Les plastiques biodégradables : un exemple de désinformation sur la lutte contre la pollution plastique


 

Les plastiques « biodégradables » pourraient devenir une solution idéale pour lutter contre la pollution plastique…s’ils étaient réellement biodégradables. De nombreux abus de langage circulent autour des mots qui commencent par « bio » pour les matières plastiques ; il ne faut pas confondre biologique, biosourcé et biodégradable. Le terme « biologique » renvoie à un mode de production qui se veut respectueux de l’environnement, règlementée et contrôlée par les pouvoirs publics. La réglementation ne s’applique qu’aux produits agricoles ou alimentaires ; en aucun cas, la dénomination de « biologique » ne caractérise la qualité écologique d’un produit ; donc non applicable pour les plastiques. Le terme « biosourcé » signifie que le produit est issu d’organismes vivants végétaux ou animaux. Un plastique biosourcé résulte donc de la fabrication d’un polymère à partir de biomasse. Un matériau est dit « biodégradable » lorsqu’il peut se dégrader sous l’action de micro-organismes (bactéries et/ou champignons) en eau, dioxyde de carbone, méthane et biomasse ne présentant aucun danger pour l’environnement. Ainsi, un plastique biosourcé peut ne pas être dégradable alors qu’un polymère pétrosourcé peut l’être. Le terme de « bio » appliqué au plastique apporte donc une confusion de langage sur l’origine et la fin de vie du plastique. La biodégradation des plastiques est en fait assimilée au compostage de ces produits. Pour compliquer la compréhension, les fabricants de matière vierge, issue du pétrole, ont mis au point des plastiques dits « oxo-dégradables » par ajout d’additifs oxydants minéraux au polymère de base favorisant la fragmentation du produit sous certaines conditions. Cependant, ces produits ne sont pas considérés comme biodégradables au regard des normes NF EN 13432 ou NF T51800 qui régissent la compostabilité des plastiques.

 

Les acteurs de la filière

Les fabricants de plastiques « biodégradables » mettent en avant la capacité de composter et profitent de cette opportunité pour développer de nouvelles gammes de produits. Les plastiques compostables bénéficient ainsi d’une image favorable auprès du grand public, des politiques et des donneurs d’ordre. Ainsi, des acteurs comme BASF, Novamont, Sphere, Total, NatureWork, Limagrain et autres proposent sur le marché des produits dits « biodégradables », qu’ils soient biosourcés ou pétrosurcés. L’organisation European Bioplastic estime que d’ici 2022, la production globale de plastiques « biodégradables » devrait progresser d’environ 25% portant la production à plus de 1 million de tonnes, soit un peu plus de 1% de la production mondiale de plastique. Les principales applications des plastiques « biodégradables »  se retrouvent dans les services à la restauration, l’agriculture et l’horticulture. Les plastiques « biodégradables » offrent un large éventail de caractéristiques recherchées dans les emballages alimentaires, et aussi les accessoires de restauration, de la tasse aux couverts et assiettes. En agriculture, le marché des films de paillage est le premier débouché, suivi par les pots pour la commercialisation de plantes. D’autres applications dans le domaine du grand public s’ouvrent pour les plastiques « biodégradables », dans l’électronique, les emballages ou l’automobile. Les acteurs de la filière mettent en avant les caractéristiques identiques des bioplastiques (biosourcés + biodégradables) tout en offrant une empreinte carbone réduite et la capacité de compostage.  Ainsi, l’association européenne des bioplastiques qui représente les intérêts de plus de 70 membres en Europe milite auprès de la commission européenne pour reconnaître la conformité des plastiques « biodégradables » aux principes de l’économie circulaire.

