Guerre de l’information : les écologistes face à leurs contradictions

Comprendre notre monde actuel nécessite de comprendre d’où il tire ses racines.

L’accélération des moyens de communications, leurs multiplications, la vitesse d’échange des données, la complexité de leurs appréhensions et la quasi-impossibilité de les vérifier créent l’illusion d’un monde manichéen. Tout sujet semble être traité d’un biais exclusivement dichotomique où la nuance n’est plus tolérée. Les débats font rages dans les médias traditionnels et dans les médias sociaux. L’Écologie est une des thématiques les plus polémiques depuis quatre décennies. Tous s’affrontent avec virulence : journalistes, sociologues, scientifiques, politiques, militants, citoyens. Dans ce contexte faire la part du vrai et du faux, relève du défi tant cela nécessite du temps. Or, c’est précisément de temps dont nous manquons cruellement. Les polémiques autour de l’environnement sont multiples : le réchauffement climatique, la pollution, le trou dans la couche d’ozone, le gaz à effet de serre (le coupable), nos choix alimentaires, … Mais depuis quand sommes-nous sensibilisés aux problèmes liés à l’environnement ? Par quels biais cognitifs avons-nous été interpellés ? Et par qui ? Quels sont les enjeux ? Et  à quels types de tentatives d’encerclement cognitif sommes-nous exposés ?

Naissance d’une idéologie verte

En 1866, Ernest Haeckel[i], biologiste allemand invente le terme « écologiste » qu’il définit comme étant la science qui étudie la dynamique des populations et des peuplements et le fonctionnement des écosystèmes et des paysages.

L’humanité a vécu plusieurs transformations tant sur le plan anthropologique qu’ethnologique. La révolution industrielle et l’avancée des découvertes scientifiques ont permis à l’être humain d’accéder à un niveau de vie plus confortable dans les pays dit « riches ». Mais le progrès modifie l’environnement sans que personne ou presque s’en soucie réellement jusqu’au début des années 1960. Depuis, la conscience écologiste a progressivement envahi la sphère publique jusqu’à devenir un parti politique, une morale, un art de vivre. Des simples discours sur le refus de la société de consommation prônant un retour à la nature, nous sommes aujourd’hui assignés à changer radicalement de mode de vie. Le ton s’est durci, les « verts » semblent être investis de la mission impossible de sauver la planète. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Contexte mondial

Les années 60-70 marquent la fin des 30 glorieuses, la guerre froide fait rage, les religions perdent du terrain, les idées marxistes séduisent les jeunes. Elles sont véhiculées par le monde intellectuel et artistique. Des mouvements communautaristes types hippies apparaissent d’abord aux USA pour ensuite s’exporter vers l’Europe. De ces idéologies « baba cool » naît la Contre-Culture dont le berceau originel n’est autre que la Silicon Valley en Californie. Ils sont anticonformistes, antimilitaires, anti-société de consommation. Ils s’opposent à la société de leurs parents et en rejettent tous les préceptes. En France, cela se manifeste par Mai 68 avec les manifestations de tous les étudiants français. Leurs revendications sont d’abord sociales voire communistes, et certains d’entre eux font comme leurs modèles américains et s’exilent pour vivre au plus proche de la nature, loin de la société capitaliste, dans le Larzac ou encore en Ardèche. Petit à petit, l’idéologie rouge vire à l’idéologie verte. L’une des figures franco-allemandes de ce transfuge est Daniel Cohn-Bendit. Alors qu’en mai 68 il était surnommé « Dany le Rouge », il effectue un virage idéologique, adhérant progressivement à celle de l’écologie. On comprend clairement qu’une génération entière est en recherche d’une identité différente de celle de leurs aînés. La rupture avec la religion traditionnelle entraîne l’émergence de sectes diverses plus ou moins dangereuses. La volonté de changer le monde engendre la naissance des associations et des ONG telles que Greenpeace, les Amis de la Terre, Amnesty international. Elles trouvent leurs ancrages dans la lutte contre les catastrophes écologiques comme celle du Torrey Canyon2 qui s’échoue au large des Cornouailles sur les côtes britanniques et laisse se déverser 119 000 tonnes de pétrole, ou encore contre les essais nucléaires.

