Les réseaux Soros à la conquête de l’Afrique

Quel est le point commun entre Victor Orban, le Premier ministre hongrois, Donald Trump, le Président des Etats-Unis, et Vladimir Poutine, le Président russe ? Tous considèrent George Soros comme une menace pour la sécurité de leur pays. Le milliardaire américain est connu principalement pour son activité de spéculation ; il l’est également pour son action au service de démocratie et des droits de l’Homme, notamment en Europe de l’Est du temps de l’URSS puis de la guerre froide. En revanche, les passerelles entre les deux facettes du personnage, business et philanthropie, sont moins perceptibles du grand public. Ce sont elles, pourtant, qui lui confèrent cette influence redoutable qui fait trembler les régimes les plus puissants.
L’univers qu’a façonné George Soros est à la fois tentaculaire et opaque ; l’observer et l’analyser revient à tenter de reconstituer un puzzle titanesque dont de nombreuses pièces sont effacées ou manquantes. Pour être opérant et mettre à jour des schémas d’action intelligibles, nous nous sommes concentrés sur une partie du puzzle bien définie et n’avons pas hésité à exclure certains axes de recherche pourtant intéressants, l’objectif n’étant pas d’être exhaustif mais de comprendre le fonctionnement du système Soros. Nous nous sommes donc focalisés sur le continent africain, zone géographique où l’action de Soros est importante mais qui n’avait jusqu'à présent pas fait l’objet d’une étude approfondie. « Les réseaux Soros à la conquête de l’Afrique » (Note 1) présente le système relationnel que George Soros et ses modes d’action, mettant ainsi en lumière un système d’influence parmi les plus puissants au monde.

Les leviers du système d’influence Soros en Afrique
L’Open Society, concept développé par le philosophe Karl Popper et que Soros a fait sien, se définit comme une société non-autoritaire basée sur la liberté et sur les droits de l’Homme, et reposant sur des mécanismes politiques transparents et un gouvernement réactif. Pour assurer la diffusion de l’Open Society, George Soros a développé son réseau d’Open Society Foundation qui a pour mission de promouvoir l’idéal démocratique et de favoriser l’implantation de l’économie de marché partout dans le monde. Selon George Soros, la société civile est fondamentale au bon fonctionnement de l’Open Society. Pour l’activer, il joue sur trois leviers principaux : les media comme vecteurs d’opinion, les mouvements citoyens comme supports d’action et les ONG comme catalyseurs du changement.

Les media pour façonner l’opinion
George Soros ayant bien compris l’intérêt des media comme vecteur d’influence des opinions dans la société de l’information contemporaine, il finance en Afrique, périmètre d’étude de notre livre, de très nombreux supports d’information. La radio, notamment, constitue l’un des piliers de son arsenal. Ainsi apporte-t-il son soutien à Radio Okapi en RDC ou à Radio Democracy, FreeMedia Group et Independent Radio Network en Sierra Leone ; il est allé jusqu’à lui-même développer des réseaux radiophoniques comme West Africa Democratic Radio (WADR) en Afrique de l’Ouest ou Voice of the People au Zimbabwe. George Soros est également du plus en plus actif dans le monde des nouvelles technologies. Il finance par exemple Droit Libre TV, une web TV née au Burkina Faso dont la mission est de défendre la liberté d’expression et les droits de l’Homme. Après avoir joué un rôle certain dans la chute du Président Compaoré, Droit Libre TV s’est progressivement développée dans toute l’Afrique de l’Ouest. Les exemples sont ainsi nombreux et l’on constate que Soros cultive un terreau médiatique qui contribue à installer la musique de fond sur laquelle les mouvements citoyens vont pouvoir éclore et s’épanouir.

