L'entreprise Epson déstabilisée par une attaque informationnelle sur l'obsolescence programmée



 

Une enquête préliminaire pour « obsolescence programmée » et « tromperie » visant le fabricant d’imprimantes Epson a été ouverte le 24 novembre 2017 à Nanterre, suite à un dépôt de plainte de l’association H.O.P (Halte à l’Obsolescence Programmé) le 17 septembre. La presse et la télévision lors d’un reportage sur France 2 « Envoyé Spécial » ont largement couvert cette accusation imposant à la marque EPSON de se défendre et d’engager une contre-offensive informationnelle.

 

Un acteur de la société civile dénonce les pratiques d'EPSON

H.O.P est une association dont le but déclaré sur son site internet est d’informer, de fédérer et proposer produits durables et réparables. Cette structure est organisée autour de membres issus du monde universitaire, politique et de l’économie sociale et solidaire. Elle a fait de la lutte contre l’obsolescence programmée sujet son cheval de bataille. Le 17 septembre 2017, l’association H.O.P a déposé une plainte contre X. Les chefs d’infractions sont « l’obsolescence programmée » (art. L. 441-2 du Code de la consommation), « la tromperie » (L. 441-1 du Code de la consommation) et « tout autre chef que l'enquête diligentée permettra d'identifier, ainsi que contre tout autre auteur ou complice de ces infractions ». Pendant deux ans, pour étayer sa plainte, H.O.P a recueilli des témoignages de consommateurs, organisé des entretiens avec des spécialistes et réalisé ses propres tests.

Les éléments ainsi recueillis lui ont permis de construire un rapport qui été livré à la presse le 17 septembre, jour du dépôt de la plainte. Cette étude intitulée « Imprimantes : cas d’école d’obsolescence programmée ? » a été réalisé grâce au mécénat du groupe Vert-ALE du Parlement Européen. Elle révèle 2 techniques employées par Epson. D’une part des éléments des imprimantes, tel que le tampon absorbeur d'encre, sont faussement indiqués en fin de vie et d’autre part le blocage des impressions au prétexte que les cartouches d'encre seraient vides alors qu'il reste encore de l'encre. Le 28 décembre 2017, le parquet de Nanterre annonce avoir ouvert une enquête visant Epson. Par sa méthode qui consiste à produire des arguments techniques issus d’une démarche quasi-scientifique, H.O.P propose à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui est en charge du dossier, un contenu argumenté « prêt à l’emploi ». Cette administration est ainsi incitée à passer à l’action et à ne pas rester inactive face à ce qui apparait comme des preuves irréfutables. Avec un telle démarche pédagogique (document technique étayé par des photos, des comparaisons d’utilisation temps …), H.O.P souhaite influencer les consommateurs afin de les inviter à témoigner et créer une démarche de groupe de type « class action ».

Laëtitia Vasseur, la présidente d’ H.O.P expliquait que le choix de s’attaquer aux produits d’impression était lié à leur caractère « grand public » de ces produits (+ 70 millions de cartouches à jet d’encre ont été vendues en 2011), ce qui dans la recherche d’une 1ère jurisprudence « à la française » offrirait une résonance maximale. Cette stratégie d’influence parfaitement orchestrée a fourni aux journalistes du contenu qu’ils ont utilisé dans leurs articles. La stratégie mise en œuvre par H.O.P mérite d’être analysée. Le document transmis à la DGCCRF a conduit la justice à ouvrir une enquête. En préambule il mentionne les 4 marques : EPSON, BROTHER, HP et CANON sont mentionnées. Très rapidement le document qui présente les produits incriminés (imprimantes et cartouches) prend systématiquement pour exemple ceux de la marque EPSON. Cette démonstration à charge contre la marque japonaise a conduit naturellement les  services de l’Etat à se concentrer en priorité sur cette dernière, laissant alors les 3 autres marques « libres ». La présidente de l’association justifiait ainsi le ciblage de la marque Epson par le fait « qu’ils n’avaient pas les moyens matériels d’enquêter sur tout monde ». Dans une interview accordée fin décembre l’avocat de H.O.P, Me Emile Meunier, précisait que malgré des tentatives de contact, EPSON n’avait jamais souhaité répondre aux questions de l’association.

 

EPSON essaie de limiter la résonance de l'attaque

La marque EPSON n’a réagi que le 26 mars 2018 par la voix de Thierry Bagnaschino - directeur Marketing Epson dans un article publié dans le journal Le Monde. Deux jours plus tard, H.O.P répond à EPSON et contre-attaque dans la presse et sur son site internet avec un communiqué intitulé «  Obsolescence programmée : imprimantes le coût de la panne ». Ce jeu de contre-argumentation mené par Epson puis par H.O.P avait manifestement pour but d’orienter et d’influencer le public avant qu’il ne découvre le reportage consacré à cette affaire par « Envoyé Spécial ».  Ce dernier, intitulé « Imprimantes, le coût de la panne », est diffusé à une heure de grande écoute et mentionne à de nombreuse reprises la marque Epson dans un style « à charge » caractéristique de l’émission.

Lors du tournage Epson avait refusé toute demande d’interview de la part de France 2. Elle avait cependant anticipé et posté sur son site internet dès le 30 mars un communiqué de presse officiel intitulé « Epson répond à Envoyé Spécial de France 2 ». L’entreprise s’y défend de toute manœuvre malhonnête et contre - argumente précisément les points techniques avancés par H.O.P mais ne semble répondre que partiellement. Le terrain d’affrontement informationnel souhaité par H.O.P est bien celui du technique. Depuis cette date, la 1ère page du moteur de recherche Google ne propose que les pages officielles de la marque EPSON. Il faut arriver à la 2ème page pour trouver un article de presse sur le sujet de l’obsolescence programmée et la marque. On peut aisément en déduire que la direction d’EPSON France a fait son travail en saturant internet par son contenu marketing et commercial, interdisant ainsi au consommateur d’avoir connaissance de cette affaire.

 

D’autres arguments et événements pourraient venir compliquer la stratégie de défense de la marque EPSON ainsi que celle de l’ensemble des professionnels du secteur. Ces derniers annoncent par ailleurs, depuis de nombreuses années, que l’encre est l’un des liquides les plus chers au monde. Dernièrement un lanceur d'alerte affirme qu'elle ne coûterait finalement « presque rien ». Le 7 avril le site internet Contrepoints, d’inspiration libérale dont l’objectif est de fédérer la communauté libérale et entrepreneuriale française, qualifiait le débat de l’obsolescence programmée comme étant « à charge contre la marque EPSON éludant finalement le vrai problème ». Nous assistons à un affrontement idéologique entre H.O.P et Contrepoints sur la question de l’obsolescence programmée, débat d’experts sur lequel EPSON ne participe pas alors que son nom y est systématiquement associé.

 

 

Luc Lebaupin


 

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