En parallèle, on assiste à une prise de conscience d’un risque de pénurie des énergies fossiles comme le pétrole. Elles créent des problèmes géopolitiques complexes entre l’occident et le proche et moyen orient. Début des années 70 les premiers chocs pétroliers renforcent la peur et le besoin de trouver des alternatives à ces énergies. La population mondiale croît et ses besoins sont de plus en plus importants. La pression augmente…Comment va-t-on pouvoir nourrir la planète et fournir l’énergie nécessaire à la population mondiale ?

Les protagonistes

Ainsi, deux mondes s’opposent en occident : celui du libéralisme, de la surconsommation symbole de l’individualisme contre celui issus de la contre-culture prônant un retour à la nature, une vie plus ascétique, symbole du communautarisme de la tribu. En 1972, le club de Rome édite son rapport sous le titre de « The limits of Growth » qui sera repris par les membres de la mouvance malthusienne prônant la décroissance. Ce rapport alarme sur la pénurie future des énergies et des ressources. Il conclut à la nécessité de contenir l’évolution démographique. Petit à petit, les sciences humaines et sociales vont s’emparer de ce sujet, on commence à parler de refroidissement climatique avec une prédiction de l’épuisement des énergies fossiles dès les années 90 qui s’avérera fausse. Les scientifiques, les ingénieurs, les chercheurs, les professeurs, les sociologues, les philosophes, les anthropologues, les politiques, les simples citoyens aux militants les plus extrémistes, tous s’emparent de ce sujet en se réclamant expert. Des groupes s’organisent en associations, certains en ONG d’autres en groupement d’intérêts ou encore en fondations. Certains luttent contre la pollution, contre la déforestation, contre les OGM, contre le nucléaire, contre les énergies fossiles, et d’autres pour les énergies renouvelables, pour la biodiversité, pour une alimentation Végétarienne voire Végane, pour la protection et le bien-être animal.

Le constat écologique

Au final, ces thèmes sont les causes du trou de la couche d’ozone (en 1987 protocole de la couche d’Ozone) qui lui-même est responsable de l’accélération du Réchauffement Climatique. Les écologistes nous expliquent courant des années 2000 que l’état d’urgence c’est maintenant. Les chercheurs et scientifiques sont formels : tous ces éléments contribuent à l’augmentation du Gaz à Effet de Serre qui fera grimper la température sur Terre d’ici à 2050 de 2 à 6°C ! L’humanité doit agir et changer ses habitudes de vie et de consommation au risque de précipiter la disparition de la vie sur Terre. Nous sommes un tout et ne faisons qu’un…

En effet, si on étudie le cycle des problèmes environnementaux on s’aperçoit que tout est lié dans un cercle vicieux. Ainsi, la pollution, qu’elle soit aérienne, terrestre, maritime, ou polaire, provient de notre culture du consommable-jetable, celle du gaspillage et de notre individualisme, nous sommes trop énergivores. On utilise trop de plastique (constitué à base de pétrole) non recyclable qui finit soit dans nos mers, soit dans nos campagnes. L’autre constat : on mange trop et surtout trop de viande. Notre évolution démographique couplée à notre surconsommation de nourriture a nécessité le recours à l’agriculture et à l’élevage intensif ! Ces derniers sont responsables d’émissions de gaz à effet de serre qui agrandit le trou de la couche d’ozone et précipite le réchauffement climatique. De surcroît, le besoin en bois a crû, nos besoins en terres cultivables également, donc la déforestation s’amplifie. Or la forêt est nécessaire à l’absorbation du CO2. Elle est l’un des pansements dont la nature a besoin. Voici schématiquement ce que nous expliquent les écologistes :

écolos 2

Partant de ce postulat, ils nous alertent sur les risques que nous encourons si nous nous obstinons à ne rien modifier dans notre comportement.

La mise en perspective du pire

En effet, si la Terre subit une hausse de 2 à 6° degrés sur les prochaines décennies, de fait les catastrophes naturelles s’amplifieront avec des risques aggravés de désertification, de pénurie d’eau, d’inondation, de pandémie, d’incendie. Ces évènements conduiront à la disparition de la biodiversité et avec elle nous devrons faire face à de graves pénuries des ressources terrestres. La famine sera exponentielle et cela provoquera un exode des populations les plus pauvres avec à la clef un risque de guerre civile. Ce scénario dramatique est déjà enclenché selon certains experts environnementaux.