- Les mouvements citoyens pour donner la parole aux populations
De nombreux mouvements citoyens se sont développés sur le continent africain ces dernières années. C’est au Sénégal qu’apparaît le premier d’entre eux, « Y’en a marre », en 2011, en réaction à la volonté du Président Abdoulaye Wade de briguer un nouveau mandat. Le mouvement développé par les jeunes sénégalais a ensuite été répliqué selon un modèle quasi-identique au Burkina Faso, sous l’appellation Balai citoyen (qui a fortement contribué au renversement du Président Compaoré), puis en République Démocratique du Congo (RDC), avec Lucha et Filimbi, ou encore au Gabon, avec « Ça suffit comme ça ». D’un pays à l’autre, tous militent en faveur de la démocratie et des libertés fondamentales, défiant, quoique pacifiquement, les régimes autoritaires en place.
S’il est de source publique que le mouvement sénégalais a été financé par la fondation de George Soros, qui n’a d’ailleurs pas hésité à poser vêtu d’un t-shirt Y’en a marre aux côtés des activistes en 2015, aucune subvention n’a pu être démontrée pour les autres mouvements dans la mesure où ils ne communiquent pas sur leurs sources de financement. Néanmoins, le lien avec le système Soros n’en est pas moins visible. En effet, ces mouvements se soutiennent entre eux, notamment au niveau opérationnel ; leurs leaders se connaissent bien et des rencontres régulières sont organisées et financées par des fondations et associations liées aux réseaux Soros. Ces mouvements se regroupent en outre au sein d’associations panafricaines, dont certaines sont ouvertement soutenues par la mouvance Soros (comme par exemple les Africtivistes soutenus par Open Society Initiative for West Africa (OSIWA)). Si la pression exercée « d’en bas » par les mouvements citoyens est essentielle, elle ne suffirait pas nécessairement à impacter les gouvernements sans une pression exercée « d’en haut » par les grandes ONG.

- Les ONG pour catalyser les mécontentements
George Soros a bien compris que les grandes organisations internationales, qui sont aujourd’hui de véritables leaders d’opinion, permettent d’influencer et de mobiliser aussi bien les opinions publiques que les gouvernements occidentaux. Il subventionne donc de nombreuses ONG. Human Rights Watch a ainsi reçu de sa fondation, en 2010, un don de cent millions de dollars sur dix ans. Amnesty International, Transparency International, Global Witness, International Crisis Group, Natural Resource Governance Institute ou encore Oxfam reçoivent elles aussi de généreuses subventions du philanthrope.
Outre ce soutien financier, la connexion est plus profonde encore, avec des liens relationnels multiples et multilatéraux. De nombreux membres de la galaxie Soros sont ainsi présents dans ces ONG ou sont passés de l’un à l’autre. Les ONG constituent un maillon essentiel dans le dispositif d’influence de George Soros et sont parfois très utiles pour diaboliser certains dirigeants politiques qu’il entend voir évincer. Dans notre ouvrage, nous étudions tout particulièrement l’action des ONG de Soros ou de celles qu’il subventionne en RDC pour tenter de déstabiliser le Président Kabila. George Soros dispose donc de leviers d’influence multiples, actionnables indépendamment les uns des autres ou ensemble. C’est cela qui rend son « système » si efficace. Sans oublier que, fréquemment, il avance main dans la main avec la diplomatie américaine, ce qui démultiplie la puissance de son action. L’action philanthropique du milliardaire n’est bien entendu pas désintéressée et l’on constate qu’elle sert les intérêts économiques de Soros, l’homme d’affaires.

Une philanthropie profitable ou les contradictions assumées de Georges Soros

- Energie et télécoms
George Soros développe depuis plusieurs années en Afrique, activement quoique discrètement, des opérations dans plusieurs grands secteurs stratégiques. Il est ainsi présent dans l’énergie, via ses investissements dans la société APR Energy (Note 2). La fourniture d’énergie constitue en effet un sujet sensible pour les gouvernants, et par conséquent un moyen d’influence et/ou de pression efficace. Les investissements de Soros témoignent également d’un intérêt tout particulier pour les télécoms et les nouvelles technologies de l’information. Via le fonds Helios Investment Partners (HIP), dont il est l’un des principaux investisseurs, il a notamment pris des participations dans Telkom Kenya et dans Helios Towers Africa (HTA), un des leaders africains sur le marché des antennes-relais. A l’intérêt économique de ces investissements s’ajoute également pour Soros leur intérêt stratégique. Les télécoms constituent un important vecteur d’information, participant à l’action médiatique de Soros en direction de la société civile. Ils fournissent par ailleurs un utile outil de promotion de la vie civique (monitoring électoral et développement de plateformes et de media promouvant les idéaux et valeurs chers à Soros).

