La guerre de l’information des narco terroristes

Les pratiques de guerre de l’information se développent désormais tous azimuts. Le monde des narcotrafiquants n’est pas en reste. En alternant la pratique de la terreur à l’égard de ceux qui les combattent par la parole ou par les actes, ou en peaufinant une image « populaire » dans des milieux défavorisés, les cartels de la drogue s’initient à leur manière aux techniques de guerre de l’information.

Le cas d’école du cartel de Sinaloa

Le Cartel de Sinaloa[i] (Sinaloa est un ou Organisation Reynosa (en référence à Luciano Reynosa Pérez) voit ses jours dans les années 1960 dans une sorte de collaboration criminelle entre les frères Pérez (Reynosa et Pedro). Ce sont des narcotrafiquants espagnols qui se trouvent aux origines de ce puissant cartel. Cependant, l’organisation porte le nom de Reynosa car il est celui qui aura développé et exporté l’organisation hors des frontières du Mexique à la suite de la mort de son frère Pedro, abattu par la police fédérale mexicaine. Le cartel de Sinaloa fondé au Mexique est aujourd’hui présent et exerce sont influence dans de nombreux Etats du Mexique, et aussi au Venezuela, en Colombie, en Argentine, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe tels que le Portugal ou les Pays-Bas.

La corruption cmme bouclier informationnel

Lors du procès de Joaquim Guzman[ii] dans le tribunal de New York, 14 anciens membres du cartel ont témoigné selon les chefs d’accusations qui lui étaient reprochés, et parmi eux Jesus Zambada d’une des familles les plus puissantes du cartel de Sinaloa[iii]. Il a expliqué dans quelle mesure les chefs des cartels soudoyaient les autorités policières et judiciaires Mexicains pour garantir le convoi des drogues dans tout le pays. Il a affirmé avoir personnellement versé des pots de vins aux patrons du ministère de la justice de Mexico, au responsable et aux agents de la police fédérales des transports, du secrétaire à la sécurité publique du Mexique et même Interpol. Jeffrey Lichtman, avocat personnel du chef de cartel El Chapo a également affirmé des actes de corruption aux plus hauts sommets de l’Etat en dénonçant les Président Felipe Calderon et aussi Enrique Nieto. Après tout n’est que paroles contre paroles sans véritable preuves formelles.

Après comme l’affirme José Reveles, journaliste et écrivain spécialistes des questions de drogues aux Mexique, il n’existe pas de narcotrafiquant qui ne soit couvert par des autorités locales afin de garantir la sécurité des convois de drogues.Pour exemple, Mario Villanueva, ancien gouverneur de l’Etat de Quintana Roo fut condamné pour complicité avec le cartel de Juarez puis extradé aux Etats-Unis en 2010 pour de nouvelles accusations. Thomas Yarrington, Eugénio Hernandez, tous deux également anciens gouverneurs de l’Etat de Tamaulipas sont emprisonnés pour des faits de trafic de drogues et de blanchiment d’argent. Aujourd’hui il est difficile de nier cette évidence : Les autorités politiques locales pour certains à la botte du cartel de Sinaloa.

La guerre de l’information par la terreur

Au Mexique, à défaut de corrompre les autorités locales, les cartels vont jusqu’à assassiner les candidats aux municipales et aux législative qui ne sauraient garantir leurs intérêts. Rien que pour les législative de juin 2021, au moins 34 candidats ont assassiné par les narcos. Sans aucunes menaces préalables, ceux qui se présentaient comme des potentiels freins à la corruption qui gangrène le pays ont été littéralement exécuté. En 2018, 91 candidats avaient été exécuté en seulement 8 mois. L’information que veut faire passer le cartel de Sinaloa aux politiques est clair. Les narcos feront assassinés tous ceux qui se mettront au travers de leurs chemin. Aujourd’hui les plus puissants cartels tels que celui de Sinaloa viennent à présenter des candidats afin d’infiltrer les institutions et accorder carte blanche aux narcotrafiquants.

