Guerre économique dans le Golfe de Guinée ?

Depuis quelques mois, la marine américaine entraîne des partenaires africains dans le golfe de Guinée afin de contribuer, selon les propos officiels, au renforcement de la sécurité dans une région affectée par la piraterie, le trafic de drogue et les attaques visant des installations pétrolières. L'USS Nashville, navire de guerre de 17.000 tonnes dont l'équipage compte environ 420 membres, fait escale dans cinq ports pour des stages de formation dans des domaines aussi divers que la protection des plates-formes pétrolières, la lutte contre les incendies ou le droit maritime. Les marines africaines manquent souvent des moyens de repousser des attaques de plus en plus audacieuses dans le golfe de Guinée, où sont concentrés les principaux fournisseurs de pétrole brut africains de l'Occident et de la Chine ; des groupes armés opérant sur des vedettes rapides s'en prennent régulièrement aux pétroliers et aux chalutiers, voire même aux villes côtières, de l'ouest du continent.
La France est aussi présente dans cet enjeu. C’est sur un bâtiment de la marine française, qu’en avril dernier, un expert venu de Paris a entretenu un auditoire constitué de militaires, de civils et d’observateurs nationaux et internationaux, sur la question de la piraterie maritime dans les golfes d’Aden et de Guinée. L’exposé qualifié de riche par quelques uns des participants rencontrés au pied du bateau BPC Tonnerre, n’avait rien de nouveau. Il portait sur la sécurisation des activités maritimes et commerciales, l’action de l’Etat en mer et la synergie entre les organisations sous-régionales. Pourquoi donc regrouper tant de monde (les Etat riverains du golfe de Guinée, la France, les Etats-Unis, l’Union européenne, les Nations Unies etc. », alors que la piraterie en cause se passe dans des pays bien précis ? Georges Serre, ambassadeur de France au Cameroun, principal artisan du séminaire de Douala, répond qu’il s’agit d’une veille internationale contre un fléau qui gène les activités normales de commerce et de production de richesse.
On remarque ainsi qu’il y a, autour de la question de l’insécurité dans le golfe de Guinée, un chassé croisé entre les grandes puissances ; la France et les Etats-Unis se relayant dans leurs efforts d’assistance aux Etats riverains du Golfe de Guinée. Selon des sources bien introduites, la France qui redouterait de plus en plus d’être « bousculée » dans son « pré carré », notamment par les Américains et les Chinois, aurait décidé de passer à l’offensive. Elle tente, et ce depuis 2006, de renforcer sa présence en Afrique ; la présence au Cameroun constitue un point majeur de sa feuille de route. Effectivement, beaucoup de Camerounais se posaient la question de savoir pourquoi la France avait tendance à s’intéresser plus aux autres pays francophones d’Afrique (Gabon, Sénégal, Côte d’Ivoire) que le Cameroun. Ceci jusqu’à ce que en 2006, avec la signature du Contrat Désendettement Développement (C2D), un mécanisme portant sur 537 millions d’euros, la France recommence à s’intéresser sérieusement au Cameroun.
Comment peut-on analyser ce repositionnement de la France ? Nombreux sont ceux là qui restent persuadés que l’ex métropole aurait peur de perdre du terrain face à la montée en puissance des pays tels que les Etats-Unis et la Chine. Lorsqu’en 2008 un bateau de guerre américain débarque dans les eaux territoriales du pays dans le cadre d’une des missions d’Africom (nouveau commandement américain pour l’Afrique), un bâtiment de guerre français fait pareil en accostant aussi à son tour aux larges des côtes camerounaises. Officiellement, les deux nations qui se bousculent aux portes du Cameroun avancent qu’elles ont toutes des accords de coopération militaire avec la République du Cameroun. Ceux-ci, apprend-on, permettent entre autres à l’armée camerounaise de bénéficier du renforcement des capacités de ses troupes notamment dans le domaine de la sécurité maritime. Le récent passage au Cameroun du Secrétaire d’Etat français chargé de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, le 6 mars 2009, a permis de palper du doigt cette volonté de la France à se redéployer férocement dans le golfe de Guinée et via le Cameroun.
Le Golfe de Guinée disposerait d’un des plus grands gisements sous-marins de pétrole connus au monde. Avec 24 milliards de barils de pétrole de réserves prouvées, cette partie du continent, qui est une synthèse de l’Afrique occidentale et de l’Afrique centrale, est de loin la première région pétrolière africaine, avec des pays comme le Nigeria, l’Angola et la Guinée équatoriale, qui figurent au peloton de tête des producteurs de pétrole du continent. Rien d’étonnant que sur les 9 millions de barils de pétrole produits quotidiennement en Afrique, cinq millions de barils, donc plus de la moitié, proviennent du Golfe de Guinée.
Avec une production de 4,5 millions de barils/jour, le Golfe de Guinée est devenu une région des plus prometteuses. Le Nigeria en particulier, produit 2,6 millions de barils/jour (1er producteur africain), et l'Angola 1,15. Un brut de qualité, facile à raffiner, qui suscite l'intérêt des consommateurs européens, américains et chinois. La plupart des gisements du Golfe de Guinée sont offshore, ce qui procure plusieurs avantages dans la mesure où les gisements sont protégés des conflits armés de la région. Ainsi, la production est relativement constante et sûre, et les exportations vers l'Europe et les Etats-Unis sont facilitées. Le golfe de Guinée émerge ainsi comme un nouveau centre de gravité énergétique. L'influence de l'Europe, et de la France en particulier, est ancienne. Mais les Etats-Unis sont eux-aussi de plus en plus présents. Dès lors, la forte attractivité de cette région suscite des convoitises de plus en plus grandes de la part des pays consommateurs : des Européens, qui ont une influence traditionnelle dans la région, mais aussi, de plus en plus, des Américains et même des Chinois.
Dans ce grand jeu à quatre (Pays du Golfe de Guinée, France, Etats Unis et Chine), on relève que chaque partie met en place une stratégie propre :