- Agrobusiness
On observe également un intérêt notable de Soros pour l’agrobusiness, avec trois secteurs principaux : l’agroalimentaire, la production de biocarburant et la fourniture d’intrants (semences, fertilisants). Il est utile de rappeler que George Soros a investi à de nombreuses reprises dans de grands groupes leaders du secteur agro-chimique comme Monsanto (racheté par Bayer en septembre 2016), Agrium Inc. ou encore CF Industries Holding Inc. C’est donc sans grande surprise qu’on le retrouve associé à nombre de projets agricoles africains liés à de grands groupes spécialisés dans la biotechnologie et les « semences améliorées » (Note 3).
En plus de ces partenariats, George Soros investit dans diverses sociétés de fabrication ou de fourniture d’intrants et soutient plusieurs autres projets de régulation facilitant l'usage d'engrais et de « semences améliorées » en Afrique (Note 4). Dans ce cadre, il collabore avec l’Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA), financée par la Bill and Melinda Gates Foundation (BMGF) et objet de multiples critiques, dont principalement de promouvoir les OGM. Il utilise également la voie de l’action philanthropique avec le Millennium Villages Project (MVP), un programme de développement piloté par Jeffrey Sachs, un proche de George Soros, faisant la part belle à l’utilisation de semences et de fertilisants fournis par les grands acteurs de l’industrie OGM.
On note une contradiction certaine entre le système promu par Soros et les valeurs défendues par nombre d’ONG soutenues par le magnat américain : tandis qu’il promeut activement le secteur des OGM via certains de ses investissements, un certain nombre d’ONG qu’il finance, notamment les Amis de la Terre, luttent pour une agriculture exempte d'organismes génétiquement modifiés. Plus directement, ses propres fondations s’investissent sur le terrain contre les OGM. Ainsi OSIWA et Oxfam soutiennent-elles l’organisation ghanéenne Peasant Farmers Association of Ghana (PFAG) qui se bat depuis plusieurs années contre l’usage des OGM dans ce pays.
De même, plusieurs initiatives de Soros contribuent au développement d’une agriculture intensive et Soros compte dans son entourage des dirigeants de sociétés accusées de participer à l’accaparement de terres. Pourtant, dans le même temps, Soros soutient ou collabore avec de nombreuses ONG (Global Witness, International Crisis Group) engagées dans la lutte contre l’accaparement des terres et la déforestation à l’image de l’Association of Community Organizations for Reform Now (Acorn), connue pour ses critiques à l’encontre des groupes Socfin et Bolloré. Des contradictions difficiles à justifier pour Soros mais peut-être plus encore pour les ONG qui acceptent d’être soutenues par l’un des acteurs à l’origine des dérives qu’elles dénoncent.

