L’OTAN piégé par l’évolution des rapports de force économique

La Turquie a des appétits géoéconomiques qui ne peuvent plus échapper à grand-monde. Les actions provocatrices d’Erdogan dans la zone méditerranéenne mettent en exergue de manière très didactique les limites des systèmes d’alliance militaire du type OTAN.

  1. La Turquie membre de l’OTAN défie d’autres pays membres de l’OTAN par des gesticulations militaires qui peuvent parfois semer le trouble au sein même de l’Etat turc. Selon  le journal allemand Die Welt, les forces armées turques auraient opposé un refus aux exigences d’Erdogan. Ce dernier leur aurait demandé de couler un navire grecque en mer Egée.
  2. Les divergences intra-européennes : l’Allemagne est prisonnière de ses relations privilégiées avec Ankara alors que la France soutient la Grèce pour contenir les appétits géoéconomques d’Erdogan. Ce type de contradiction offre des marges de manœuvre nouvelles à des pays comme la Russie. La version française du site Sputnik a suggéré cette piste de réflexion aujourd’hui en ces termes : « Tandis que les États-Unis n’affichent qu’une solidarité relative vis-à-vis de la France dans ses contentieux multiples avec la Turquie, la Russie se distingue par son silence complet sur ce sujet. Vladimir Poutine, qui a noué, faute de mieux, une alliance conjoncturelle et très encadrée avec Erdogan sur la question syrienne, est en revanche très éloigné des objectifs poursuivis par la Turquie en Libye, où Russie et Turquie n’accordent pas leur soutien au même camp. Dans ce contexte, l’acteur russe n’attend-il pas tout simplement que la France franchisse le Rubicon et retrouve la place qui lui revient dans la défense des avant-postes de l’Europe, face à la Turquie? Une telle évolution permettrait sans doute à la Russie de retrouver, en Méditerranée Orientale et au Proche-Orient, un allié avec lequel elle partage nombre d’objectifs géopolitiques communs, y compris vis-à-vis de la Turquie. »
  3. La manipulation géopolitique derrière les pseudo affrontements concurrentiels sur les marchés d’armement. Selon le site defensereview.gr, Washington mène une tentative de sabordage des discussions sur la livraison d’avions Rafale et de frégates par la France à la Grèce. Une telle opération vise à préserver les intérêts immédiats et fortement contradictoires des Etats-Unis dans cette région du monde.
  4. Les risques de débordement au sein des communautés turques en Europe peuvent fragiliser l’Union Européenne et par ricochet souligner les incohérences de l’OTAN dans sa fonction d’assumer la sécurité du vieux continent.

Cette déficience d’un tel système d’alliance militaire n’est pas nouvelle comme je l’indiquais déjà dans un article paru dans la Revue de Défense Nationale en 2012. La suprématie américaine dans la conduite de cette alliance militaire créé des incohérences qui peuvent à terme rendre le système totalement ingérable. A titre d’exemple, le matériel que Washington veut proposer à Athènes à la place du matériel français a des qualités militaires plus que contestables comme le démontre parfaitement Fabrice Wolf avec moult détails sur son site meta-defense.fr. Obliger la Grèce à acquérir des armes qui ne lui permettront pas de contenir les pressions de la Turquie risque de pourrir encore plus une situation géopolitique déjà très compliquée et dangereuse

Christian Harbulot

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