Une traçabilité du système extérieur et intérieur de guerre de l’information britannique

Plusieurs affaires  récentes ou passées (attaques informatiques  subies par des administrations sensibles de la Couronne en 2020 ou des fuites informationnelles médiatiques en 2016 ) ont mis à jour une partie du système de guerre de l’information par le contenu du Royaume Uni.

Les menées informationnelles britanniques en Syrie

Entre 2019 et 2020 des systèmes informatiques du ministère britannique des Affaires étrangères ont été victimes d’un piratage informatique très ciblé  pour dévoiler des éléments d’information sur la campagne de propagande secrète du Royaume-Uni en Syrie. Selon le site Islamtimes,  » les pirates semblent avoir délibérément ciblé des fichiers qui établissent les relations financières et opérationnelles entre le Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) et un réseau d’entrepreneurs du secteur privé qui ont dirigé secrètement des plates-formes médiatiques en Syrie tout au long de la guerre civile de neuf ans. Le site Middle East Eye émet l’hypothèse que 200 et 300 documents très sensibles auraient été récupérés par les pirates. L’enquête du Middle East Eye a révélé les méthodes de propagande  britannique destinées à défendre les intérêts stratégiques du Royaume-Uni en soutien à « l’opposition armée modérée ».

Le programme portait sur la manière d’obtenir un « changement d’attitude et de comportement » dans des fractions de l’opinion publique syrien. La démarche est typique des opérations d’influence britannique. Le discours est politiquement correct : favoriser les valeurs laïques, renforcer la résilience de la population civile et fortifier les bases d’une opposition armée modérée. Le modus operandi est celui qui a été forgé au cours de la seconde guerre mondiale pour affaiblir le régime nazi (political warfare) puis au cours de la guerre froide aux côtés des Américains pour contrer l’influence soviétique (guerre cognitive culturelle) :  stations de radio, magazines, journaux, livres et  bandes dessinées pour enfants en arabe et en anglais, affiches et autocollants, soutien aux bureaux des médias des groupes d’opposition (à titre d’exemple 660 000 articles auraient été imprimés et distribués à travers la Syrie en six mois). A côté des actions « politiquement correctes » se profilent des actions plus discrètes pour influencer le contenu des reportages de nombreuses structures médiatiques, (réseau de contact avec 1 600 journalistes internationaux et de « journalistes citoyens » syriens dont beaucoup ont commencé à rendre compte du soulèvement contre le gouvernement en 2011 et ont ensuite reçu de la formation, du matériel destiné à assurer la continuité de leurs activités de contre-information.

Les menées informationnelles sur le territoire britannique

En 2016, des médias britanniques ont révélé la campagne de propagande secrète du Royaume-Uni pour empêcher les musulmans de rejoindre les troupes de Daesh.  Le gouvernement britannique aurait constitué une unité de propagande obscure inspirée par la guerre froide, la Ricu.  Sa mission principale était de lancer une série de campagnes de propagande clandestine destinées à provoquer un «changement d’attitude et de comportement» chez les jeunes musulmans britanniques dans le cadre d’un programme de lutte contre la radicalisation. Cette unité secrète du Home Office aurait  développé un système de contre-messagerie discrète à «un rythme et à une échelle industrielle »  et dont le coût s’élèverait à plusieurs millions de livres à «un rythme et à une échelle industrielle ». Cette campagne, appelée « Aide à la Syrie et présentée comme une action issue de la société civile, a abouti à la distribution de  dépliants dans plus de 700 000 foyers . Une  partie du travail de Ricu aurait été sous-traitée à une société de communication londonienne, Breakthrough Media Network, qui a produit des dizaines de sites Web, dépliants, vidéos, films, pages Facebook, flux Twitter et contenu radio en ligne, avec des titres tels que La vérité sur Isis et Help for Syrie.

Selon l’équipe de journalistes du Guardian  responsables de cette révélation, « le comité du renseignement et de la sécurité de Westminster, qui supervise Ricu, estime que le travail de l’unité est un élément important de la stratégie Prevent ». Andrew Stunell, un ancien ministre libéral démocrate qui a participé à l’élaboration de politiques de contre-extrémisme au sein du gouvernement de coalition, a déclaré qu’il pensait qu’il était «sain et raisonnable» de soutenir les groupes communautaires qui faisaient la promotion de la modération ».

Christian Harbulot