Outre les politiciens, les journalistes font aussi les frais des cartels. Depuis 2000, plus de 150 journalistes ont été assassinés par les cartels de drogues. En 2022, Luis Enrique Ramirez, un journaliste pour le quotidien local El Debate a été assassiné, le corps enveloppé dans du plastique. Il avait 59 ans et avait signalé se sentir en danger.Au total 17 journalistes tués la même année. Les cartels accusent les journalistes de mener des guerres d’informations contre leurs organisations, souvent sous le couvert de l’Etat. Parallèlement l’Etat par la voix de son porte-parole Manuel Obrador a déclaré prendre des mesures appropriées pour la protection des journalistes sous le coup des menaces ouvertes. Pourtant, il existe depuis 2012, un mécanisme de protection des défenseurs des droits humains et des journalistes qui concerne environ 496 reporters.

Une guerre de l’information qui peut prendre des allures de séduction

Force est constater que le cartel de Sinaloa, l’un des plus puissants cartels de drogues au monde est fortement implanté au Mexique et selon les autorités américaines, dans au moins 23 pays. Des témoignages sur le soudoiement par le cartel de Sinaloa de certains agents aux frontières de certains pays, notamment en Europe sont connus. Le cartel de Sinaloa a soif de son image. Selon certaines opinions mexicaines, le cartel est vu comme une organisation qui défend les intérêts des communautés contrairement au gouvernement. Très souvent, des campagnes de distributions de produits de première nécessité à l’effigie du Chef de cartel El Chapo, sont distribués aux moins nantis. Outre cela, Il parraine des artistes musiciens dans l’optique de produire chansons qui deviennent populaires et qui retentissent à la gloire des barons les plus célèbres du cartel.

Cette stratégie met en effet le gouvernement mexicain dans une position inconfortable vis-à-vis de certaines communautés locales. Suivant la cible qu’ils souhaiteraient atteindre, les cartels terrorisent de diverses manières. Ce sont des guerres soft ou douces à l’endroit des populations à travers des aides aux communautés et de guerres dures ou guerres de terreurs à l’endroit du gouvernement et des corps professionnels qui dénoncent et s’affirment dans la lutte contre le crime organisé. Toujours est-il que, l’information arrive à qui de droit.

 

Danin Magloire Guei (MSIE40 de l’EGE)

Sources 

https://www.ouest-france.fr/monde/mexique/mexique-un-journaliste-assassine-dans-l-etat-du-cartel-d-el-chapo-le-neuvieme-cette-annee-10eca999-e108-4df2-bea2-38cbe971d4cd

https://www.voyages-au-mexique.fr/les-cartels-du-mexique/

https://www.voyages-au-mexique.fr/les-plus-grands-trafiquants-de-drogue-connus-du-monde/

https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/en-france-le-trafic-de-drogue-en-cinq-chiffres-stupefiants-1389079#:~:text=250%20milliards%20de%20dollars,du%20business%20de%20la%20drogue.

https://www.ofdt.fr/produits-et-addictions/de-z/

https://www.unodc.org/res/wdr2022/MS/WDR22_Booklet_2_french.pdf

https://www.dianova.org/fr/nouvelles/rapport-mondial-sur-les-drogues-2022/#tendances

Notes complémentaires

[i] Le cartel de Sinaloa est une puissante multinationale du crime qui est présente sur l’ensemble de la chaine de valeur de la filière drogue en assurant aussi bien la production, la transformation, l’exportation que la vente.

Le cartel dispose de vastes étendues de terres agricoles qu’on appelle « Sierra » aux sommets des régions montagneuses de l’Etat de Sinaloa. Au total, plus de 40.000 hectares de culture de pavot héritée de la seconde guerre mondiale. En effet, au cours de la cette guerre, l’armée américaine demande au Mexique d’intensifier sa production de morphine qui est un produit dérivé de l’opium, lui-même issu du pavot. La morphine avait pour but de traiter médicalement les soldats. Quant aux guerres successives qui ont eu lieux par la suite, pour ne citer que la guerre du Vietnam, elles ont fait exploser la consommation de l’héroïne qui est le opioïdes beaucoup plus dérivé que la morphine. Le business n’a plus cessé de se développer vu les marchés qui naissait de plus en plus aux Etats-Unis. Et ce jour 85% de l’héroïne présente sur le marché américain provient des terres du cartel de Sinaloa.

