La France va-t-elle vivre un effondrement linguistique ?

Aujourd'hui, nous savons, par l'archéologie et ses méthodes de datation, que les plus anciens témoignages de l'écriture hiéroglyphique remontent à une époque qui se situe aux environs de 3300 ans, avant notre ère. Il fallut le génie de Champollion au 19ème siècle pour extirper des oubliettes l'écriture hiéroglyphique.  

L’être humain tente, c’est sempiternel, de dompter et de magnifier l’écriture et le conteur défend la langue et son style. Il use du calligramme et contribue à la mise en page du manuscrit et à une réflexion sur l’esthétique de la page. Il offre par exemple à son lecteur une clef qui cache en son calligramme une « dive bouteille » évocation du mystère de l’Eucharistie, envisagée sous l’espèce du vin.[i] L’idéogramme façonné par Rabelais est un parangon.

Si les civilisations sont mortelles constatait Paul Valéry, peut-on accepter que l'écriture le soit aussi ? Le dictionnaire du Littré[ii] avance plusieurs définitions du mot écriture. Il ressort que l’écriture peut être « l’art décrire » ou tout simplement « un Art, une manière de former les lettres ». Alors pourquoi diantre certains s’évertuent-ils à tuer notre langue ? Car, depuis quelques années, l’émergence d’un soft totalitarisme et d’un terrorisme intellectuel basé sur le clabaudage de la langue et une information partiale ou tronquée tentent de détruire notre idiome maternel.

Les premiers signes d’un encerclement cognitif débutent dans les années 60.

Les adeptes de l’écriture inclusive s’appuient sur l’hypothèse de Sapir-Whorf du nom de deux linguistes américains, selon laquelle la structure de la langue façonne la pensée des locuteurs de cette langue. En d’autres termes ce que nous entendons, voyons ou percevons n'est que l'œuvre de notre pensée influencée par notre langue maternelle. Dans les années 60, de nombreuses thèses et recherches empiriques cherchent à vérifier l’hypothèse de Sapir-Whorf autour des notions et d’interprétation de l’écriture dans le temps, dans l’espace, dans les couleurs et dans le genre. L’objectif, dénoncé par George Orwell dans son livre 1984, est de créer un langage universel dans lequel l’être humain ne puisse plus remettre en question l’écriture officielle.

Se rapproche-t-on du soft totalitarisme précité ? On peut objectivement s’interroger à la lecture de cette nouvelle : le 21 octobre 2021, aux États Unis, la National School Boards Association a écrit une lettre au président Joe Biden pour demander l'aide du gouvernement fédéral afin de répondre aux menaces et à la violence croissante qu'ils assimilent à du "terrorisme intérieur" contre les membres des conseils scolaires en rapport avec leurs décisions sur les politiques de sécurité scolaire COVID-19, la théorie de la race critique et plus encore.  En d’autres termes un État américain demande à ce que le PATRIOT Act[iii] , Loi américaine bâtie après les attentats du 11 septembre 2001 et destinée à prévenir le terrorisme et qui dispose entre autres considérations juridiques d’un crime dit du « terrorisme intérieur » (section 802), puisse être invoqué si des parents d'humeur belliqueuse venaient à contester les orientations scolaires ….

De l’écriture inclusive à …. La novlangue.

En France sous la houlette du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, instance consultative indépendante française, créée le 3 janvier 2013 par le Président HOLLANDE et placée auprès du Premier ministre, l’écriture inclusive éclot en 2016 dans un guide pratique Pour une communication sans stéréotype de sexe et édité par la Documentation Française[iv] qui désigne 10 recommandations pour une communication publique sans stéréotype de sexe :

 1 Éliminer toutes expressions sexistes 

2 Accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions

3 User du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et toutes 

4 Utiliser l’ordre alphabétique lors d’une énumération

5 Présenter intégralement l’identité des femmes et des hommes 

6 Ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie personnelle 

7 Parler «des femmes» plutôt que de «la femme », de la « journée internationale des droits des femmes » plutôt que de la « journée de la femme » et des « droits humains » plutôt que des « droits de l’homme » 

8 Diversifier les représentations des femmes et des hommes

9 Veiller à équilibrer le nombre de femmes et d’hommes - sur les images et dans les vidéos ; - qui font l’objet d’une communication ; - à la tribune d’événements ainsi que dans le temps de parole ; - parmi les noms de rues, des bâtiments, des équipements, des salles.