  • Les pays du Golfe de guinée jouent essentiellement sur la concurrence européo-américaine pour l'accès aux ressources. Ils renforcent ainsi leur pouvoir de négociation ;

  • Les Etats-Unis misent sur la sécurisation militaire avec Africom, comme cheval de troie;

  • L'Europe et la France comptent sur leurs liens traditionnels et sur l'aide au développement ;

  • La Chine troque des infrastructures contre une priorité à l'exportation.


Sources :
http://www.bonaberi.com/ar,pourquoi_la_france_manœuvre_dans_le_golfe_de_guinee_,6283.htm
http://www.letelegramme.com/ig/dossiers/piraterie/piraterie-il-faut-mener-une-action-internationale-11-09-2008-184884.php
http://www.cybel.fr/html/Communaute/defense/132/leymarie_132.pdf
http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72971.asp
http://www.alterinter.org/article1415.html
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=9071
http://www.leuromag.com/Golfe-de-Guinee-La-France-renforce-sa-presence-au-Cameroun_a1021.html
http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=104491
http://www.geographie.ens.fr/~geostrat/etudes/hydrocarbures/fiches/3.4.Region_GG.html
http://www.lesafriques.com/actualite/golfe-de-guinee-enjeux-securitaires-autour-du-petrole.html?Itemid=89?article=15456
http://www.mondialnews.com/afrique/2009/04/12/golfe-de-guinee-la-france-et-les-usa-envoient-des-navires-pour-assurer-la-securite-strategique-et-energetique
http://www.geographie.ens.fr/~geostrat/etudes/hydrocarbures/fiches/3.4.Region_GG.html
http://french.news.cn/afrique/2009-05/13/c_112109.htm
http://gwethguy.wordpress.com/2008/01/23/guerre-economique-dans-le-golfe-de-guinee-lartillerie-americaine-guy-gweth/