Les limites de la vision occidentale sur l’Asie

Dans un article publié début août 2016, Le magazine Challenges indiquait que « La Chine perd son statut de terre promise ». Au-delà de l’analyse sans doute très juste faite par le journaliste qui explore les difficultés nouvelles et récentes (selon lui) pour un occidental de faire des affaires avec les Chinois, il est intéressant de se poser la question de savoir si cette situation n’était pas prévisible ? Et si oui, comment proposer des nouvelles solutions d’approche pour tout de même garder un pied dans cette zone dont chacun s’accorde à dire qu’elle sera le moteur économique du XXIe siècle. Dans la définition de terre promise, il existe la notion d’un terrain promis par un Dieu à certains Patriarches. La Chine entre-t-elle dans cette « logique occidentale ».

L’opportunisme initial des groupes occidentaux
L’ouverture de la Chine décidée en 1978 avait pour but d’accueillir les investissements et technologie étrangère afin de relever le pays de plusieurs décennies de maoïsme. Les Occidentaux maîtrisant alors tous les domaines (politiques, financiers, technologiques et commerciaux) exemptés ceux linguistiques et culturels se sont engouffrés sur cette « terre promise » et ont transféré sans compter bon nombre de leurs technologies et savoir-faire sur un terrain qu’ils croyaient maitriser pour produire à bas coûts leurs produits revendus à prix d’or en occident. J’ai observé à l’époque les transferts massifs des plateformes R&D d’Alcatel Vélizy, Nozay, Milan à Alcatel Shanghai Bell. Perte sèche de savoir-faire pour l’Occident mais, marges financières maintenues d’un côté et formation des classes moyennes en Asie en terme technologiques, financiers, linguistiques et culturel de l’autre.

Un monde occidental démuni devant l’autonomie de la Chine

Puis les problèmes commencèrent à s’accumuler pour les Occidentaux : 11 septembre, guerres au Moyen Orient, crise des Subprimes, etc ont un impact sur les positions politiques, économiques et financières du bloc occidental et par effet ricochet sur leurs principales entreprises à travers le monde.
Parallèlement, la Chine acquiert de la compétence technique et technologique. Des géants chinois, notamment dans les télécommunications commencent non seulement à concurrencer mais aussi à tuer leurs concurrents occidentaux. Elle met en place des structures financières permettant de financer de grands projets nationaux et transnationaux. Bref, elle commence à affirmer son indépendance. Et c’est peut-être cette indépendance avec laquelle nous avons du mal à composer. Les Chinois en particulier et les nations asiatiques industrialisées, maîtrisent maintenant non seulement nos technologies et techniques, mais également nos règles et nos codes que nous leurs avons transférés.

L’absence de stratégie d’approche de l’Asie
Nous avons donc perdu vis-à-vis de la Chine la majeure partie de nos leviers et il est donc de plus en plus difficile de maintenir nos positions là-bas (et ici peut-être dans quelques années si nous ne faisons rien). Le temps où il nous était facile et où il nous suffisait d’imposer sans chercher à convaincre est définitivement révolu. Et cet abandon de la terre promise n’en n’est que le symptôme. Nous n’avons pas su transformer la première vague d’investissement productif en une influence « intellectuelle et culturelle » durable. La Chine prend ce qui lui est nécessaire et rejette le superflu. Si elle nous chasse, c’est parce que nous ne lui sommes pas (plus) indispensable.
Les Chinois n’ont pas oublié 1842, 1860 quand la Chine était devenu une « terre promise » pour nous « barbares »… Nous l’avons oublié ; c’est une erreur, Nous n’avons pas voulu nous en souvenir : c’est une faute. Ne pouvant nous désengager de cette partie du monde qui prend un poids politique, économique, financier militaire de plus en plus important, quelle sera la nouvelle approche pour des relations commerciales et économiques profitables et inscrites dans le long terme ?

Jean-Philippe Eglinger