C’est pourquoi, selon ces mêmes experts, nous devons nous diriger vers une agriculture biologique et raisonnée, consommer local et privilégier les circuits courts. Il apparaît impératif de préparer la transition énergétique en développant les énergies renouvelables, de nous opposer aux biotechnologies qui mettent en péril la biodiversité, de lutter contre le nucléaire qui génère des déchets radioactifs et qui représente un risque accidentel trop grand pour la population. Il est urgent de consommer moins de viande, voire plus du tout pour certains et de cesser d’utiliser les transports trop énergivores et polluants.

Les plus extrémistes prêchent pour une décroissance de la population en maîtrisant la natalité. Bien sûr, des dissensions existent chez les écologistes, et tous ne partagent pas les mêmes points de vue. Cependant, l’idéologie verte a pris une emprise importante sur le monde occidental. Comment est-on passé d’une poignée de personnes concernées à un raz de marée vert où désormais le climat fait partie de nos préoccupations premières ?

La reconversion du militantisme des années 60

On observe très clairement un changement de prisme dans le monde occidental à partir des années 1970. Les hippies se sont regroupés, sont devenus des Yuppies dans la Silicon Valley.

Haut lieu de l’informatique, des Start up et des fameuses GAFA, c’est aussi le milieu de la contre-culture, celle du yoga, des sciences humaines et sociales où le bien être est au centre des préoccupations. Au début des années 1970-80, déçu du marxisme ils se sont tournés vers la nature moins pervertie que l’homme. Ils sont devenus professeurs, chercheurs, journalistes, écrivains, philosophes. Ainsi, ils sont au cœur des institutions qui leur permettent de diffuser leur idéal, voire idéologie.

Le militantisme écologique fait ses premiers pas au sein des ONG comme « WWF », « Greenpeace » ou encore les « Amis de la Terre » qui luttent contre le nucléaire et pour la préservation de la planète. Ils organisent les premières manifestations anti-nucléaire en 1971, ils luttent contre les industries pétrolières responsables des marées noires. Ils mènent des actions qui monopolisent les médias. Les membres actifs publient dans les revues spécialisées, la presse locale, diffusent des tracts, organisent des conférences sur l’environnement, commanditent des rapports scientifiques par le biais des institutions nationales et internationales. Sous la pression, le 5 mars 1970 les USA ratifient le traité de non-prolifération du nucléaire (le TNP ne sera ratifié par la France et par la Chine qu’en 1992). Les acteurs deviennent de plus en plus puissants alors ils deviennent des partenaires incontournables des organisations mondiales telles que l’ONU. On crée de nouvelles matières autour de l’environnement et de sa préservation. Les enseignements se multiplient et touchent ainsi un public large.

Le grand « bond en avant » du citoyen responsable

L’influence grandit, l’opinion publique se sent de plus en plus concernée alors on l’implique. Dans ce but, on éduque les enfants des pays industrialisés dans les années 80 à devenir des citoyens responsables vis-à-vis de leur environnement. On commence à instaurer le tri des déchets, de ramassage collectif des papiers et ordures dans la nature. Les années 2000 avec l’émergence du Web faciliteront leurs visibilités dans le monde entier. Ils maîtrisent l’outil et la communication. En effet, parmi les personnalités célèbres issues de ces mouvements, on retrouve les milliardaires des Gafam et de l’informatique allant de Bill Gates (Microsoft) à Steve Jobs (Apple) et enfin Marc Zuckerberg (Facebook). Les Jeff Bezos (Amazon), les Elon Musk (Tesla) dans la même lignée, montrent l’exemple en créant des fondations où ils investissent la plus grosse partie de leur fortune pour la protection de l’environnement. Ils expliquent comment ils sont devenus végétariens, comment ils privilégient les médecines douces, comment la méditation et le fait d’être en accord parfait avec la nature les rend meilleurs, plus forts. Le message écologiste est simple si on veut communier avec la nature, il faut entretenir un esprit sain dans un corps sain. Et cela est possible que si on prend soin de notre planète.

En parallèle, les sports liés à la nature subissent un phénomène de mode comme l’Ultra trail, le Surf, la Randonnée. Les sportifs deviennent des icônes des mouvement écologistes. Ils véhiculent un art de vivre écologique et surtout ils apparaissent comme étant les témoins du bouleversement climatique.

