Un changement d'axe stratégique de Sanofi aura-t-il lieu sous l'effet de la crise de covid-19 ?

 

 


 

La crise sanitaire du COVID-19 nous rappelle que notre environnement économique, sociologique et politique est en constante mutation. Les entreprises sont appelées à s’adapter et à innover. SANOFI, leader français du secteur de la santé et numéro 3 mondial n’échappe pas à cette règle. Son chiffre d’affaire de 31,6 milliards d’euros en 2019 est assuré par deux activités principales,  vaccination et traitements médicamenteux, sujets très médiatisés durant cette crise.

Par son rayonnement international, son importance financière mais également sa capacité de production, SANOFI a été mise sous les feux des projecteurs informationnels durant ces dernières semaines de crise sanitaire mondiale. Attaqué, SANOFI a dû faire preuve de résilience  pour faire face à la déstabilisation en dynamique.

Un industriel pharmaceutique français sur la sellette

La crise actuelle, par son ampleur et les décisions internationales, a été une déstabilisation forte pour toutes les industries. Sanofi n’a pas fait exception et a dû adapter son organisation et ses postes de travail aux mesures sanitaires nationales. Déjà déstabilisée, elle a également dû faire face à une attaque ciblée portant sur profits potentiels des industries pharmaceutiques. En effet, le raccourci cognitif entre crise sanitaire et opportunité de gain pour les laboratoires est aisé. Le reproche lui aura été fait.

Face à cette dernière attaque, l’entreprise pharmaceutique a fait deux réponses informationnelles et opérationnelles. Dans un premier temps SANOFI a présenté son plan d’engagement, courant février, sur les dons et la recherche. 100 millions d’euros de dons ont été faits en France avec la mise à disposition gratuite de médicaments, le soutien au milieu hospitalier et le soutien aux EHPAD. Un investissement en IA (Intelligence Augmenté) et dans le traitement des données de santé a été fait. Dans un second temps SANOFI accentue son action dans la recherche avec le développement de deux axes : la recherche pour un vaccin et le développement d’un autotest COVID sur smartphone.

La question centrale de la dépendance vis-à-vis de la Chine

Le contexte est tendu sur ces questions de production de médicaments. La presse, les groupes de consommateurs, mais également les États se sont penchés sur la provenance des médicaments et le niveau de dépendance vis-à-vis de pays voisins ou plus éloignés.

La grande majorité des principes actifs sont effectivement produits en Chine et le conditionnement est réalisé dans les pays de vente des médicaments. Laure Mandeville, du Figaro, dénonce ainsi une omission face à la provenance des molécules et de cette dépendance, et une démission des états, notamment des États-Unis face à cette incurie organisationnelle. A travers cette dénonciation, Rosemary Gibson, conseillère du think-tank de biopharmacie Hastings Center remet en cause la stratégie des laboratoires internationaux, et des nations. L’information a également été relayé par la presse française puis modulée par le gouvernement, allié essentiel des laboratoires français, fleurons du secteur pharmaceutique mondial.

Face à ce niveau de dépendance et ce risque, l’industrie est sous haute tension. La réponse de SANOFI a été de deux ordres face à déstabilisation informationnelle. Ils ont renforcé leur communication nationale en s’engageant sur sa production, sur le sol national français. De plus le laboratoire a révélé un plan stratégique initié avant la crise du COVID : le groupe français veut créer un champion européen du principe actif. SANOFI ne veut plus se placer seulement comme fournisseurs de médicaments mais également producteur européen de molécules. En termes économiques, ils souhaitent détenir l’ensemble de la chaîne de la valeur, sans dépendance à la Chine. L’élément informationnel clé ici est la notion d’anticipation, qui ne peut être que salué par l’opinion publique, les médias et les politiques. La crise devient un révélateur d’une bonne pratique et d’une vision stratégique claire.

La polémique sur les liens entre Trump et Sanofi

Sur le sujet de la chloroquine, la prudence et l’anticipation de SANOFI semblent de nouveau être la signature informationnelle du laboratoire. A la suite des révélations alchimiques du professeur Raoult, SANOFI a annoncé être prêt à livrer et à offrir son antipaludique, basé sur cette molécule, le Plaquenil®. Toutefois, aligné avec le ministère de la santé, la condition de la délivrance sera l’approbation préalable de cette utilisation par l’agence nationale de sureté du médicament et des produits de santé. Prudence informationnelle.

Après l’annonce publique du soutien de Donald Trump au traitement par la chloroquine, le sujet est aussitôt envenimé par la révélation de liens financiers étroits entre le Président Américain et SANOFI, sur Twitter. L’information et le décryptage des liens est relayé dans la presse écrite et internet : Donald Trump en vantant la chloroquine pousse le marché et donc ses intérêts et ceux de ses grands supports financiers. Cette polémique, qui met en avant les intérêts financiers de la crise plutôt que les intérêts sanitaires qu’ils essayent de défendre depuis le début de l’année, est très malvenue. Cela est un véritable chat dans la gorge de SANOFI. Une toux non contrôlée et non contrôlable. Cette accusation de lien financier entre le politique américain et la firme pharmaceutique entrave l’image de l’un comme de l’autre.

La légitimité des Sanofi se vérifiera dans les actes

Dans ce contexte tendu, où les attentes sont fortes face à l’ensemble de l’univers médical et pharmaceutique, nous reconnaissons au groupe SANOFI une capacité d’adaptation et d’innovation. Le COVID, la révélation de la dépendance économique vis-à-vis des producteurs chinois des principes actifs ou encore les liens du Président Trump avec le laboratoire sont des éléments de déstabilisation qui auraient dû conduire à un état de crise. Par des jeux de communication et une force d’anticipation, le laboratoire pharmaceutique a su stopper l’effet de contagion en isolant chaque sujet et en répondant par l’action.

Les liens avec le public n’ont pas été entamés et une stratégie de communication massive est en route pour s’en assurer. Un travail distanciel rondement mené mis entaché récemment par l'annonce faite sur la distribution de quatre milliards d'euros à ses actionnaires. Chiffre que ses détracteurs comparent aux 100 millions attribués aux hôpitaux français.

 

Rémi Heintz