peuvent commencer à trembler !
A côté de cette lutte armée, les Américains sont prêts à mener un «combat d'idées » américaines pour gagner la guerre contre le terrorisme. Tout d'abord, grâce à l'influence des Etats-Unis, le terrorisme doit être présenté sous le même jour que «l'esclavage, la piraterie ou le génocide », ensuite les gouvernements musulmans «modernes et modérés » doivent être soutenus et montrés en exemple, puis il faut lutter contre la pauvreté et la misère qui «nourrissent le terrorisme » et enfin recourir à «une diplomatie efficace » pour permettre une bonne circulation de l'information et des idées.

Ne vous étonnez pas de voir de plus en plus de treillis US sur tous les continents car pour le maître d'école la présence des forces armées américaines est «l'un des symboles forts de l'attachement des Etats-Unis envers ses alliés et amis ». Rien ne sert de s'offusquer de toute façon l'Amérique aura besoin de bases et de cantonnements en «Europe occidentale, en Asie du Nord-Est et bien au delà ! ». Il faudra même «négocier des accords d'accès temporaires pour le déploiement à longue distance des troupes »...tout ceci a le mérite d'être clair.

Que les valeureux GI's se rassurent, ils pourront œuvrer dans la sérénité, sans crainte d'avoir à répondre de leurs actes. Leur président reste ferme sur un point, toutes les actions armées ne pourront pas être entravées par le TPI car «son pouvoir d'investigation, d'enquête et de poursuite (...) ne s'étend pas aux Américains. Nous le refusons ! ». L'argument est même juridique puisque Georges Bush fait jouer les dispositions de «l'American Servicemembers Protection Act » qui assure en tout lieu et tout temps la protection à ses ressortissants...
Georges Bush junior conclue sur un ton rassurant en refusant de voir dans la lutte contre le terrorisme un choc entre deux civilisations. De toute façon pour ceux qui n'avaient pas encore compris, il n'y a qu'une civilisation sans cesse en guerre pour la liberté, la démocratie et le libre-échange.

Dans son dernier ouvrage Après l'empire, Emmanuel Todd nous apporte peut-être une explication à cette volonté belliqueuse. « Si la démocratie triomphe partout, nous aboutissons à ce paradoxe terminal que les Etats-Unis deviennent, en tant que puissance militaire, inutiles au monde et vont devoir se résigner à n'être qu'une démocratie parmi les autres ».

Jean-Baptiste Jusot