EPR d’Hinkley Point : la presse britannique lance un débat patriotique

Apparue en octobre 2015 lors d’une visite officielle chinoise, une campagne de dénigrement
du projet d’EPR d’EDF à Hinkley Point (GB) a ressurgi récemment dans la presse anglaise à l’occasion notamment de la démission de son directeur financier. Dans un contexte de lobbying au sujet du BREXIT, elle reste polémique.

Dénigrer la faisabilité
La presse locale porte ses attaques en s’appuyant sur différentes expertises : politiques, financières, techniques, économiques, éthiques, environnementales, et sécuritaires. Est mis en cause le deal entre gouvernements français et britannique. Ce projet est cofinancé par les Chinois pour 33.5% des 18 milliards de livres. Les détracteurs demandent à la France de se retirer en premier pour ne pas entacher la fierté anglaise. Une recapitalisation du champion énergétique français par l’Etat pour assumer l’entretien des anciennes centrales nucléaires françaises et les nouvelles constructions est annoncée comme inévitable. Des divergences au sein d’EDF sont soulignées (directeur financier, membres de l’AG). Les opposants dénoncent l’absence d’expérience du réacteur de nouvelle génération, les EPR finlandais et de Flamanville n’étant toujours pas opérationnels et supportant des surcoûts importants.

Jouer sur la fibre patriotique
La souveraineté serait menacée. Face aux investisseurs chinois, le spectre de l’intégrité de la sécurité nationale est brandi. La Chine (où deux EPR sont en construction), stigmatisée sur les droits de l’homme, sponsor de cybercrimes, va financer et construire certains modules avec la menace d’insertion de bombes logiques. « Dangerous, dishonorable, national humiliation » sont lâchés pour effrayer le citoyen britannique et le convaincre de renoncer. Etre dépendant énergétiquement de l’étranger est certes une problématique stratégique. EDF, dont l’Etat français est le principal actionnaire, représente le concurrent héréditaire. Surtout après les négociations, sous menace d’un « Brexit », signées le 19 février avec l’Union Européenne, augmentant les garanties d’un régime exceptionnel au Royaume-Uni.

Une compétition encore en devenir
En termes de production d’énergie bas-carbone dans le contexte mondial du nécessaire développement durable (COP 21), les capacités du nouveau réacteur (rendement supérieur, déchets radioactifs moins nombreux, sûreté accrue) sont relativement épargnées sur la question des risques nucléaires, car provenant d’une décision politique : d’ici 2025 la Grande Bretagne devra renouveler son parc énergétique vieillissant pour se conformer.
Un concurrent étranger hors Union Européenne, Hitachi dont le financement d’un autre projet nucléaire suscite aussi des inquiétudes en Grande Bretagne, proposerait une technologie compétitive, éprouvée, et plus rapidement opérationnelle. Ses coûts de revient (maintenance et prix de revente de l’électricité) seraient plus facilement supportables pour le contribuable britannique.
Audité par le parlement à Westminster le 24 mars, le patron d’EDF Energy affirme que le projet est viable et sera réalisé dans les délais selon les coûts prévus. La décision finale d’investir devrait intervenir début mai lors d’un conseil d’administration.