- Industries extractives
Soros a manifesté un intérêt de longue date pour les industries extractives – mines, pétrole et gaz – avec des investissements nombreux dans de grands groupes présents sur le continent africain (Note 5). Il investit également dans la distribution de carburant via le fonds Helios Investment Partners (HIP) qui possède des participations dans les sociétés Vivo Energy et OVH Energy, en partenariat avec le géant Vitol Energy. Comme dans le secteur agricole, les investissements de Soros dans les industries extractives ne manquent pas de contradictions entre les objectifs économiques du Soros businessman et les causes défendues par le Soros philanthrope via ses fondations et ONG alliées, dans les domaines des droits de l’Homme, de l’environnement ou de la gouvernance notamment.
A titre d’exemple, la branche africaine de Barrick Gold, Acacia Mining, est accusée de favoriser l’expulsion de populations locales et a été incriminée à plusieurs reprises pour l’emploi abusif de la force sur ses sites miniers. Elle est par ailleurs accusée d’avoir mis en place un vaste système d’évasion fiscale. Sur le plan environnemental, l’hypocrisie de Soros sur la question du charbon et de la fracturation hydraulique a été largement dénoncée. En outre, en 2016, Vitol, société à la réputation sulfureuse (Note 6), liée à Soros via ses investissements dans HIP, s’est retrouvée au cœur d’un scandale d’envergure en commercialisant des carburants toxiques sur le sol africain.
A noter également les contradictions en matière de gouvernance et de transparence. Ainsi George Soros, chantre de la transparence, utilise-t-il pour certains de ses investissements africains différents fonds pilotés par le Soros Fund Management (SFM), organisation dont l’opacité est régulièrement dénoncée. Mais la contradiction la plus frappante est probablement le refus d’un grand nombre de sociétés dans lesquelles Soros investit ou avec lesquelles il collabore d’adhérer à l’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI) qu’il a pourtant notablement contribué à créer (Note 7). Soros a en effet mis en place en Afrique un vaste dispositif au service de la transparence et de la bonne gouvernance afin de faire pression sur les Etats riches en ressources naturelles et sur les industries du secteur extractif. Ce réseau interconnecté d’ONG est articulé autour de trois piliers : la coalition Publish What You Pay (PWYP), le programme Extractive Industries Transparency Initiative (EITI) et l’association Natural Resource Governance Institute (NRGI). George Soros milite également via ses fondations africaines, OSIWA et OSISA, pour l’adoption de nouveaux codes miniers et entend favoriser le rôle des Organisations de la société civile (OSC).
Derrière les intentions louables affichées, le dispositif mis en place par Soros présente pour lui des avantages certains, comme notamment l’accès privilégié à l’information que permet un organisme comme l’EITI, utile à l’approche de renégociations de contrats ou en cas d’appel d’offres voire de raids boursiers. La question de la transparence est également un prétexte utile pour proposer des services de conseil en matière de gouvernance ou de révision des codes miniers ou pétroliers. Enfin les campagnes des OSC sur la transparence dans les industries extractives constituent par ailleurs un levier utile pour déstabiliser des pays ou des régimes ciblés par Soros comme la République Démocratique du Congo voire certaines entreprises (Beny Steinmetz Group Resources ou le groupe Fleurette de Dan Gertler).

Soros, l’Afrique et la worldwide Company : un projet de société ?

Le système mis en place par George Soros, associant ONG, médias et mouvements citoyens, est d’autant plus opérant qu’il fonctionne en étroite concordance avec les systèmes étasunien et onusien en Afrique. Coïncidant avec le développement des concepts de soft et de smart power, la montée en puissance de ce vaste réseau américano-atlantiste en Afrique offre l’illustration d’une nouvelle forme d’influence redoutablement efficace. Les motivations américaines à faire évoluer les régimes africains ne sont pas purement idéologiques ; les intérêts économiques en jeu sont évidents. L’intérêt des Etats-Unis pour le continent africain n’a cessé de croître ces dernières années, avec une accélération notable sous la présidence de Barack Obama. Initiateur du sommet Afrique-Etats-Unis en août 2014, premier du genre organisé par les Etats-Unis, et très clairement placé sous le thème des affaires et du développement économique, Obama s’est fait le promoteur du développement des investissements américains en Afrique. Dans ce contexte, la politique américaine en Afrique a pour objectif d’étendre la communauté des « démocraties à économie de marché » – une approche très en phase avec la vision de l’Open Society sorosienne.

- Des réseaux étroitement impliqués
Du pouvoir américain à la sphère atlantiste, George Soros se trouve à la confluence d’intérêts multiples. De Bill Clinton à Barack Obama, George Soros a notamment cultivé une proximité forte avec les gouvernants américains. Des connaissances de Soros avaient ainsi conseillé Bill Clinton, comme Jeffrey Sachs, qui a participé à la rédaction de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), ou Madeleine Albright, nommée secrétaire d’Etat en 1996, et particulièrement investie à ce titre dans le rapprochement entre les Etats-Unis et l’Afrique. Barack Obama, quant à lui, devait beaucoup au milliardaire puisque celui-ci lui a apporté un soutien décisif pour son accession à la présidence des Etats-Unis en 2008, soutien que le milliardaire confirmera et accroîtra encore en 2012. On note par ailleurs qu’on trouve dans l’entourage de Soros de nombreux proches d’Obama comme Samantha Power, Tom Perriello ou Patrick Gaspard, ancien conseiller du Président Obama et ambassadeur des Etats-Unis en Afrique du Sud, nommé Vice-président d’OSF en 2016.
George Soros est évidemment aussi très proche de l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama, Hillary Clinton, dont il aura été l’un des plus fervents soutiens lors de la présidentielle de 2016 (Note 8). Proche du pouvoir américain, George Soros l’est également de l’ONU – cette dernière étant d’ailleurs très connectée au premier. La Société Financière Internationale (SFI) est ainsi coactionnaire de nombreux fonds dans lesquels Soros a investi (Note 9). George Soros est également au cœur d’un projet essentiel dans le dispositif onusien en faveur du développement en Afrique : les Millennium Development Goals (MDG), programme initié par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, et qui doit beaucoup à deux proches de Soros, Mark Malloch Brown et Jeffrey Sachs (Note 10). Nombre d’autres personnalités proches de Soros gravitent ou ont gravité dans l’orbite de l’ONU, comme par exemple Paul Collier, qui travaille pour lui sur de nombreuses missions de conseil, et Madeleine Albright et Samantha Power, qui ont toutes deux occupé le poste d’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU.

