Les références contestables du Conseil d’Etat sur les OGM

Le 15 avril 2016, le Conseil d’Etat a annulé un arrêté du Ministère de l’Agriculture du 14 mars 2014 qui interdisait la commercialisation, l’utilisation et la culture du maïs MON 810, un maïs génétiquement modifié.
On trouvera ici la décision du Conseil d’Etat.
Sur son site, le Conseil d’Etat précise que « Lorsque la Commission européenne a autorisé la mise sur le marché d’un aliment génétiquement modifié, la législation européenne sur les OGM (…) permet aux États-membres de prendre des mesures conservatoires, notamment pour en interdire provisoirement l’utilisation et la commercialisation. Mais ces mesures conservatoires ne peuvent être prises qu’en cas d’urgence et en présence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Un tel risque doit être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables. (…) Dans la décision qu’il a rendue aujourd’hui, le Conseil d’État a constaté que les conditions posées par la législation européenne pour prendre une telle mesure d’interdiction totale n’étaient pas remplies. »
Cette décision est présentée par les médias, comme une annulation de l’interdiction du maïs OGM Monsanto : « Le Conseil d'Etat annule l'interdiction du maïs OGM Monsanto 810 » (Le Figaro), « Le Conseil d’État annule l’interdiction du maïs OGM MON810 de Monsanto » (Libération), en rappelant toutefois que la législation ayant changé depuis 2014, le MON 810 restera interdit.
Il n’empêche : l’Association Générale des Producteurs de Maïs qui avait attaqué l’arrêté du Ministère de l’Agriculture peut savourer sa victoire. Dans un communiqué, elle précise : « Si sur le fond cette décision ne change rien à la situation des OGM en France, qui restent interdits, la décision du Conseil d’Etat confirme que la filière maïs et ses organisations membres et partenaires avaient raison d’attaquer une décision infondée tant scientifiquement que juridiquement et guidée par les seules considérations politiques du gouvernement. Les choix politiques doivent être assumés comme tels et le droit ne peut servir d’alibi. »
Infondée scientifiquement ? Au fait, sur quelles bases les juristes du Conseil d’Etat se sont-ils fondés pour estimer qu’il n’existait pas de données scientifiques fiables constituant un élément nouveau permettant d’interdire en urgence l’usage du maïs litigieux ?
Ils se sont tout naturellement tournés vers l’autorité ad hoc, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, en Bruxellois European Food Security Agency, (EFSA) et que pouvaient-ils faire d’autre ? Oui, mais ce faisant, ils allaient se confesser au diable, pour reprendre un des proverbes néerlandais de Brueghel.
En effet l’EFSA est connue pour ses conflits d’intérêt : selon la journaliste Stéphane Horel, spécialisée dans l’étude des lobbies, « Plus de la moitié des 209 experts des groupes scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont des conflits d’intérêts. C’est le constat du rapport Unhappy meal, que j’ai écrit pour et avec (l’ONG) Corporate Europe Observatory. Ce récit de notre plongée de plusieurs mois dans la politique d’indépendance de l’agence a été publié le 23 octobre (2013) ».
Un rapport que les auditeurs du Conseil d’Etat n’auraient matériellement pas eu le temps de lire…