Le 9 octobre dernier le Sénat a reporté de 18 mois, soit au 1er juillet 2015, la date à laquelle le bisphénol A (BPA) doit être supprimé de tous les contenants alimentaires. Pour justifier ce qui constitue un nouveau coup de canif au principe de précaution en matière de santé publique, la commission sénatoriale a évoqué le temps nécessaire aux industriels pour s’adapter.
Comme pour l’amiante ou les OGM, ce ne sont pourtant pas les études qui manquent. Utilisé depuis la fin des années 50 dans l’industrie du plastique, le BPA entre dans la fabrication de nombreux produits d’usage courant, notamment celle des emballages alimentaires où, sous la forme d’un film transparent il isole l'aliment ou la boisson du matériau externe d'une boîte de conserve ou d'une canette.
L’existence du danger du BPA pour la santé humaine est apparue dans la littérature scientifique au début des années 1990. Depuis, de nombreuses études se sont succédées mais comme l’a dénoncé Frederick Von Saal professeur à l’université du Missouri à Columbia (Etats-Unis) : "L'industrie est parvenue à remporter un extraordinaire succès en finançant et en faisant publier un petit nombre d'études qui ne trouvent jamais rien. Et ce petit nombre d'études parvient à fabriquer du doute et à créer de l'incertitude. Cela permet de créer de la controverse là où il n'y en a pas et, en définitive, cela permet de dire : avant de réglementer, il faut faire plus de recherche, nous avons besoin d'encore dix ans." *
L’entretien de la polémique été rendu possible par l’absence de consensus sur le protocole d’étude à utiliser.
Mais en France la faille est désormais connue : la question de la pertinence de l’approche toxicologique classique suspectée de ne pas être adaptée aux spécificités du BPA a été relatée par la commission des affaires sociales du Sénat en 2010.
Or d’autres études qui utilisent cette méthodologie considérée comme obsolète et erronée par les hommes de l’art sont en cours. Ainsi Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans une interview accordée au Monde.fr le 10 octobre dernier a-t-il déclaré : « Le groupe d'experts ad hoc de l'Anses vient de se réunir pour reposer la question des valeurs toxicologiques de référence, c'est-à-dire des valeurs d'exposition acceptables. Nous avons également lancé plusieurs études visant à caractériser les niveaux de BPA dans l'alimentation et l'environnement. Actuellement, toutes ces données sont en cours de traitement et seront publiées début 2013. Elles nous permettront de produire une nouvelle évaluation des risques ».
On peut légitimement douter de l’aptitude de ces études à trancher la question de la toxicité de manière incontestable puisque la question méthodologique, nœud gordien, est étudiée en parallèle.
Cette faille est du pain béni pour les industriels qui ont dû être rassurés par les propos de Madame Patricia Schillinger, rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat qui concluait ainsi la présentation de son rapport le 3 octobre dernier : « Dans un an, si la date de 2015 pose problème, nous verrons. »
* Bisphenol A, les dessous d'un scandale sanitaire, Stéphane Foucart
Comme pour l’amiante ou les OGM, ce ne sont pourtant pas les études qui manquent. Utilisé depuis la fin des années 50 dans l’industrie du plastique, le BPA entre dans la fabrication de nombreux produits d’usage courant, notamment celle des emballages alimentaires où, sous la forme d’un film transparent il isole l'aliment ou la boisson du matériau externe d'une boîte de conserve ou d'une canette.
L’existence du danger du BPA pour la santé humaine est apparue dans la littérature scientifique au début des années 1990. Depuis, de nombreuses études se sont succédées mais comme l’a dénoncé Frederick Von Saal professeur à l’université du Missouri à Columbia (Etats-Unis) : "L'industrie est parvenue à remporter un extraordinaire succès en finançant et en faisant publier un petit nombre d'études qui ne trouvent jamais rien. Et ce petit nombre d'études parvient à fabriquer du doute et à créer de l'incertitude. Cela permet de créer de la controverse là où il n'y en a pas et, en définitive, cela permet de dire : avant de réglementer, il faut faire plus de recherche, nous avons besoin d'encore dix ans." *
L’entretien de la polémique été rendu possible par l’absence de consensus sur le protocole d’étude à utiliser.
Mais en France la faille est désormais connue : la question de la pertinence de l’approche toxicologique classique suspectée de ne pas être adaptée aux spécificités du BPA a été relatée par la commission des affaires sociales du Sénat en 2010.
Or d’autres études qui utilisent cette méthodologie considérée comme obsolète et erronée par les hommes de l’art sont en cours. Ainsi Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans une interview accordée au Monde.fr le 10 octobre dernier a-t-il déclaré : « Le groupe d'experts ad hoc de l'Anses vient de se réunir pour reposer la question des valeurs toxicologiques de référence, c'est-à-dire des valeurs d'exposition acceptables. Nous avons également lancé plusieurs études visant à caractériser les niveaux de BPA dans l'alimentation et l'environnement. Actuellement, toutes ces données sont en cours de traitement et seront publiées début 2013. Elles nous permettront de produire une nouvelle évaluation des risques ».
On peut légitimement douter de l’aptitude de ces études à trancher la question de la toxicité de manière incontestable puisque la question méthodologique, nœud gordien, est étudiée en parallèle.
Cette faille est du pain béni pour les industriels qui ont dû être rassurés par les propos de Madame Patricia Schillinger, rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat qui concluait ainsi la présentation de son rapport le 3 octobre dernier : « Dans un an, si la date de 2015 pose problème, nous verrons. »
* Bisphenol A, les dessous d'un scandale sanitaire, Stéphane Foucart