10 Former les professionnel.le.s et diffuser ce guide.

En France, la polémique nait en 2017.

L’enrobage commence le 1er juillet 2017 quand le Collectif Doctoral de Paris-Sorbonne communique sur l’écriture inclusive en la désignant comme « une attention graphique et syntaxique permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes, permettant ainsi de rendre visible la diversité des individus ».

C’est fin septembre 2017 que la maison d’édition Hatier annonce la sortie d’un manuel d’histoire-géographie destiné aux élèves du primaire (CE2), et rédigé en écriture inclusive.

Le Haut Conseil à l'Égalité félicite sur Twitter l’initiative « Bravo aux @EditionsHatier qui donnent l'exemple pour une écriture inclusive et une éducation égalitaire #EgaCom ».

Le Figaro par la plume de Marie-Estelle Pech publie un article critique le 22 septembre [v] .

La Manif pour tous rédige un tweet à son tour le 25 septembre à 08.25 : « Après avoir tout détruit, les pédagogos tentèrent des expériences sur nos enfants... Non, nos enfants ne sont pas des cobayes! ».

Mais il me semble que ce qui met vraiment le feu aux poudres, c’est quand Raphaël Enthoven [vi] s’empare du débat le 26 septembre dans sa chronique matinale sur Europe 1. Celle-ci est intensément relayée par la presse, sur les réseaux sociaux, de même que les tweets qu’il formule à ce sujet. Et en effet, que Le Figaro ou La Manif pour tous critiquent cette écriture, serait-on tenté d’écrire que cela va de soi. Mais Raphaël Enthoven fait figure de référence en France et par ailleurs il est très actif sur les réseaux sociaux, n’hésitant pas à y polémiquer. Sa chronique fait appel à d’autres arguments que ceux de la Manif pour tous où les arguments traditionnels de droite (critique du féminisme, des enseignant-es, mise en danger des enfants, etc.) : il mobilise Orwell, invente le concept de « négationnisme vertueux » ... S’en suit un tapage médiatique sans précédent, dans la presse et sur les réseaux sociaux : tout le monde a apparemment quelque chose à dire sur l’écriture inclusive.

L’Académie Française tarde un peu à prendre position puisqu’elle ne publie un communiqué que fin octobre, annonçant que « devant cette aberration “inclusive”, la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures… ».

La polémique connaît ensuite un regain avec les propos du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer mi-novembre, qui se déclare contre l’écriture inclusive, et avec le premier ministre qui enfonce le clou quelques jours plus tard en décidant de bannir ladite écriture (en fait, uniquement le point médian) des documents officiels.

Des défenseurs de tous horizons de l’écriture inclusive

Le 7 novembre 2017, 314 enseignants et enseignantes publient un Manifeste dans lequel ils s'engagent à ne plus enseigner que dans la langue française le masculin l'emporte sur le féminin. La pétition qui suit ce manifeste est signée aujourd'hui par près de 35 000 personnes.

Selon Raphaël Haddad, fondateur d’une agence de communication et auteur d’un Manuel d’écriture inclusive, l’écriture inclusive se définit par « l’ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. »

En réaction aux attaques sur l’écriture inclusive, dès 2018 un long entretien est publié avec comme dessein de démontrer qu’une rhétorique réactionnaire antiféministe se dissimule derrière les adversaires de l’écriture inclusive. Plusieurs chercheuses répondent aux questions de Semen une revue de sciences du langage.

