Le décryptage des cultures cognitives de combat durant la guerre froide

L’analyse des affrontements entre les deux blocs Est/Ouest s’est focalisée sur la course aux armements, les conflits militaires tels que la guerre de Corée ou les guerres d’Indochine et du Vietnam, et les différentes opérations de renseignement qui ont été menées par les différentes centrales de renseignement des pays impliqués dans la guerre froide. Mais l’affrontement ne s’est pas limité à ces manœuvres classiques. La remise en question du système capitaliste par les partisans du communisme a généré une nouvelle forme de confrontation en partie orchestrée par des structures de renseignement d’Etat.

Deux approches antagoniques

Entre les deux guerres mondiales,  les structures militantes du Komintern épaulées puis chapeautées par les services d’espionnage et la police secrète soviétique ont inventé une véritable forme de guerre cognitive pour miner les bases des régimes qu’ils voulaient déstabiliser. Pour cerner l’étendue de ce savoir faire qui a engendré son contraire aux lendemains de la seconde guerre mondiale dans le camp occidental, il  est nécessaire de passer par la formulation d’une grille de lecture de ce type (enseignée à l’Ecole de Guerre Economique).

Offensive cognitive soviétique

  • Comment « pénétrer » la « superstructure » des sociétés occidentales.
  • Comment créer des fissures dans le processus de création de la légitimité du mode de pensée dominant.
  • Comment consolider des points d’appui cognitifs.
  • Comment façonner des « compagnons de route » et « fabriquer des « idiots utiles ».
  • Comment pérenniser la dimension subversive du « progressisme ».

Contre offensive anglo-saxonne

  • Comment renverser le rapport de force.
  • Comment prendre à revers la légitimité de l’adversaire.
  • Comment identifier les failles du « donneur de leçon » en démontant son discours contre l’oppression par un appel à la dissidence pour défendre la liberté.
  • Comment créer des caisses de résonnance dans l’intelligentsia en contournant les zones d’influence communiste.
  • Comment pérenniser le recours à la dissidence.

Les deux ouvrages cités ci-dessous sont des références utiles pour comprendre le déroulé des évènements, l’implication des acteurs-clés, les moyens mis en œuvre, la typologie des forces opérantes et les résultats de ces actions cognitives menées par l’Est et l’Ouest entre 1920 et le milieu des années 70.

 

Christian Harbulot

 

Pour aller plus loin

la fin de l'innocende

Stephen Koch qui était enseignant américain de l’Université Columbia (New-York) a relaté comment le militant communiste Willi Münzenberg créa de nombreuses organisations de façade qui en contrôlent d’autres et qui servirent de couverture à de nombreuses opérations d’influence dans les milieux intellectuels occidentaux.

la danse

La Britannique Frances Stonor Saunders fait appel à un nombre impressionnant de sources, souvent totalement inédites, pour montrer comment les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont  rapidement intégré la dimension culturelle à leur stratégie de riposte contre le bloc de l’Est et à la création du Kominform (7 octobre 1947). CIA et SIS sont les deux centrales de renseignement occidentales qui ont orchestré cette opération qui durera plus de vingt ans.