Le quotidien français Libération sombre dans le n’importe quoi ?, Renaud Lecadre avait pris à l’époque pour prétexte l’affaire Gomez pour parler en ces termes de l’intelligence économique : « L'intelligence économique a encore reculé d'un cran hier devant le tribunal correctionnel de Paris en charge de l'affaire “Couper les ailes de l'oiseau”. La société Thomson y est accusée de tentative d'extorsion de fonds contre le groupe Lagardère, sur fond de réglements de comptes entre marchands de canons. De fait, l'intelligence économique est la nouvelle appellation de l'espionnage industriel, qu'il soit pratiqué par des services gouvernementaux ou des officines privées, ses praticiens ayant la fâcheuse tendance de passer de l'un à l'autre. »Dans un article publié par le quotidien Libération du 16 juin 2006, il en remet une couche en prenant cette fois l’affaire Clearstream comme nouveau cadre de débat. Rappelons ces propos : « Jean-Louis Gergorin a eu l'occasion de préciser les contours de sa mission: il était responsable de l'intelligence économique d'EADS. L'intelligence économique, c'est la dernière tarte à la crème du big business. L'appellation « économie de l'intelligence », ironise un détracteur qui s'y connaît recouvre au mieux des activités de veille (compilation de documents publics, disponibles sur le Net ou au greffe des tribunaux de commerce), au pire d'antiques pratiques barbouzardes (écoutes téléphoniques, filatures, fouille de poubelles...). Ses praticiens sont souvent d'anciens flics ou agents secrets, mais aussi de jeunes diplômés qui croient en la rectitude du métier. Le cas Gergorin résume les possibilités et impasses de l'intelligence économique ».
Parlons d’abord du journal dans lequel écrit ce journaliste. La caractéristique actuelle du quotidien Libération est de subir une crise importante au sein de la rédaction depuis la grève de ces derniers mois, de ne pas pouvoir stopper son hémorragie financière (950.000 euros de pertes annoncées en avril) et d’avoir à gérer l’éventuel départ de son directeur historique, Serge July, sous la pression de son actionnaire principal, Edouard de Rothschild. Dans un tel contexte de crise, on comprend mieux pourquoi certains journalistes de Libération manifestent quelque fébrilité. Encore faut-il dans l’adversité garder un minimum de lucidité. La pratique de l’amalgame est une vieille recette. Mélanger l’intelligence économique avec les affaires Gomez et l’affaire Clearstream est chose facile. Il suffit de brandir le titre affiché par Jean-Louis Gergorin comme une preuve implacable pour se permettre ensuite certaines facilités d’écriture.
Est-il encore nécessaire de rappeler les évidences économiques suivantes : - la fragilisation progressive de l’économie occidentale, - la pénurie de ressources et de matières premières, - les crises à répétition de l’énergie, - la pugnacité des nouvelles puissances économiques, - la saturation concurrentielle sur de nombreux marchés des pays industrialisés, - les effets déstabilisateurs de l’opportunisme du capitalisme financier sur le monde industriel, - les clivages conjoncturels entre l’intérêt de puissance et certains intérêts privés, - l’incohérence des modes de gouvernance entre le monde occidental et le reste du monde, - la difficulté de conquérir des marchés dans les économies émergentes, - l’infiltration mafieuse au sein des grandes places boursières mondiales, - la mutation des rapports de force sous l’effet de la société de l’information… Dans tous ces domaines, le management de l’information joue un rôle majeur. Pas celui qui consiste comme dans l’affaire Gomez ou l’affaire Cleastream à s’autodétruire dans des luttes fratricides de pouvoir, mais au contraire celui qui consiste à aider les entreprises à gagner des marchés et à créer des emplois. L’intelligence économique survivra à ces affaires tout simplement parce que les entreprises en ont besoin. Notre économie est de plus en plus vulnérable. Il suffit de lire les chiffres pour le comprendre, en particulier en matière de désindustrialisation et de commerce extérieur. Ceux-ci démontrent que les détenteurs de l’intelligence, celle revendiquée anonymement par les détracteurs de l’intelligence économique cités dans l’article de Renaud Lecadre, ont un bilan médiocre à présenter à la population française. Leur morgue n’impressionne plus grand-monde. Pas plus que les écrits de Renaud Lecadre. La vérité n’est pas dans les colonnes d’un journal qui fait fuir une partie de ses lecteurs. Christian Harbulot