Voilà comment l’encerclement cognitif a été établi depuis quarante ans. Mais ce n’est pas suffisant pour que l’opinion publique se rallie en masse pour combattre les pollueurs.

La persuasion par la manipulation de l’émotion

De 2012 à 2014 une étude a été menée par plusieurs chercheurs du groupement d’intérêt scientifique Climat- Environnement- Société sur le thème de : « la question climatique : savoirs, représentations, discours ». Le rapport issu de cette expérience pluridisciplinaire montre comment le regard sur le changement climatique a été modifié grâce aux biais cognitifs de la manipulation par les émotions comme la peur et par le sentiment comme la culpabilité. Les scientifiques notent la propension des médias à utiliser les cadrages sensationnalistes pour fabriquer ces deux phénomènes. Les images, le lexique sélectionné sont très orientés pour les déclencher.

Les reportages nous montrent en images des catastrophes naturelles ou accidentelles avec des enfants, des vieillards, des animaux morts ou grièvement blessés. Le ton de la narration est très grave ponctué de silences pour alourdir l’atmosphère. Lors de l’étude, ils ont mis en relation le même procédé utilisé par les ONG notamment lors de la COP 19 où Greenpeace a projeté sur la cheminée de la plus grande centrale à charbon polonaise, le slogan « C’est ici que naissent les typhons ».

L’équipe a également noté que l’opinion publique s’intéressait plus particulièrement aux enjeux climatiques selon les évènements médiatiques et leurs couvertures ou pas. Ainsi, ils observent une recrudescence de l’intérêt des citoyens lors de la sortie en 2006 du très médiatisé film d’Al Gore, qui lui vaudra le prix Nobel de la Paix en 2007, et la publication du rapport de façon concomitante du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). Le choix de la sortie du film au Festival de Cannes n’est pas anodin. L’équipe de communication du vice-président des États-Unis d’Amérique savait pertinemment que cela conférerait une couverture médiatique internationale mais qu’en plus les Stars véhiculeraient le message de façon exponentielle. L’émotion était au rendez-vous et la peur également…deux outils de pressions pour faire basculer l’opinion publique… A l’inverse, en 2008 la crise mondiale des « Subprime » fera retomber comme un soufflet l’effet obtenu un an avant. La force de la manipulation réside également dans sa répétition.

C’est une des raisons pour laquelle, le même message est répandu plusieurs fois par jour : « un mensonge répété mille fois devient une vérité » … Dans la même veine, la communication des mouvances écologistes utilise le récit de science-fiction. On est dans la vision de la fin du monde associée à l’arche de Noé dans la culture judéo-chrétienne. On nous menace d’apocalypse si nous n’adoptons pas un changement radical de nos habitudes. Régulièrement, les paraboles reprennent le champ lexical de la religion, le bien versus le mal, le pécheur versus le prêcheur. Serions-nous de nouveau confrontés à un combat de type Machiavel contre Savonarole ?

La rente de situation des sauveurs de planète

De nos jours, ce serait l’agronome Jean De Kervasdoué contre la jeune militante autiste Asperger Greta Thunberg ? Pour sauver la planète, les écologistes les plus intégristes se posent en sauveur de la Terre. Ils ont donc droit de recourir à toutes les méthodes pour y parvenir. C’est ainsi que l’on assiste à la fin des années 1990, à la première Fauche d’OGM de Mr José Bové. Agriculteur, altermondialiste, il s’est donné pour mission de nous empêcher d’empoisonner la Terre, et par la même occasion en déclarant que les Organismes Génétiquement Modifié était du poison. Lui savait alors que les rapports de la quasi-totalité des scientifiques n’ont toujours pas à ce jour réussi à trancher. Si on fait une rapide introspection de notre histoire, on pourrait y voir le fantôme de l’inquisition rôder...C’est ainsi, que les agriculteurs doivent faire face à de l’« Agribashing », on pille leur ferme, on vandalise leur matériel, on les injurie, on blesse le bétail… Les associations les plus radicales se permettent de saccager les boucheries, de détruire des champs de cultures, d’occuper les lieux pendant des mois voire des années pour empêcher que des projets contraires à leurs idéaux puissent se construire. Les mouvements radicaux s’attaquent à ce qu’ils nomment « les grands projets inutiles imposés ».

La cause est peut-être noble mais tous les moyens sont-ils légaux ? Non, la limite de l’influence est celle de la propagande. Et quand notre libre choix se rétrécie de manière outrancière, on peut se dire que l’on flirte dangereusement avec des méthodes pas très catholiques…`

La loi les rappelle régulièrement à l’ordre, mais les écologistes ont compris également que la législation, qui peut être un frein à leurs actions, peut être aussi une arme d’influence très percutante. En France, nous avions déjà une appétence au droit, c’est donc naturellement que nous sommes entrés dans l’ère de la normalisation.

La guérilla normative

Les secteurs qui étaient déjà très touchés par un cadre législatif rigoureux le sont plus encore. De façon exhaustive : la biotechnologie voit ses lois anti OGM renforcée, les lois littorales pour leur préservation se durcissent, le code de la construction après avoir eu la norme BBC (Bâtiment Basse Consommation), il y a eu la Norme RT2012 (réglementation thermique 2012), désormais c’est la RE2020 (réglementation environnementale 2020). Le 1er mars 2005 les sympathisants écolos ont obtenu l’une de leur plus belle victoire avec l’introduction du principe de précaution en annexant la charte de l’environnement à la constitution.

Ainsi, l’article 5 de la Charte dispose : "Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".

Par ailleurs, par son arrêt Commune d’Annecy du 3 octobre 2008, le Conseil d’État a précisé que tous les droits inscrits dans la Charte de l’environnement avaient une valeur juridique contraignante.

L’une des dernières batailles juridiques menées est celle de l’introduction de la notion d’écocide au pénal. La législation intempestive restreint d’une part ce que l’on peut faire mais aussi qui peut le faire. Là encore, serait-il judicieux de se demander à qui profite le crime ? Ainsi, la société civile chahute, l’opinion publique adhère, le politique obtempère, le parlement légifère et les entreprises n’ont plus qu’à s’adapter en se soumettant à la doxa.  Face à l’escalade des manifestations, des lois, des discours moralisateurs et sophistes, une polémique enfle et parmi les écologistes des voix dissonantes commencent à s’élever contre.

Le réveil des scientifiques

L’environnement a toujours créé des espaces de paroles et de débats très controversés. Les climato-sceptiques ont depuis toujours exacerbé la polémique pour barrer la route à une idéologie d’après eux contre-productive et extrémiste. Dans cette mouvance, notre ancien ministre de l’Éducation nationale et de la recherche et de la technologie, Claude Allègre a tenté, bien avant le président des États-Unis Donald Trump, de s’ériger contre les prévisions pessimistes sur le réchauffement climatique. Scientifique de renom, récompensé à plusieurs reprises pour ses travaux scientifiques par ses paires, il fut malgré tout conspué et accusé d’être vendu à la cause pétrolière…Bien que les accusations soient démenties, le doute persiste. Son discours n’était pas tant de dire que le réchauffement climatique n’existe pas mais surtout de dénoncer « le mythe », selon lui, que seul l’homme en a la responsabilité totale.

Mis à part quelques loufoques, aujourd’hui personne ne nie que la Planète soit en risque, que notre climat change, que le trou de la couche d’ozone soit une réalité. Faire le tri des déchets, avoir une attitude écoresponsable oui, mais devons-nous croire même les idées les plus extrêmes ?

Dans leur livre « Les Ecolos nous mentent » Jean de Kervasdoué et Henri Voron, deux agronomes français, tentent de tordre le cou à de fausses idées ou croyances colportées par certains citoyens dans les médias et les réseaux sociaux. Ils dénoncent la manipulation mise en scène par les écologistes politiques. Ils les accusent de tronquer la vérité via des subterfuges de communications pour conquérir le pouvoir.

Leur véritable enjeu est d’établir les fausses informations diffusées sur chaque sujet et de prouver en quoi elles proviennent de discours sophistes et non de la rhétorique. Il n’est pas question de fustiger le simple militant convaincu d’œuvrer pour le bien, mais plutôt d’alerter sur les dangers que représentent les mythes déversés dans la presse et au sein d’institutions dites sérieuses. Les deux agronomes décortiquent un à un les mensonges d’une dérive écologique concernant l’eau, le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles, les Organismes génétiquement modifiés ou encore le nucléaire.

Leur analyse chiffrée nous apprend par exemple que Paris ne manque pas d’eau et que ce n’est pas pour demain. Ainsi, culpabiliser les Parisiens pour le bain ou la chasse d’eau des toilettes ne permettrait pas à la population qui manque d’eau d’en avoir. Par contre, nous avons créé des normes avec des toilettes équipée d’une chasse d’eau diminuant le gaspillage d’eau. Cela à un coût et un gain. Le consommateur consciencieux a dû s’équiper d’une nouvelle chasse d’eau…au risque de passer pour une personne insensible à la préservation de la planète.

Les incohérences de la lutte anti-OGM

Il en est de même pour Les OGM, sujet particulièrement tendu. Si l’on en juge le reportage diffusé sur ARTE en 2015 : mensonges et vérités, produit par Frédéric Castaignède, les OGM sont sources de misère et de pollution. La première partie nous montre en image le malheur qui s’abat sur un pauvre agriculteur nommé Percy Schmeiser en juin 2000. Ses cultures étaient contaminées par les graines transgéniques du champ d’à côté. Comble du cynisme Mosanto l’a poursuivi en justice pour contrefaçon ! Le cadreur focalise sur le visage larmoyant du cultivateur lorsque le verdict est rendu en faveur de Mosanto. La voix off nous expose qu’il a perdu sa ferme le fruit de toute une vie de travail. Oui c’est tragique et injuste mais ici nous sommes dans le sentiment, dans l’émotion. Cela signifie-t-il pour autant que les OGM sont nuisibles ? Dans ce cas, nous pouvons dire que les lois régies par le code du commerce sont nuisibles mais pas le produit.

Par ailleurs, vers la fin du documentaire, on nous raconte l’histoire d’un brillant chercheur altruiste qui met au point dans ses recherches le Riz Doré (riz modifié génétiquement). Ce riz se caractérise par sa richesse en vitamine A. Son but est de lutter contre la carence en vitamine A responsable d’environ deux millions de morts chaque année dans les pays pauvres ().

Les chercheurs ont réussi à obtenir un brevet libre afin de donner accès à la semence aux paysans les plus pauvres.  Greenpeace s’y opposa fermement les soupçonnant de mener une campagne de publicité pour améliorer l’image de Mosanto. Les militants de Greenpeace les ont accusés d’utiliser la méthode du cheval de Troie. Intox ou vérité ? Il serait peut-être utile de s’interroger sur leurs motivations réelles. Les groupes industriels de la biotechnologie ont peut-être intérêt à mener une campagne d’influence pour éviter que ce genre d’initiative altruiste ne se propage et mettent en péril leur business plan…

La perte de crédibilité de Greenpeace

De plus en plus, l’impartialité de cette ONG mondialement connue est remise en cause. Ses conflits d’intérêts financiers avec le marché de l’éolien (Greenpeace a des liens capitalistiques avec Ernercoop, fournisseur d’énergie exclusivement verte, https://www.enercoop.fr) tendent à nous rendre méfiant sur ses allégations. Il semblerait que l’énergie nucléaire soit une grande rivale écologique des éoliennes ou des panneaux solaires. Outre que ces énergies ne produisent pas suffisamment pour fournir l’électricité à tous, leur fabrication n’est pas complètement verte si on s’intéresse aux problèmes environnementaux des terres rares. Le sujet de l’énergie occupe le devant de la scène médiatique mais également politique nationale et européenne. En effet, depuis plusieurs mois, se déroule sous nos yeux la nouvelle guerre France-Allemagne qui est une guerre économique : notre nucléaire contre leurs éoliennes.

Lors de l’émission d’ARTE Square idée : « Le nucléaire : non merci ou oui ? » on assiste au débat de deux protagonistes experts en énergies renouvelables et en nucléaire. Côté Pro nucléaire, Jean-Marc Jancovici, ingénieur français et côté pro énergies renouvelables, Claudia Kemfert, économiste allemande. L’un est expert en énergie. Jean-Marc Jancovici expose des faits chiffrés argumentés sur le fait que l’énergie nucléaire est la seule à Zéro émission de CO2. Donc pour lui la plus verte. L’économiste allemande Claudia Kemfert réplique sur le risque trop grand du nucléaire et de la non-gestion du traitement des déchets. Et surtout, que l’énergie des éoliennes est génératrice d’emploi et source d’économie plus florissante.

Il est vrai que l’éolienne génère beaucoup de bénéfices… pour les fabricants d’éolienne qui se trouvent être principalement allemands. A contrario, l’Allemagne est très dépendante de la France en ce qui concerne l’énergie produite par nos centrales nucléaires. En effet, sous la pression des actions menées par les associations et les ONG en Allemagne au cours des années 70-80, au cœur de la guerre froide, l’opinion publique allemande a fini par rallier la cause des anti-nucléaires. Le pouvoir politique n’a plus eu d’autre choix que celui d’abonder dans ce sens. L’Allemagne s’est ainsi progressivement désengagée dans la construction de centrale. Elle s’est ainsi rendue dépendante de la production française et a eu la nécessité de rouvrir ses centrales à charbon. A ce jour, elle est une plus grande émettrice de Gaz à effet de serre que la France.

Le recours à la peur

En ce qui concerne le second argument de Claudia Kemfert sur le risque nucléaire, le débat est là aussi très polémique. Dans son rapport, l’Institut de radioprotection et de sûreté du nucléaire (IRSN) « 1986-2016 : Tchernobyl, 30 ans après L’accident nucléaire de Tchernobyl et son déroulement » observe à travers les données recueillies sur les 30 ans une hausse de cancer de la thyroïde d’environ 4000 cas sur l’ensemble des pays géographiquement les plus concernés que sont la Biélorussie, La Russie et l’Ukraine. Les scientifiques dénombrent une cinquantaine de morts liés à l’accident en totalité sur la période ; quand l’organisation non gouvernementale « les Amis de la Terre » comptabilise un million de victimes. (https://www.amisdelaterre40.fr/spip/spip.php?article58 ). Par ailleurs, l’accident nucléaire de Fukushima provoque des incohérences identiques, avec des écarts de chiffres totalement exubérants. Quel est l’intérêt de cette ONG ? Si on remonte à sa création, elle est fondée aux États-Unis en 1969 par David Brower, militant écologiste pour une politique de natalité orientée à la baisse (https://journals.openedition.org/transatlantica/10350 ) avec le soutien financier de Robert O. Anderson, fondateur et propriétaire de L'Atlantic Richfield Company (ARCO), compagnie pétrolière américaine.

La guerre économique engagée contre le nucléaire utilise comme principale arme celle de la peur. La nature humaine n’aime pas l’incertitude et encore moins le risque non évalué. Dans ces deux cas, on joue sur les deux. Les chiffres sont contradictoires et ainsi on laisse croire que le véritable risque encouru est soit caché volontairement, soit inconnu. Cela génère de la peur, cette émotion nous plonge dans un état non rationnel qui empêche l’être humain de réfléchir de façon constructive et posée.

La réaction très tardive des ingénieurs

Finalement, les ingénieurs ont fini par comprendre la nécessité de s’adresser aux citoyens et d’adapter leurs discours au grand public afin de clarifier la vérité et la réalité des choses. Les débats, les parutions de livres, les podcasts pédagogiques des scientifiques sur l’environnement se multiplient. Ils utilisent les méthodes de leurs adversaires et diminuent ainsi leur emprise sur l’opinion publique. Car si on veut rétablir l’équilibre et la vérité scientifique, il leur faut rallier les politiques et les législateurs français et européens. Et rien de tout cela n’est possible sans convaincre les citoyens.

De même, les agriculteurs, tenus pour responsables d’une grande partie des maux de la terre, commencent eux aussi à contre attaquer. Ils soignent leur image, font campagne, via des conférences citoyennes où ils expliquent leur quotidien, leur travail, leurs difficultés. Ils ouvrent de plus en plus leurs fermes aux écoliers dans un but pédagogique.

Et ainsi, les entreprises, face aux enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités, mettent en place une politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Sous la pression de l’influence des écologistes, ils communiquent de plus en plus sur leurs empreintes carbones, sur leurs bonnes actions sur l’environnement (critères extra-financiers). Il devient fréquent pour les sociétés de mettre en place des partenariats avec les ONG pour limiter le risque réputationnel.

Les enjeux financiers du combat vert

Toutes ces mises aux normes écologiques et ces campagnes d’informations induisent évidemment un coût mais également un gain. A titre d’exemple, la mise aux normes des logements participe à l’augmentation des prix de l’immobilier dans le neuf. Ainsi, le rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat , publié le 10 mars 2021, pointe les conséquences économiques de la RE2020. Il formule ainsi plusieurs recommandations pour aider les ménages et les entreprises à renforcer l'efficacité énergétique des logements neufs. Cette nouvelle réglementation environnementale, prévue par la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), doit s'appliquer aux constructions neuves à compter du 1er janvier 2022.

