Givors : un cas d’ingérence algérienne en France ?

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Les questions mémorielles liées à la présence française en Algérie et à la guerre qui y a mis fin pèsent lourdement dans les relations contrastées qu’entretiennent la France et l’Algérie, et ce depuis la déclaration d’indépendance de cette dernière en 1962. Le président Macron, mesurant enfin que les excès de repentance ne mènent nulle part face à un gouvernement algérien qui passe son temps à justifier son incurie en remettant leurs conséquences sur le dos de l’ancienne puissance coloniale, a pris ces derniers mois de grandes distances avec les déclaration outrancières et accusatrices contre la France qu’il avait formulées en 2017, lorsqu’il n’était encore que candidat à l’élection présidentielle. L’enterrement des préconisations ubuesques formulées par l’historien d’extrême-gauche et favorable au FLN Benjamin Stora, dans le rapport que le président lui avait demandé, en est une illustration comme les déclarations les plus récentes de la présidence sur ce sujet épineux.

Ainsi, lors d’une discussion avec les descendants des combattants des deux bords survenus le 30 septembre 2021 et rapportée dans les colonnes du Monde, il évoque la « rente mémorielle » entretenue par « le système politico-militaire » algérien ainsi qu’une « histoire officielle » qu’il qualifie de « totalement réécrite » et qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ». Il s’est par ailleurs dit « fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée ».

C’est dans cet esprit que, lors de sa dernière visite en Algérie, mettant fin à l’escalade mémorielle d’une repentance française unilatérale, il a formulé le vœu de voir la vérité historique, et elle seule, se manifester désormais publiquement sur ce sujet. À cet effet, il a notamment reconnu pour la première fois officiellement le massacre de la rue d’Isly, où 80 Pieds-Noirs furent tués le 26 mars 1962 lors de la répression d’une manifestation à Alger, ainsi que les lynchages, les enlèvements et les exécutions sommaires commis contre des centaines de Françaises et de Français d'ascendance européenne par des éléments du FLN à Oran le 5 juillet 1962 qui, précisons-le, possède toutes les caractéristiques juridiques du crime contre l’humanité tel que défini par le Statut de Rome.

Une commune qui semble valider sans nuance la propagande du FLN

Mais voilà qu’un article publié dans Valeurs Actuelles le 20 janvier 2023 nous apprend que l’exécutif local d’une commune française a choisi de suivre une toute autre ligne que celle désormais impulsée par la présidence sur ce sujet. On y apprend en effet que le maire d’extrême-gauche de Givors, Mohamed Boudjellaba, fraichement élu en 2020 sous étiquette EELV, puis réélu en 2021 après l’invalidation de son élection par le Conseil d’État du fait des fraudes massives de ses partisans, lui-même d’origine algérienne et binational, entend bien traiter ce sujet à sa manière. Et il ne le fait pas qu’à moitié…

Dans cette commune rhodanienne de 20 000 habitants située à l’extrémité Sud de la métropole de Lyon, le maire multiplie en effet, depuis son élection, des cérémonies mémorielles relatives à la guerre d’Algérie, au contenu particulièrement orienté et dédiées à des évènements sans aucun lien géographique avec sa ville. Ainsi, outre la commémoration de la date du 19 mars, à laquelle le président Hollande avait donné un caractère officiel bien qu’elle soit fortement contestée par les associations de Harkis, Valeurs Actuelles recense également une invitation de Benjamin Stora, « universitaire au passé trotskiste (…) qui avait été convié pour s’exprimer à l’occasion d’une conférence organisée par la ville » avec l’orientation pro-FLN qu’on peut attendre de cet historien engagé, une rue « rebaptisée Gisèle Halimi », célèbre pour avoir été « l’avocate des militants du FLN  et pour s’être violemment opposée aux harkis (…), une commémoration de « l’autre 8 mai 1945 » (…) destinée à rendre hommage aux victimes algériennes lors de soulèvements dans plusieurs villes du pays, une stèle en mémoire de la répression d’une manifestation de partisans du FLN le 17 octobre 1961 », ainsi qu’une cérémonie officielle consacrée à cette date.

