Polémique autour des terrains de football synthétiques


 

En novembre 2017, une enquête publiée dans So Foot se penche sur la dangerosité des terrains de football synthétiques. L’enquête est très vite relayée par d’autres médias comme Europe 1 ou encore La Croix. Alors que la polémique aurait pu s’arrêter là, elle est réactivée par le magazine « Envoyé Spécial » diffusé sur France 2 le 22 février 2018. Le titre du reportage donne le ton : « Gazon suspect ». Dès la 1ère minute, la voix-off interroge : « Les terrains synthétiques sont-ils un habile recyclage de nos déchets ou une fausse bonne idée dont on ne mesure pas encore les conséquences ? ». L’emballement médiatique français ne fait que commencer. Ce reportage d’Envoyé Spécial relance et amplifie la polémique, comme on peut le constater dans un article de La Montagne : « Créé à l’été 2011, le seul terrain en gazon synthétique de la ville [NDLR : de Brive] n’a jamais posé de problème ni soulevé de question (…). Mais depuis quelques semaines et la diffusion d’une enquête sur France 2, certains parents s’interrogent sur les répercussions des petites billes noires. »

Pour Amy Griffin, entraîneuse américaine interviewée par le magazine d’investigation français, « nos enfants jouent sur des déchets ». Les mots sont forts, l’émotionnel aussi quand elle évoque le nombre de joueurs de football pratiquant sur des terrains synthétiques, touchés par un cancer. En France, tout au long de l’année 2018, des enquêtes, interviews, reportages ont été publiés dans la presse régionale et nationale. En février, Le Parisien se penche sur la nocivité des terrains synthétiques, en mars c’est au tour de Ouest France d’écrire sur le sujet. De nombreux journaux titrent « Les terrains synthétiques cancérogènes ? ». Chaque mois, de nouveaux articles sont publiés, alimentés par de nouveaux résultats d’analyses scientifiques. Pour So Foot cependant, les terrains synthétiques sont un sujet récurrent. Le magazine en a d’ailleurs fait son cheval de bataille et se positionne comme le lanceur d’alerte francophone. Il a également mis en place une adresse mail pour récolter les avis, les plaintes mais aussi centraliser les doléances des joueurs.

 

Une alerte venue des Etats-Unis

En France, si la polémique est lancée à la suite de l’enquête parue dans So Foot puis amplifiée par le magazine Envoyé Spécial, tous deux citent une lanceuse d’alerte américaine : Amy Griffin.  Amy Griffin est une ancienne gardienne de but de l’équipe nationale, et entraîneuse de l’équipe de football de l’université de Washington à Seattle. A la fin des années 2000, elle constate un certain nombre de cas de leucémies et lymphomes chez les joueurs de football, en particulier chez les gardiens de but. Elle fait alors le lien entre leur position sur le terrain et le gazon synthétique – les gardiens étant davantage en contact avec le sol. En 2009, elle alerte les pouvoirs publics ; et depuis 2013, elle dresse une liste de joueurs atteints de cancers. Aujourd’hui, sa liste comporte 250 noms de joueurs malades à travers les Etats-Unis. Tous ont un point commun : ils jouaient sur un terrain synthétique.

So Foot et Amy Griffin mettent tous deux en cause les granulats de caoutchouc issu de pneus recyclés, qui composent les terrains. Les deux lanceurs d’alerte mentionnent des risques de cancer, mais aussi de brûlures, d’irritation, d’odeurs… Cependant, en 2007, on peut déjà lire des articles évoquant des craintes pour la santé, l’augmentation de la température sur les terrains, comme dans « Parents Raising Concerns Over Synthetic Turf » publié dans le New York Times. Dans cet article, les arguments sont les mêmes que ceux publiés dans la presse française dix ans plus tard.

En réalité, la polémique sur les gazons synthétiques remonte à leur création. Dès les années 1970, des articles mentionnent des brûlures plus fréquentes pour les joueurs. Il s’agit alors du gazon de 1ère génération, qui ne comprend pas de granulats de caoutchouc. Dès la commercialisation des premiers terrains, des associations de joueurs demandèrent d’ailleurs un moratoire afin de mener des études sur le risque de brûlures et d’abrasion.

 

Caroline Rabourdin


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