- Les opérateurs privés en ligne de mire
La description du système américano-atlantiste au sein duquel évolue Soros ne serait pas complète sans mentionner un troisième type d’acteurs, qui prend une importance croissante : les opérateurs privés US qui évoluent en concordance étroite les uns avec les autres de même qu’avec les Etats-Unis, avec l’ONU mais aussi avec Soros, auquel ils sont pour beaucoup liés. On observe ainsi la montée en puissance d’un philantrocapitalisme porté par de grandes fondations telles que les fondations Ford et Rockefeller ou encore la Bill and Melinda Gates Foundation (BMGF), toutes très actives en Afrique. Aux côtés des grands entrepreneurs, de nombreuses personnalités de la vie publique et politique ont également commencé à s’engager, mettant leur influence sur la scène internationale au service du développement africain : Kofi Annan en offre un exemple, tout comme le couple Clinton, dont la fondation, créée en 1997, est très investie sur le continent africain.

Un réseau au service de l’idéal américain

Fruit de l’héritage de la guerre froide, ce réseau américano-atlantiste qui a joué un rôle essentiel dans la déstabilisation de plusieurs régimes politiques en Europe de l’Est, et ce en lien étroit avec Soros (Note 11), est un système rôdé qui est aujourd’hui transposé d’un continent à l’autre et répliqué, à la fois dans l’esprit mais aussi globalement dans la forme, en Afrique.
Il est originellement constitué notamment par le NED, Freedom House, International Crisis Group et Human Rights Watch. S’y sont ajoutées d’autres grandes ONG internationales, soutenues financièrement par la communauté étasunienne et onusienne (Note 12). Les connexions sont également relationnelles entre ces institutions et les ONG (Note 13). Aux côtés de ces grandes ONG historiques, sont par ailleurs nées ces dernières années de nouvelles structures, dédiées à l’Afrique, comme l’African Progress Panel présidé par Kofi Annan.

En complément des ONG et autres grandes associations internationales, l’action des réseaux étasuniens en Afrique se joue aussi au niveau local, avec une grande importance attachée à la mobilisation et à la formation de la société civile. Le National Endowment for Democracy (NED) et le National Democratic Institute (NDI) financent notamment de nombreuses associations, avec pour priorités la transparence dans les processus électoraux, la professionnalisation des personnels politiques et la protection des populations marginalisées, agissant ainsi de manière très complémentaire à Soros, et subventionnant d’ailleurs parfois les mêmes associations. Les Etats-Unis soutiennent également, comme Soros, des mouvements plus ouvertement engagés dans la lutte contre les gouvernements en place : en RDC, Filimbi affirme avoir été subventionné par l’USAID. Quant à Lucha, le soutien des Etats-Unis au mouvement a été affirmé par Tom Perriello, envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, proche de Barack Obama comme de Soros.