Quelques extraits[vii] :

Maria Candea [viii]: Construire un langage non discriminant par rapport aux personnes de genre féminin ou plus largement, par rapport aux personnes non binaires. Dans ce sens large, le même ensemble de pratiques a aussi été appelé langage non discriminant, épicène, égalitaire, non sexiste, dégenré, français démas¬culinisé, ou même féminisation…

Julie Abbou[ix] : Cela peut recouvrir des emplois très différents, d’une tournure syntaxique impersonnelle (penser au lectorat, par exemple) à un choix lexical (droits humains au lieu de droits de l’Homme) en passant par des jeux de flexion (auteure, auteur) ou des dispositifs typographiques (certain·e). On peut même ajouter qu’il y a effectivement deux visées, et trois dimensions d’action : un emploi qui touche au niveau générique, avec le but de représenter les femmes aux côtés des hommes et qui se traduit aussi bien par les formes doubles (en discours) que par ce qu’on a longtemps appelé la féminisation (en lexique), et qui est la proposition de formes féminines disponibles. Ces deux dimensions, en discours et en lexique, sont com¬plémentaires, car elles permettent toutes deux de représenter les femmes, comme catégorie ou comme partie d’un groupe. Le troisième mouvement, qui n’est effectivement pas contraire mais qui se décale un peu des deux premiers, correspond à un questionnement des catégories, plutôt qu’à un rééquilibrage de ces catégories. Et il diffère profondément des autres en ce qu’il permet de toucher le niveau du particulier. Jusqu’ici, les questions de modifications du genre touchent le générique, le collectif, et non les per¬sonnes particulières. Neutraliser la binarité de genre est un projet qui touche non plus aux catégories, mais à la catégorisation en ce qu’elle passe du générique aux particuliè.res.

Le site https://feministoclic.olf.site publie un mode d’emploi de l’écriture inclusive qui conclue par : « enfin, comme la règle de la prédominance du masculin sur le féminin est totalement caduque, on utilisera l’accord de proximité, en usage dans la langue française jusqu’au XVIIème siècle. « Les hommes et les femmes sont belles », est donc une phrase correcte, d’un point de vue égalitariste mais aussi du point de vue de l’histoire de la langue. »

La critique de l’écriture inclusive continue par ailleurs.

D'abord le 30 juillet 2020, à l'initiative de 9 députés Rassemblement national emmenés par Sébastien Chenu. Fustigeant les dérives de l'égalitarisme, l'initiative vise surtout à faire sanctionner des maires opposants EELV, notamment à Lyon, dont certains ont adopté l'écriture non sexiste dans leur communication.

Le 23 février 2021, François Jolivet, député LREM de l'Indre, dépose une proposition de loi avec une soixantaine d'autres députés LREM, contre l'usage de l'écriture inclusive par toutes les personnes morales ayant une mission de service public. De nouveau, cette proposition de loi réduit l'écriture inclusive au point médian. Le député y dénonce l'emploi des "iels" pour "ils/elles", "toustes" pour "tous/toutes", "celleux" pour "celles/ceux", "Cher·e·s lecteur·rice·s déterminé·e·s" qui selon lui, rendent illisibles la langue française et complexifient son apprentissage, notamment pour les dyslexiques et il défend l'emploi du masculin générique. Rejoint par d'autres députés, il espère aujourd'hui former un groupe de 200 élus à l'Assemblée nationale et mettre sa proposition de loi à l'ordre du jour à la rentrée de septembre 2021.

Trait d'union entre les deux propositions de lois, le 23 mars 2021, une nouvelle proposition est déposée par Guy Tessier député LR des Bouches-du-Rhône. A nouveau, le député ne se concentre que sur les points médians dont il déplore l'emploi par les ministères de l'Égalité femmes hommes, et du Travail. Il s'agit donc cette fois, en se réclamant de la Loi Toubon de 1994, de pénaliser l'usage du point médian avec des amendes allant de 3 750 à 5 000 euros. 

La remise en cause des compétences fondamentales : compter et écrire ne semblent plus êtres très utiles pour certains, en France comme aux États-Unis.

