Attentats-suicides dans la Province Frontalière du Nord-Ouest : de la nécessité de la recherche dans le traitement des actes terroristes

Une étude réalisée par la Pakistan Society of Criminology sur  les attentats suicides en Province Frontière du Nord-Ouest commis entre 2006 et 2009 souligne les carences de la réflexion pakistanaise sur le sujet. En dépit des succès croissants quoique relatifs des forces de police pakistanaises – notamment celles de la Province Frontalière du Nord-Ouest (North-West Frontier Province – NWFP) – il n’y a aucun dispositif permettant d’inclure la recherche académique dans l’étude du phénomène terroriste au Pakistan. La très grande majorité des recherches occidentales – y compris celles les plus poussées – ne se basent que sur les rapports des medias ou de procès, ce qui, de fait, limitent leur pertinence et éventuels champs d’application. Au Pakistan même, aucune recherche portant sur des « djihadis » eux-mêmes n’a été publiée.
Pourtant, un véritable savoir-faire s’est développé au sein de certaines forces de l’ordre, particulièrement celles les plus directement ciblées par les candidats au martyre. Ces compétences nées de la pratique restent confinées à quelques unités géographiquement localisées et la transmission de la connaissance n’est pas possible. Cet état de fait est nuisible à l’établissement de stratégies et de politiques publiques de long terme visant à éradiquer les raisons conduisant à la réalisation d’attentats suicides.
Plusieurs difficultés contribuent à tenir les chercheurs en marge des sources auxquelles ils pourraient avoir accès. Celles identifiées par l’article comme les plus importantes sont : 1) le manque de ressources (humaines, matérielles, financières, académiques et cognitives) permettant aux forces de police d’exploiter au maximum les données (humaines ou non) recueillis sur le terrain ; 2) la problématique double juridiction propre à la NWFP, qui ne permet pas à la police de poursuivre les criminels ou de prendre des mesures préventives, dont celle d’un recueil régulier et raisonné de l’information.
L’auteur de l’étude estime par ailleurs que le terrorisme nécessite un traitement théorique particulier du fait de la rationalité très spécifique des individus se préparant aux attentats-suicides. Seule la recherche est en mesure d’expliquer aux forces de police et aux services de renseignement l’environnement psychologique et idéologique dans lequel s’inscrit le terrorisme. Il dresse le portrait type d’un candidat, se basant sur des éléments recueillis lors d’interrogatoires et d’enquêtes sur le terrain. L’auteur estime que ces informations devraient être diffusées à l’ensemble des forces de l’ordre pakistanaises.
Si certaines autorités ont pris conscience de l’apport que la recherche peut avoir dans la lutte contre le terroriste, l’article conclut que tout est à faire, quitte à s’inspirer de certaines procédures et techniques occidentales, qu’il faudrait néanmoins adapter aux circonstances locales. La clef du succès réside dans la production de connaissance.

Matthieu Viteau

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