 

L’avis des recycleurs

Les plastiques « biodégradables » posent problème aux acteurs du recyclage, car les propriétés de ces matières leur confèrent des caractéristiques de dégradation, difficilement réalisables et de recyclabilité limitées. Les plastiques » biodégradables » possèdent leur propre cinématique de dégradation en fonction des milieux. La désintégration ou aptitude du plastique à se fragmenter sous l’effet du compostage varie selon les conditions de stockage et le type de compostage. Les normes de compostabilité appliquées aux plastiques ne reflètent pas les conditions d’exploitation industrielle, principalement la durée de maintien d’un niveau de température et les conditions d’aération.  La durée nécessaire à la dégradation des plastiques « biodégradables » est plus longue que les durées mises en œuvre dans les installations industrielles. Le risque principal est de retrouver des fragments de plastique résiduels non désintégrés dans les épandages de compost. Dans le cas de compostage individuel, malheureusement les résultats ne sont pas plus probants puisque les températures obtenues n’atteignent pas le seuil minimal de 55°C pour déclencher la désintégration. Outre la pollution visuelle suite à une dégradation partielle en compostage, la toxicité des additifs des plastiques compostable et des sous-produits de dégradation n’a pas été évaluée dans le milieu naturel, ni même leur impact sur la durée en milieu marin.

En ce qui concerne la recyclabilité, les caractéristiques des plastiques « biodégradables » ne permettent pas une incorporation dans les process mis au point par les filières. La faible mouillabilité des films plastiques « biodégradables » complique la séparation à l’échelle industrielle, dans le process de recyclage des films plastiques. Pour les plastiques solides, la spectroscopie Infra-Rouge des plastiques « biodégradables » reste le seul moyen séparation des polymères et nécessite un apprentissage des machines de tri. Les performances actuelles de tri IR ne garantit pas 100 % d’efficacité et l’impact des contaminations résiduelles sur la qualité des plastiques régénérés n’a pas été étudié. La stabilité dans le temps des particules biodégradables combinées aux autres particules dans les polymères ne permet pas actuellement de garantir la stabilité des nouveaux produits fabriqués. La complexité et la multitude des plastiques « biodégradables » met en évidence des impacts négatifs sur les filières actuelles de recyclage et de valorisation organique. De plus, si les traitements peuvent être optimisés, la viabilité technico-économique des développements demande à être expliciter. Selon le Syndicat de Régénérateurs de Plastiques français, la seule solution pour lutter contre la pollution plastique, notamment dans les océans, est le recyclage du plastique, en favorisant la collecte. C’est dans ce sens que se décline actuellement la feuille de route « Economie Circulaire » du Ministère de la transition écologique et solidaire au travers l’objectif de viser le recyclage de 100 % des plastiques à l’horizon 2025.

 

L’Impact environnemental

L’impact direct des microplastiques résiduels des différents traitements doit être clarifier afin de limiter les risques de pollution des sols et des ressources en eau. Pour faire face au lobbying des fabricants et donneurs d’ordre, des essais dans des conditions opérationnelles de traitement doivent apporter des réponses aux questions en suspens. Par ailleurs, fabriquer des plastiques « biodégradables » à partir de polymères petrosourcés n’apporte aucun intérêt car cela n’apporte aucune économie de matière fossile. Utiliser des polymères biosourcés constitue la véritable alternative, à condition de fournir une ressource de base respectueuse des normes environnementales et sociétales. A quoi bon utiliser des pesticides et autres engrais chimiques en grande quantité pour produire cette ressource, la majorité de ces intrants étant issus de la pétrochimie. Par ailleurs, la production de matières agricoles pour la transformation en plastique biosourcé ne doit pas se faire au détriment des cultures vivrières et nourricière des populations. L’utilisation de résidus de production agricole sous forme de biomasse reste à priori, la ressource la plus équilibrée actuellement connue pour la production de plastiques « biodégradables ». Par ailleurs, il vaut mieux réserver ces plastiques à des applications spécifiques de courte durée, avec un objectif de valorisation organique dans la mesure du possible ou énergétique au travers l’incinération. N’oublions pas également l’impact de la consommation d’énergie pour produire ces plastiques, ni l’impact énergétique du transport de la ressource de base. Avant de se lancer à corps perdu dans cette voie, il convient de s’appuyer sur une véritable étude du bilan carbone de ces plastiques dits « biodégradables ». La confusion entretenue par les producteurs de plastique « biodégradable » ne fait que tromper les consommateurs. C’est un leurre pour favoriser la surconsommation sous couvert de bonne conscience écologique. Plus grave encore, il ne faudrait pas que le consommateur se retranche derrière la biodégradabilité de ces plastiques, pour s’octroyer le droit de les abandonner dans la nature, ce qui aggraverait la pollution des milieux terrestres et à terme marins.

 

Olivier Pichot