Sur le réseau social LinkedIn[x] on découvre fin juillet 2021 la promotion d’une nouvelle éducation scolaire censée favoriser les « compétences indispensables à apprendre dès la petite enfance » et dans laquelle le « Chief Happiness Officer chez MV Group | Coach – Formateur » présente sur son « mur » une image « ce qu’on nous apprend à l’école » : Le Théorème de Pythagore et Where is Bryan  et ce qu’on devrait nous apprendre : « la bienveillance et la tolérance, comment gérer ses finances, développer sa créativité, gérer ses émotions, la confiance en soi, la communication. » Le tout sous couvert du Collectif Humain des Organisations.

Aux États-Unis le gouverneur de l’Oregon, Kate Brown, a discrètement signé un projet de loi en juillet 2021 qui supprime l’obligation pour les élèves du secondaire diplômés de l’État de maîtriser la lecture, l’écriture et les mathématiques, dans le but d’aider les « étudiants de couleur ».

Le jeudi 8 septembre 2021, à l'occasion de la journée internationale de l'alphabétisation, le député (LR) des Alpes-Maritimes Éric Pauget envoie une lettre en écriture inclusive au président de la République Emmanuel Macron pour l’alerter sur cette pratique qui menace la langue française, selon lui.

«Mixe li Présidenxe di li Républix, Li langue françaiz, consacrexe par li Constitutionz, est aujourd’hui menacexe par di mouvementz universitairez et associatix portexe par celleux qui désirent li fourvoyer.» C’est en ces termes que le parlementaire azuréen débute sa missive adressée au chef de l’Etat afin d’attirer son attention sur les dérives de l’écriture inclusive. «Une pratique portée par un mouvement à l’idéologie la plus délétère qui porte atteinte à notre culture, dont notre langue est un vecteur essentiel et qui fragilise les fondements les plus sacrés de notre République».  

Que retenir ?

Toutes les études nationales ou internationales qui évaluent le niveau des jeunes français concluent à un décrochage et à une forte baisse des niveaux scolaires tant en mathématique qu’en français.

Voici pour chaque PISA[xi] , de 2000 à 2018, le rang de la France, son score et les pays avec les scores les plus faibles et les plus élevés par matière :

2000

Lecture : 15e sur 41 (36%) - Score de 505 avec le plus élevé à 546 et le plus faible à 327 ;

Mathématiques : 11e sur 41 (26,8%) - score de 517 avec le plus élevé à 560 et le plus faible à 292 Sciences : 13e sur 41 (31,7%) - Score de 500 avec le plus élevé à 552 et le plus faible à 333.

2003

Lecture : 17e sur 40 (42,5%) - Score de 496 avec le plus élevé à 543 et le plus faible à 375 ;

Mathématiques : 16e sur 40 (40%) - Score de 511 avec le plus élevé à 552 et le plus faible à 356 ;

Sciences : 13e sur 40 (32,5%) - Score de 511 avec le plus élevé à 548 et le plus faible à 385.

2006

Lecture : 23e sur 56 (41%) - Score de 488 avec le plus élevé à 556 et le plus faible à 295 ;

Mathématiques : 23e sur 57 (40,3%) - Score de 496 avec le plus élevé à 549 et le plus faible à 311 Sciences : 25e sur 57 (40,3%) - Score de 495 avec le plus élevé à 563 et le plus faible à 322.

2009

Lecture : 22e sur 74 (29,7%) - Score de 496 avec le plus élevé à 556 et le plus faible à 314 ;

Mathématiques : 22e sur 74 (29,7%) -Score de 497 avec le plus élevé à 600 et le plus faible à 331 Sciences : 27e sur 74 (36,5%) - Score de 498 avec le plus élevé à 575 et le plus faible à 325.

2012

Lecture : 21e sur 65 (32,3%) - Score de 505 avec le plus élevé à 570 et le plus faible à 384 ;

Mathématiques : 25e sur 65 (38,5%) - Score de 495 avec le plus élevé à 613 et le plus faible à 368 Sciences : 26e sur 65 (40%) - Score de 499 avec le plus élevé à 580 et le plus faible à 373.

2015

Lecture : 20e sur 70 (28,6%) - Score de 499 avec le plus élevé à 535 et le plus faible à 347 ;

Mathématiques : 26e sur 70 (37,1%) - Score de 493 avec le plus élevé à 564 et le plus faible à 328 Sciences : 26e sur 70 (37,1%) - Score de 495 avec le plus élevé à 556 et le plus faible à 332.