Partant du postulat que l’activisme n’est rien sans le support médiatique, les Etats-Unis, tout comme Soros, promeuvent par ailleurs activement la liberté de la presse (Note 14) et soutiennent, notamment via le NED, des actions dans les domaines de la communication et des media (Note 15). Activistes, journalistes, humanitaires : un vaste réseau panafricain a ainsi été mis en place, sous-tendant la société civile et orientant les opinions publiques. Toutes ces actions combinées contribuent à faire évoluer les Etats, avec la chute des régimes non-démocratiques et l’arrivée au pouvoir de gouvernants plus proches des idéaux US, et qui de fait viennent enrichir le système américain d’un rouage supplémentaire. Cette proximité avec ces Chefs d’Etat (Alassane Ouattara, Ellen Johnson Sirleaf ou Alpha Condé) se révèle avantageuse à bien des égards pour les Etats-Unis, comme pour Soros. Toutefois, encore nombreux sont ceux qui ne répondent pas au cahier des charges et qui dès lors sont ciblés, à l’instar du président congolais, Joseph Kabila. Reste à savoir si avec l’élection du Président Trump, la Sorosafrique va être impactée. Le système va-t-il prendre fin ? Ou continuera-t-il de fonctionner malgré un désinvestissement possible du gouvernement américain ?

Notes :

Note 1 : Travail réalisé en 2016 par Stéphanie Erbs, Vincent Barbé et Olivier Laurent. Diplômée d’HEC Paris.
Stéphanie Erbs est experte en communication et en analyse stratégique, spécialiste des problématiques africaines. Vincent Barbé et Olivier Laurent, experts en gestion des risques, en renseignement et en géopolitique, dirigent la société Adytum Security qui conseille les entreprises dans les domaines de la sûreté et de la cybersécurité. Ils sont également professeurs associés à l’Ecole de Guerre Economique (EGE).
Ouvrage paru chez VA Editions en 2017.
Note 2 : Leader de solutions énergétiques sur le continent africain.
Note 3 : On pourra notamment citer Novozymes, Monsanto (récemment racheté par Bayer), Syngenta, Yara, etc.
Note 4 : On peut citer notamment le West Africa Agricultural Investment Fund (WAAIF) et l'African Fertilizer Agribusiness Partnership (AFAP).
Note 5 : Barrick Gold, Chevron, Conoco Phillips, Exxon, Shell et San Leon Energy, mais aussi le groupe brésilien Petrobras via sa filiale africaine Petrobras International Braspetro (BIP, ou encore Eland Oil & Gas et Africa Oil via le fonds Helios Investment Partners (HIP).
Note 6 : Vitol est notamment soupçonné d’avoir contourné l’embargo irakien lorsque le programme « pétrole contre nourriture » a été mis en place par les Nations Unies ou encore d’avoir entretenu des relations d’affaires avec un chef de guerre serbe ou des milices anti-Kadhafi en Libye. Elle est également accusée d’avoir mis en place des schémas d’investissements et de transferts financiers opaques, notamment au Kazakhstan. Sa compromission dans le scandale Och-Ziff est également régulièrement dénoncée.
Note 7 : C’est le cas notamment de Vitol, qui refuse de publier ses résultats financiers et se montre réticent à toute initiative de transparence, mais aussi de la société nigériane Oando ou des juniors détenues par HIP comme Eland Oil & Gas.
Note 8 : Des 25 millions de dollars levés par le super PAC soutenant Hillary Clinton, 15 venaient de financiers, dont près de la moitié de George Soros.
Note 9 : On peut notamment citer Helios Investment Towers, Esoko ou encore LeapFrog.
Note 10 : Economiste américain, consultant auprès du secrétaire général des Nations Unies, Jeffrey Sachs a mis en application les MDG dans le cadre du Millennium Villages Project, dont Soros est le premier contributeur avec 50 millions de dollars de subvention.
Note 11 : Soros est toujours étroitement liées au NED et à Freedom House. Ainsi il finance une branche du NED, le NDI, actuellement dirigé par Madeleine Albright, ainsi que Freedom House.
Note 12 : C’est ainsi par exemple que l’USAID subventionne Natural Resource Governance Initiative ou encore Transparency International.
Note 13 : Comme en témoigne l’exemple de Suzanne Nossel, ancienne Chief Operating Officer de Human Rights Watch nommée au Secrétariat d’Etat en 2009, sous Hillary Clinton, avant de rejoindre la direction américaine d’Amnesty International en janvier 2012.
Note 14 : Le NED soutient des associations comme Reporters sans frontières ou Freedom House alors que l’USAID subventionne l’Organized Crime and Corruption and Reporting Project (OCCRP), spécialisé dans l’enquête d’investigation et à l’origine des Panama Papers, que soutient également Soros.
Note 15 :Soros et le NED financent de nombreuses associations membre de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX).