La confrontation informationnelle autour de la vaccination obligatoire des soignants contre la covid-19 en France

La crise du Covid-19 qui secoue le monde entier depuis plus de deux ans a conduit les gouvernements des différents pays à prendre des décisions pour faire face à cette pandémie qui n’a pas encore dit son dernier mot. Parmi ces décisions, certaines ont parfois suscité le courroux des populations qui voient en celles-ci une entrave considérable à leurs libertés.

En France, c’est le cas de la décision d’instaurer le pass sanitaire pour accéder à des lieux. Le 12 juillet 2021, le Président de la République française annonçait qu’à partir du 15 Septembre 2021, la vaccination serait obligatoire pour certaines professions, notamment :

. Les professionnels médicaux et paramédicaux qui exercent en libéral ou dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad et les maisons de retraite, ainsi que les professionnels, étudiants ou élèves qui travaillent dans ces établissements ;

. Les professionnels en contact avec des personnes vulnérables, comme les pompiers, les ambulanciers, les employés au domicile de certains bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Le même jour, le ministre de la Santé publique (Olivier VERAN) annonçait dans la foulée lui les sanctions encourues en cas de non-respect de la loi y relative promulguée le 6 août 2021. Ainsi, en cas de non-respect de l’obligation vaccinale :

. A compter du 15 septembre 2021, les salariés ou agents publics peuvent être suspendus, sans rémunération. La suspension prend fin dès que l'agent public remplit à nouveau les conditions nécessaires à l'exercice de son activité.

. Un licenciement en cas de défaut de vaccination au Covid-19 n'est pas possible.

Au lendemain de ces annonces, c’est une véritable confrontation qui s’est engagée entre le gouvernement et les personnels de santé, utilisant des recettes dignes d’une guerre informationnelle.

Une confrontation idéologique

En juillet 2021, 96 professionnels de santé signaient une tribune dans le JDD appellent le Gouvernement à rendre obligatoire la vaccination des soignants.

Parmi eux, le professeur émérite de diabétologie au CHU Pitié-Salpêtrière André GRIMALDI, l'infectiologue Karine LACOMBE, le chef du service maladies infectieuses de l'hôpital Tenon à Paris, Gilles PIALOUX, et l'obstétricien René FRYDMAN.

Ainsi s’exprimaient-ils : « Parce que c’est un devoir éthique de protection des personnes vulnérables dont ils ont la charge, tous les soignants doivent être vaccinés …

C’est pourquoi nous, professionnels de santé signataires, demandons au gouvernement de prendre dès à présent la décision d’obligation vaccinale pour "toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination.

Nous lui demandons de mettre en œuvre les dispositions nécessaires pour que l’application de cette décision soit effective avant le début du mois de septembre »

On y verrait presque un lien entre cette tribune et les annonces du Président de la République quelque jours plus tard, qui annonçait la vaccination obligatoire pour les personnels soignants, en reprenant l’argument du « devoir éthique … » invoqué dans la tribune signée quelques jours plutôt par les 96 professionnels de santé ; reniant même les engagements du Gouvernement, quelques mois plutôt, de ne pas rendre la vaccination obligatoire (Olivier VERAN, sur TF1 le 22 Décembre 2020).

D’un autre côté, après les annonces du Présent de la République, c’est le Député de la France Insoumise Jean-Luc MELENCHON qui a fait une allocution sur les réseaux sociaux en indiquant en substance que le vaccin obligatoire contre le COVID-19 est une mesure disproportionnée et une « restriction considérable des libertés » et un « dressage collectif ». Il prédit même que tout cala débouchera sur « une société du contrôle permanent et universel » et « une société du conflit permanent ».

Il a aussi indiqué que son groupe parlementaire était en discussion avec des associations pour organiser « une marche pour les libertés ». Ainsi par la suite de nombreuses manifestations de soutien aux personnels soignants, contre leur vaccination obligatoire ont été organisées et continuent de l’être partout en France.

Un plaidoyer à travers des actions d’éclat

Le 18 septembre 2021 à Montpellier, au cours d’une manifestation réunissant des syndicats et personnels de santé, de nombreux infirmiers ont brûlé leurs blouses et décidé de démissionner en guise de protestation prenant ainsi l’opinion à témoin.

Le 15 Septembre 2021 à Besançon, en présence d’un millier de personnes, le personnel soignant du CHU a simulé la mort des soignants en affichant le message « Ci-gît une infirmière diplômée d’Etat … »

Les images de ces manifestations, entre autres, qui ont fait le tour des médias, des réseaux sociaux et du monde entier avaient pour but d’exprimer le désarroi des soignants face à « l’état dramatique des conditions de travail et des soins » et d’ « incriminer les gouvernements successifs d’avoir supprimés des lits d’hôpitaux … entrainant une érosion des soins médicaux dans de nombreux territoires de proximité. »

Pour quels résultats ?

Au 15 Septembre 2021, le nombre de personnes concernées par l'obligation vaccinale s'élevait à 2,7 millions. Et selon les derniers chiffres transmis par Santé Publique France et communiqués le 7 septembre dernier, environ 84% des soignants travaillant dans les hôpitaux et les Ehpad ont un parcours vaccinal complet (88% ont reçu au moins une dose), alors que cette proportion grimpe à près de 90% parmi les libéraux (94% au moins une dose).

Chez les ambulanciers, 13 % de la profession ne serait pas vaccinée et ne souhaiterait pas l’être​.

Au regard de ces chiffres, on pourrait estimer que la pression exercée par le gouvernement a eu une certaine résonance et produit l'effet escompté, car en mai dernier, seulement la moitié des soignants (51%) avait entamé son parcours vaccinal.

Cependant, la suspension des personnels non-vaccinés aura un impact non négligeable sur l’organisation des services, au même titre que les démissions volontaires des personnels qui ont décidé de « brûler leurs blouses ».

La Fédération hospitalière de France table sur des centaines de réfractaires, avec une incidence dans tous les secteurs, particulièrement dans les Ehpad et les services d’aides à domicile pour personnes âgées, déjà en manque chronique de personnel.

De plus, le Covid-19 n'a pas interrompu la réduction inexorable des capacités hospitalières. Au contraire, la crise sanitaire semble avoir en partie amplifié les fermetures de lits.

Ainsi en 2020, plus de 5.700 lits d'hospitalisation complète ont ainsi été fermés dans les établissements de santé français, qui ont créé dans le même temps, près de 1.400 places d'hospitalisation partielle, selon une étude menée par le ministère de la Santé (DREES) publiée en septembre 2021.

De plus, le syndicat Force Ouvrière (FO) indique que du 1er janvier au 31 mars 2021, en pleine pandémie du Covid-19, il y a eu 1 800 suppressions ou fermetures de lit en France.  Face à cette situation « alarmante », Syndicat réclame la création de 15 000 postes.

Cette situation de fermeture de lits en pleine situation de crise Covid-19 contraste avec les suspensions et démissions engendrées par l’obligation de vaccination des soignants. Ce qui contribue à aggraver les tensions déjà présentes dans de nombreux hôpitaux.

 

Benoit Assala
Auditeur de la 37ème promotion MSIE