Les journaux économiques au cœur de l’activisme actionnarial des Hedge Funds
Les hedge funds sont une manière de valorisation du capital très tendance ces derniers mois. Le terme de gestion alternative est aussi utilisé même si cela ne renvoie pas seulement aux hedge funds, ceux-ci étant des fonds d’investissement non cotés à vocation spéculative et donc, recherchant des rentabilités élevées. Les hedge funds présentent l’intérêt d’offrir une diversification supplémentaire aux portefeuilles « classiques » car leurs résultats sont en théorie déconnectés des performances des marchés actions et obligations.L’objectif, ici, n’est pas de définir un hedge fund mais plutôt de qualifier la stratégie d’une partie d’entre eux. En effet, ils en existeraient plus de 9000, principalement enregistrés aux Iles Caimans et aux Iles Vierges Britanniques, territoires britanniques dont le gouverneur est nommé par la Reine. Selon le cabinet d’étude américain spécialisé dans la gestion alternative Hedge Fund Research, l’encours sous gestion de cette industrie a atteint 1 426 milliards de dollars à la fin 2006, contre seulement 1 105 milliards de dollars au terme de l’exercice 2005.
Les stratégies des hedge funds pour valoriser leurs capitaux sont extrêmement variées, à l’image de la finance moderne. Certains utilisent les produits dérivés, en particuliers les options afin de faire des paris sur l’avenir et empocher de fortes sommes grâce à l’effet de levier (engager un volume de capitaux qui soit un multiple plus ou moins grand de la valeur des capitaux propres). C’est par exemple le cas de Citadel de Kenneth Griffin.
Il existe aussi des hedge funds, plus connus, spécialisés dans l’activisme actionnarial. On peut citer par exemple le fonds Knight Vinke qui était présent dans l’actionnariat de Suez jusqu’à récemment ou encore TCI et Toscafund dans le capital d’ABN Amro. Leurs objectifs est de prendre une part plus ou moins élevée du capital de la cible, puis, par communiqués savamment distillés dans la presse, de pousser les dirigeants à infléchir la stratégie de la société afin qu’elle soit plus profitable aux actionnaires. Généralement, à la seule évocation de la présence de hedge funds les plus connus dans le capital d’une société fait s’apprécier le cours de bourse de la firme (alors que les fondamentaux économiques sont inchangés).
Cette forme de valorisation des capitaux induits plusieurs questionnements. Le premier consiste à s’interroger sur la pertinence de l’action de ces hedge funds. En effet, derrière ce fait économique se cache en réalité le mode de régulation des capitalismes. D’un côté, le capitalisme européen continental (mais aussi japonais) suppose que les dirigeants d’entreprises sont les plus à même de définir et mettre en œuvre la stratégie décidée. Alors que les hedge fund usant de l’activisme actionnarial sont principalement anglo-saxons et partent du principe que l’actionnaire est propriétaire, donc décideur. Les hedge funds, selon nous, participent ainsi à la remise en cause du modèle économique, et donc social, européen. D’où les appels (du ministère de l’Economie allemand, du parti socialiste européen, en France, en Autriche mais aussi en Inde, au Japon, etc.) pour un début de réflexion et des actions concrètes.
Le deuxième questionnement renvoie à la manière dont fonctionnent les analystes/traders mais aussi les journalistes de la presse économique. Les hedge funds, généralement créé par des anciens traders, ayant fait leurs preuves et très aux faits des méthodes utilisées dans le milieu, distillent leurs griefs dans quelques journaux ou agences de presse dont ils savent qu’ils sont lus par les cibles, c’est-à-dire les analystes/traders. Le but des gérants de hedge funds est d’orienter la stratégie des entreprises via, d’une part, la coalition d’actionnaires mécontents et, d’autre part, le changement des impressions des analystes vis-à-vis de la société cible.
Ainsi, il ne faut pas s’étonner si ce sont généralement le Financial Times et le Wall Street journal, les « bibles » de la finance qui publient les « scoops », c’est-à-dire les lettres ouvertes des hedge funds au dirigeant de l’entreprise cible. Reuters et Bloomberg, les deux principales agences de presse financière sont aussi un vecteur utilisé, généralement pour des « explications/réorientations » ultérieures. Par ailleurs, selon le pays de la société cible mais aussi la nationalité de ses actionnaires, un journal « local » servira aussi de vecteur. C’est le cas pour le journal hollandais Financieele Dagblad pour le cas ABN Amro actuellement. De même, récemment, Le Monde rapportait que plusieurs journaux, dont les Echos, avaient reçu une lettre anonyme faisant état de la présence de hedge funds dans le capital de Valéo, entreprise sous pression.
Les hedge funds ont donc bien compris la manière dont travaillent les analystes financiers, à savoir lire une ou deux sources économiques en plus de rapports financiers. Il suffit donc aux activistes de changer la perception qu’ont les analystes d’une société pour arriver à leurs fins : faire de l’argent, ou plutôt de « dégager de la valeur pour l’actionnaire » via l’augmentation du cours de bourse, de la vente de départements de la société qui sont peu productifs (mais peuvent être au cœur de la stratégie des dirigeants ?!)…
Ainsi, tant que les analystes n’auront pas une démarche proactive utilisant l’intelligence économique et tant que les journaux ne se feront qu’un relais d’informations sans prendre de recul, les hedge funds activistes auront de beaux jours devant eux. Car les premiers et les seconds, en ne remettant pas en question leurs méthodes de travail, se laisseront berner par des hedge funds qui ont très bien compris comment ils fonctionnaient.
http://www.badaquiladeal.com) pour dénoncer la vente qu’il considère comme une « mauvaise affaire » de la société énergétique Aquila (où il détient 5 %) et qui doit être vendue à Great Plains Energy Inc. Le site détaille les arguments de Pirate Capital, mais aussi des conseils de management à la direction ?!