Le discours tenu à l’occasion de cette dernière par le maire, que l’on peut retrouver en ligne, reste particulièrement édifiant dans la mesure où il cumule tous les poncifs de la propagande du gouvernement algérien : aucun des crimes de guerre commis par des détachements du FLN n’y est évoqué, ni ses nombreux attentats contre les forces de l’ordre avant la manifestation du 17 octobre 1961, qui est présentée comme un évènement « pacifiste » (sic) auquel les policiers français auraient répliqué par pure motivation raciste. Le tout en présence du commissaire de police de la ville de Givors en uniforme, seul officiel français à avoir eu visiblement la naïveté de se rendre à une prétendue cérémonie dont le contenu avait pourtant toute l’apparence d’un meeting politique peu favorable à la France, et encore moins à ses fonctionnaires de police.

Un silence complice de la presse locale ?

Le plus surprenant reste, dans cette affaire, le silence absolu de la presse locale sur ces graves dérives mémorielles qui se sont étalées sur plus deux ans sans qu’aucun journaliste de la presse quotidienne régionale ressente le besoin de s’en faire écho. Il faut attendre le 9 novembre 2022 pour que le sujet soit pour la première fois évoqué dans un mensuel de la presse nationale, L’Incorrect, qui accorde un long développement au cas de la ville de Givors dans un article consacré à l’étude de l’hypothèse du mobile de la haine de la France dans l’assassinat de la jeune adolescente Lola par une ressortissante algérienne.

 Pire, lorsqu’un élu municipal givordin d’opposition, Fabrice Riva, tête d’une liste divers droite sans étiquette, s’emploie à jouer courageusement le rôle de lanceur d’alerte face aux dérives du maire d’extrême-gauche, la presse locale, à commencer par Le Progrès, suivi de près par d’autres publications, s’emploie à discréditer l’élu en relayant sans nuance des accusations de racisme aussi farfelues que dénuées de tout fondement, formulées gratuitement par le maire contre lui lors d’un Conseil municipal, comme le révèle l’Observatoire du journalisme dans un article qui juge sévèrement les manquements des journalistes locaux.

Des dérives potentiellement délictueuses

Ces graves manquements de la presse locale sont d’autant plus problématiques que l’examen attentif de la longue litanie des cérémonies mémorielles inventées par le maire de Givors pour souligner les crimes supposés de la France et la philanthropie qu’il prête FLN révèle un absentéisme répété du député de la circonscription, Jean-Luc Fugit, membre de la majorité présidentielle, auquel se substitue la présence régulière et remarquée d’un officiel algérien, le consul général d’Alger à Lyon ou un de ses représentants. Or, le maire de Givors, en préférant visiblement le contact avec des officiels algériens plutôt qu’avec le représentant de l’Assemblée nationale rattaché à sa circonscription, dans des cérémonies où la ligne officielle de la propagande algérienne se substitue à la recherche de la vérité historique et à la défense des intérêts français, quand on connaît le poids des enjeux mémoriels dans les relations franco-algériennes, s’expose clairement à une qualification pénale.

L’article 411-5 du code pénal prévoit en effet que le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, lorsqu’il est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Ce cadre juridique, ainsi qu’un certain nombre de signaux faibles alarmants que révèle l’étude des réseaux sociaux locaux, comme la dénonciation de manœuvres d’intimidation du maire à son encontre par l’élu d’opposition lanceur d’alerte Fabrice Riva, le récent cambriolage de l’appartement de ce dernier au moment où le maire censurait, avec un motif semblant entaché d’illégalité, la tribune des élus d’opposition dans la publication municipale locale, apparaissent comme autant d’indices pouvant accréditer l’hypothèse d’une opération d’ingérence étrangère.

Voilà donc un dossier qui devrait légitimement susciter l’intérêt de nos services de renseignement intérieur, notamment dans un contexte de calendrier législatif qui prévoit prochainement une commission d’enquête parlementaire consacrée aux cas d’ingérence étrangère sur le territoire français.

 

Eric Méjean