2018

Lecture : 23e sur 82 (28,0%) - Score de 493 avec le plus élevé à 555 et le plus faible à 340 ;

Mathématiques : 25e sur 82(30,48%) -Score de 495 avec le plus élevé à 569 et le plus faible à 325 Sciences : 25e sur 82 (30,48%) - Score de 493 avec le plus élevé à 590 et le plus faible à 336 ;

Bien-être : 28e sur 70 - Score de 70% d’élèves satisfaits de leur vie avec le plus élevé à 87 et le plus faible à 42 ;

Équité (milieu social) : 8e sur 77 - Score de 122 (écart moyen entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux de milieux défavorisés) avec le plus élevé à 122 et le plus faible à 31.

La France a participé́ à l’enquête Timss[xii] au niveau CM1 en 2015 et 2019. D’une année à l’autre, les principaux résultats restent les mêmes. En particulier, la France est toujours classée en queue de peloton des pays de l’OCDE. Le score moyen obtenu par les élèves en France est similaire entre ces deux dates (488 points en 2015 et 485 points en 2019). Nous observons, cependant, une légère polarisation des résultats des élèves, bien que ces évolutions ne soient pas statistiquement significatives. Si l’on s’intéresse aux 5 % des élèves les plus en difficulté́ en France, ils obtenaient un score inferieur à 361 en 2015 contre 347 en 2019. À l’inverse, les 5 % des élèves obtenant les meilleurs scores en France ont vu leurs résultats stagner. En 2015, ils obtenaient un score supérieur à 607 contre 611 en 2019.

L’enquête Cedre[xiii] réalisée auprès des élèves de CM2 permet de constater, quant à elle, une très nette baisse des résultats en 2019 après une phase de stabilité́ entre 2008 et 2014. Plus précisément, la part d’élèves n’atteignant que le premier niveau de compétence est passée de 16,3 % en 2014 à 25,8 % en 2019 (pour plus d’informations, cf. note 20.33 de la Depp). Plus récemment, les évaluations nationales en CP et CE1 ont fait ressortir une très légère baisse de la maitrise des élèves en mathématiques entre 2019 et 2020.

Il ne s’agit pas ici de culpabiliser l’écriture inclusive au titre des résultats calamiteux des jeunes français dans les évaluations nationales ou internationales mais de constater que cette écriture inclusive achève un patient déjà bien souffrant.

Nous devons nous interroger sur la promotion d’une nouvelle écriture auprès de jeunes qui surnagent déjà dans un vocabulaire approximatif en utilisant en moyenne entre 800 et 1 600 mots à l'oral dans une langue qui en comprend plus de 60 000.

Nous devons aussi nous questionner sur la violente réaction, le 9 novembre 2021, de Laure Adler[xiv] ulcérée par les écrits du journaliste et écrivain Franz-Olivier Giesbert : « J'habite Marseille, capitale française du cosmopolitisme, ville monde où je suis heureux et où je me sens chez moi. Mais souvent quand je me rends à pied à la gare Saint-Charles en passant par la Canebière, j’ai le cœur serré parce que, pendant le trajet, je n’ai entendu personne ou presque parler français. Que va-t-il arriver à notre langue ? » Laure Adler conseille en conclusion à écrivain Franz-Olivier de « Candidatez (sic) à l’Académie française, vous n’entendrez que du français »

Cette volonté de promouvoir l’uniformisation intellectuelle par la «culture de l’oubli de la langue» constitue un encerclement cognitif drapé entre autres étoffes sous les plis de la « féminisation des mots », concept que d’aucun ne saurait ou ne devrait pas forcément critiquer en 2021.