Sur ces terres, le principal produit recherché est la gomme d’opium. Une fois produite, elle est acheminée au sein des laboratoires de transformation du cartel. La protection de ces terres est assurée par des unités de soldats armés qui forment la base du cartel.

La cocaïne du cartel quant à elle, provient des pays du sud, principalement à des mafias de la Colombie qui n’ont pas d’accès directe aux marchés des grands consommateurs.

Les lieux dits « laboratoires » sont des unités traditionnelles aux équipements très rudimentaires. Là-bas, la gomme d’opium est transformée par une série d’opération chimique en morphine pure, puis de la morphine en héroïne brute. Le conditionnement de la cocaïne étrangère se fait également dans les laboratoires du cartel.

Une fois le produit fini conditionné, il est exporté vers les marché américains, européens, africains et même asiatique.

[ii]De son vrai nom Joaquim Guzman, El Chapo est né en 1954, dans les zones de montagnes de l’Etat de Sinaloa au Mexique. El Chapo grandit dans les champs, à l’ombre des pieds de pavot et de marijuana de son père Emilio Guzman. Il côtoie donc très vite les drogues brutes et est vite confronté à la réalité des natifs de ces champs. El Chapo va occuper tous les échelons des organisations criminelles Mexicaine de l’époque. De tueur à gage jusqu’à chef de zone de trafic, il fait ses débuts sous la bannière de Félix Gallardo « El Padrino », chef du cartel de Guadalajara. Dans les années 1980, Gallardo était le principal allié des Colombiens aux Mexique et particulièrement du réputé Pablo Escobar. Son pouvoir grandissant, Gallardo décide de scinder son organisation en des cartel qui auraient plus de contrôles sur les marchandises transitant par leurs zones. Hector Luis Palma Salazar fidèle héritera du terrritoire de Sinalao avec El Chapo son collaborateur.

A partir de cet instant, El Chapo va multiplier ses initiatives afin d’écouler sa drogue aux Etats-Unis, premier pays consommateur de drogues au monde. Guzman faits ses preuves et se fait une réputation dans ses techniques d’exportation de sa marchandise. Il insére sa drogue dans des carcasses d’animaux et également des cadavres humains. Il révolutionne les techniques de creusées de tunnels sous les Etats-Unis, à l’aide de moyens technologiques de pointes et devient à juste titre le « seigneur des tunnels ».

Le 24 mai 1993, le Cardinal de Juan Ocampo est criblé de 14 balles à l’aéroport de Guadalajara par les frères Félix en lieu et place d’El Chapo. Pour les autorités mexicaines, Guzman en est le premier responsable. Tous les moyens sont mis en œuvre pour que justice soit fait pour la mort du Cardinal. Guzman réussira à Deux semaines plutard, il se fait intercepter au Guatemala et est incarcéré au Mexique. Toute cette situation ne fera que grandir son nom car El Chapo transforme cette prison en sa nouvelle base exécutive. Il corrompra toute la prison, des directeurs aux gardiens et renforce son influence. En 2001, El Chapo s’évade de la prison de très haute sécurité de Puerte Grande et devient l’homme le plus recherché au monde. Vicente Fox, alors Président de la République du Mexique devient la risée du monde, et est même accusé de corruption et de complicité par la pensée collective.

A la sortie d’El Chapo de prison, il initie une guerre de cartel terrible pour s’emparer des réseaux logiques des cartels de Tijuana et de Juarez. Le cartel de Sinaloa met la région ouest du Mexique à feu et à sang pendant trois années et se rend coupable d’exactions et de crimes les plus violentes afin d’envoyer un message fort aux autres cartels. EL Chapo, va par la suite réitérer ses exploits d’évasion avant d’être arrêté pour la troisième fois en 2016, puis extradé en 2017 vers les Etats-Unis. En 2019, il est condamné par le tribunal de New York à la prison à perpétuité pour les chefs d’accusation de trafic de stupéfiants, de participation à une organisation criminelle, de conspiration pour importer et exporter de la drogue37, d'utilisation d'arme à feu, de blanchiment d’argent, et d'avoir ordonné des violences et des tortures contre des membres des cartels rivaux. Il purge présentement sa peine dans la prison de haute sécurité d’ADX Florence.