D'ici 2024, la RE2020 va s'accompagner d'une augmentation des coûts de construction de :

  • 3,4% pour les logements individuels ;
  • 4,2% pour les logements collectifs ;
  • 2,7% pour les logements tertiaires (commerces, bureaux, enseignement...).

La Cour des comptes européenne estime, sur la base des travaux du HLEG (High Level European Group), à 11 200 milliards d’euros le coût de la transition énergétique à l’échelle de l’Europe entre 2021 et 2030, soit 1 120 milliards €/an. Face à cette réalité économique, la difficulté réside dans le financement de ces coûts.

En France, les taxes environnementales collectent environ 50 millions d’euros. Le budget du Ministère de La Transition Ecologique français pour 2021 est de 48,6 milliards d’euros. Par conséquent, lorsque le gouvernement a voulu augmenter la taxe sur le carburant, une fraction de la population s’est sentie prise en otage. Parmi les citoyens les plus démunis, l’environnement n’est pas une priorité. C’est également tout le problème de l’écologie au niveau mondial : seuls les pays riches peuvent se permettre de mettre en place une transition environnementale, pour les pays pauvres leur préoccupation première reste d’accéder aux besoins primaires tels que l’eau, la nourriture et la santé. Par ailleurs, l’écologie génère des bénéfices d’environ 2 740 milliards de dollars selon le Programme des nations unies pour l’environnement (le PNUE). Ces gains profitent à ceux qui peuvent investir…

Ainsi, les plus gros financiers des écologistes politiques, de certaines ONG, de quelques fondations se trouvent être les héritiers des hippies des années 1960. Ceux là-même qui sont devenus des yuppies pour fonder la Silicon Valley. Bill Gates (Microsoft), Marc Zuckerberg Facebook), Elon Musk (Tesla), Steve Jobs (Apple), Jeff Bezos (Amazon) pour ne citer que les plus connus sont ceux qui financent également l’industrie du futur comme dans la viande synthétique, les chaînes de restauration Végane, …

L’incohérence du discours sur la décroissance

Si l’on reprend l’idéologie de départ qui est celle de la décroissance, le risque est de se retrouver avec une inégalité sociale exponentielle dû à une hausse du coût de l’énergie. De plus, l’augmentation des normes entraîne une augmentation des coûts qui conduit à une diminution des marges et pour finir à une disparition des plus fragiles par manque de moyen pour s’adapter aux nouvelles normes. On arrive ainsi à un monopole des grands, seuls à pouvoir absorber en amont le surcoût pour ensuite le répercuter sur le consommateur final. A l’identique, l’augmentation des taxes engendre une augmentation des coûts qui entraîne une diminution des marges et finira par la disparition des petits, …

Le risque identifié est bien la disparition des plus fragiles, des agriculteurs les plus petits, des entreprises les plus petites au profit des plus gros. Quant à la population, les pauvres n’ont pas accès au bio qui est trop onéreux. Ils n’ont pas le choix que d’accéder à la mal bouffe, voire d’être sous-alimenté au risque de contracter des maladies. L’envolée des régimes végétariens et véganes provoquent déjà des problèmes d’alimentation dans les pays où leurs principales ressources alimentaires est à base de graine. Le pic de consommation de céréales a créé de la spéculation sur ces matières premières et ont entraîné une hausse du court des prix mais également une pénurie sur place car l’exportation est plus lucrative. A la lecture de ces éléments de réflexion peut-on réellement encore parler d’une politique verte vertueuse et sociale ? Ce militantisme politique ne favorise-t-il pas la loi des plus forts plutôt que de protéger les fragiles ?

                                                                                                   Vanessa Le Noane
Auditrice de la 35ème promotion MSIE

 

Sources :

Note :

[i] Haeckel issu du mouvement moniste, oriente ses travaux sur l’interaction des êtres vivants les unes sur les autres. Il défend l’idée qu’il existe une continuité et d'une unité fondamentale de la nature organique avec la nature inorganique. Il abolit les frontières entre le végétal et l'animal, ou encore entre l'animal et l'humain.