Dans son conte La révolte des accents, Erik Orsenna entame le Chapitre VI par ces phrases : « Depuis quelques temps, les accents grognaient. Ils se sentaient mal-aimes, dédaignes, méprises. A l’école, les enfants ne les utilisaient presque plus. Les professeurs ne comptaient plus de fautes quand, dans les copies, ils etaient oublies. Chaque fois que je croisais un accent dans la rue, un aigu, un grave, un circonflexe, il me menaçait. (…) et le termine ainsi : « Nous avions moins écouté l’histoire de Don Luis que frissonné en entendant ses phrases auxquelles manquait les accents : leur absence éteignait les mots. On aurait dit que notre langue française avait, soudain, perdu tout est élan, tout éclat, toute lumière. »

Sic transit gloria mundi.

 

Jean-Louis Carou,
Auditeur de la 37ème promotion MSIE

 

Notes

 

[i] Une lecture iconotextuelle du cinquième livre de Rabelais montre en fait un dessin imprécis, répétitif qui ne ressemble pas à une amphore mais plutôt à un poisson si le dessin pivote. Le dessin de la Dive Bouteille n’épouse pas exactement le contour des vers. D’ailleurs dans une édition du Cinquième Livre publiée en 1549 sous le nom de Rabelais, mais complètement apocryphe, donne à voir une image de ce que sera la prière à la Dive Bouteille : la mise en page du f. 5 r°, tout de prose composé pourtant, représente en effet un flacon. D’autant plus insolite qu’il n’est nullement question de vin, ou de boisson, mais du salut de l’âme, dans ces lignes.

 

[iii] Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act

[iv] https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=https%3A%2F%2Fwww.haut-conseil-egalite.gouv.fr%2FIMG%2Fpdf%2Fguide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf

[v] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/09/22/01016-20170922ARTFIG00300-un-manuel-scolaire-ecrit-a-la-sauce-feministe.php

[vi] Agrégé de philosophie, Ancien élève de l'École normale supérieure, Raphaël Enthoven est essayiste, enseignant et intervient régulièrement dans l’ensemble des médias français.

 

[viii] Co-responsable du Réseau Genre et Langage, co-présidente de l'Association GSL Genres, Sexualités, Langage
Membre du Comité de rédaction de la revue GLAD! (recherches sur genre, langage, sexualités) et du Comité de rédaction de la revue Langage et société
Co-fondatrice du Réseau Accents, discriminations et idéologies
Coordinatrice du projet financé par l'ANR  NoBiPho, la voix comme site de (dé)catégorisation du genre

 

[ix] Titulaire d’un doctorat de Sciences du Langage : « L'antisexisme linguistique dans les brochures libertaires : pratiques d'écriture et métadiscours ». A cofondé la revue GLADI, une revue scientifique en accès ouvert consacrée aux questions de genre et de langage. Actuellement, elle est intégré du projet ERC Starting Grant Formal models of social meaning and identity construction through language, porté par Heather Burnett.

 

[xi] PISA, l’acronyme de Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves, étude menée par l’OCDE. https://www.oecd-ilibrary.org/education/pisa-in-focus_22260919

 

[xii] Depuis 1995, TIMSS mesure les performances des élèves en mathématiques et en sciences par niveau scolaire et s'appuie, pour les évaluer, sur les programmes d'enseignement communs aux pays participants. Ce jeu de données présente les scores moyens obtenus par pays ou groupe de pays, discipline et domaine. https://www.education.gouv.fr/cid110041/mathematiques-et-sciences-resultats-de-l-etude-timss-2015.html

[xiii] 1 Pour plus de détails sur l’évaluation Cedre, consulter la Note d’Information n°20.33 de la Depp disponible ici :

https://www.education.gouv.fr/cedre-2008-2014-2019-mathematiques-en-fin-d-ecole-des-resultats-en-baisse- 306336
2 Pour plus de détails sur ces évaluations, consulter la Note d’Information n°21.02 de la Depp disponible ici : https://www.education.gouv.fr/evaluations-reperes-2020-de-debut-de-cp-et-de-ce1-baisse-des-performances- par-rapport-2019-notamment-309156

 

[xiv] Laure Adler passe une partie de sa jeunesse à Conakry en Guinée devient journaliste et travaille durant 40 ans à France Culture puis rejoint France Inter à partir de 2015.