La polémique générée par la loi concernant le climat : l’immobilier dans une impasse

En 2025, six cent mille logements ne pourront plus être sur le marché de la location. En 2028, 1,2 millions de logements et au 1er janvier 2034, 2,6 millions. En France, d'ici onze ans, ne pourront plus être mis à la location, environ 4,4 millions de logements. Selon l'INSEE, la taille d'un ménage étant de 2,14 habitants par logement (chiffre de l’INSEE de 2019), cela représente une population de 10 millions d’habitant qui, d’ici 2034, seront « sans toit ».

Ce constat est la résultante d’une trentaine d’années de pression médiatique de lobbyistes et activistes écologiques, s’appuyant sur différents rapports scientifiques, tels que ceux émis par le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), entrainent divers gouvernements sur la mise en place d’une succession de lois, dites  « loi Climat » (I) (autrement dit : loi pour la lutte contre le réchauffement climatique) entre 2021 et 2022, conjuguées avec la « loi pour le pouvoir d’achat » en 2022. Celles-ci ayant donné naissance à la mise en œuvre d’un nouveau Diagnostic de Performance Energétique (loi du 1 juin 2021). Ces lois, qui n’ont de cesse d’évoluer depuis 2021, sont accompagnées de contraintes pour les bailleurs institutionnels ou particuliers.

Le déséquilibre généré par la question du climat

La question du climat est une préoccupation d’une quarantaine d’année, qui s’est généralisée, atteignant la psychologie cognitive d’une forte proportion de la population (en particulier les jeunes générations), à en devenir une religion, un guide, un phare qui donne « du sens ». Et cela dès le plus jeune âge, car inculqué dans les esprits à travers l’enseignement scolaire et supérieur.

Conforté sur l’ensemble des supports médiatiques, partie prenante au quotidien, contributeurs du formatage de la pensée,  à tel point, qu’il met en tension, pour ne pas dire, divise, les pays européens. Un exemple d’actualité, en complément du sujet de l’immobilier plus discret car moins médiatisé, cette montée en pression relative à la disponibilité de l’énergie entrainant d’ailleurs une commission d’enquête parlementaire sur le sujet de la souveraineté énergétique, ou plus précisément, cherchant à comprendre les causes de la perte de souveraineté (énergies renouvelables versus le nucléaire versus le charbon, et cetera).

Revenons à la genèse qui met la France dans une telle situation (II).

Tout débute en 1990, lorsque le GIEC (Groupement d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat) publie son premier rapport mettant sensibilisant sur l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère  provoquant, ainsi, le réchauffement climatique, entre autres. Les conclusions sont entendues par les Nations Unis et en 1992, lors de la conférence des Nations Unies sur l'environnement, le climat et le développement durable, intitulé également Sommet de Rio. Etaient rassemblés une centaine de chefs d’état et plusieurs milliers d'activistes ou militants écologistes. Point de démarrage d'une prise de conscience sur la question climatique et environnementale, donnant naissance à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (la CCNUC). Cette convention a mis en place la Conférence des Parties (COP : conférence of parties), qui réunira, annuellement, 196 Etats et dont la première a lieu à Berlin en 1995.

Les principales dates

1990 : premier rapport du GIEC sur la problématique des émissions des gaz à effet de serre

1991 : création du Fond pour l‘Environnement Mondial (FEM) : outil de financement de la CCNUC

1992 : Sommet de Rio : Engagement de 178 pays en signant la « Déclaration de Rio de Janeiro » sur l’environnement et le développement (définition officielle du développement durable)

1995 : Première Conférence des Parties (COP) à Berlin

1997 : COP 3 à Kyoto : signature d’un accord éponyme par quelques Pays pour réduire de 8% les émissions à effet de serre d’ici 2020 (année de référence 1990) : accord non ratifié

2002 : COP 9 à New Delhi : lors de cette conférence, l’accord de Kyoto sera ratifié en ayant 55 pays signataires, soit 5 ans. Les Etats-Unis et la Chine, les deux pays principaux émetteurs de gaz, ne signent pas.

2009 : COP15 à Copenhague L’ensemble des pays s’accorde sur la nécessité de contenir la hausse de la température en dessous de +2°C.

2011 : Le Canada sort de l’accord de Kyoto, rejoignant ainsi la quarantaine de pays non signataire, pesant 38% d’émission de gaz à effet de serre.

2015 : COP 21 à Paris (III) : se traduit par un accord validé par l’ensemble des pays membres sur toujours le même objectif, étant de contribuer à limiter la hausse de température mais cette fois-ci, en y appliquant un agenda de solutions à mettre en œuvre, un financement dédié et des indicateurs de suivi.


Nous observons une évolution des stratégies qui étaient principalement tournées sur les sujets de développement durable au démarrage  et la mise en place d’objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La stratégie s’appuie sur le critère de hausse de température tout en maintenant, en fil rouge, les émissions de gaz à effet de serre, ce dernier étant la cause de ce premier. Une des cibles dans les actions à mener, les mégalopoles et métropoles. En effet, 55% de la population mondiale vit en zone urbaine dense, dégageant 70% des gaz à effet de serre. En France, l’immobiliers, tous secteurs confondus, représente 25% d’émission de gaz à effet de serre.

COP21 : la stratégie française pour l'immobilier

Pour répondre aux exigences des accords de Paris signés en 2016, lors de la clôture de la COP21, le président Monsieur Hollande se prononce en ces termes : "Je m'engage au nom de la France à réviser au plus tard en 2020 nos engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre". La course pour évaluer, mesurer les actions à mener et définir le cadre légal commence.

Nait alors la loi climat, du 22 août 2021 (Loi n° 2021-1104), faisant référence à l’accord de Paris du 12 décembre 2015, impose la réhabilitation des logements identifiés comme étant « des passoires énergétiques ».   

Cette loi définit notamment les échéances pour lesquelles un bailleur n’a plus le droit de louer un bien immobilier en fonction de certains seuils classifiant énergétiquement le bien.

Extrait du texte : Seront interdits à la location (IV) :

- Le 1er janvier 2022, pour les logements appartenant à la classe F ou à la classe G. 

- Le 1er janvier 2025, pour les logements appartenant à la classe E.

- Le 1er janvier 2034, pour les logements appartenant à la classe D.

En complément, la loi permet au locataire, ou bien à l’acquéreur, de s’opposer au diagnostic réalisé. Ce qui n’était pas le cas au préalable. Une telle classification est déterminée par le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Ce dernier a subit une réforme en juillet 2021, tenant compte ainsi, des différentes caractéristiques physiques du bâtiment, le système de chauffage utilisé, la consommation énergétique du système d’éclairage ainsi que la qualité de l’isolation. Il ne tient plus compte, comme le faisait le précédent diagnostic, du comportement des habitants du logement vis-à-vis de leurs consommations énergétiques.

Cette classification est la suivante (V) :

                        Classe A : moins de 70 kWh/m² par an et de 6 kg CO2/m² par an

                        Classe B : 71 à 110 kWh/m² par an et 7 à 11 kg CO2/m² par an

                        Classe C : 111 à 180 kWh/m² par an et 12 à 30 kg CO2/m² par an

                        Classe D : 181 à 250 kWh/m² par an et 31 à 50 kg CO2/m² par an

                        Classe E : 251 à 330 kWh/m² par an et 51 à 70 kg CO2/m² par an

                        Classe F : 331 à 420 kWh/m² par an et 71 à 100 kg CO2/m² par an

                        Classe G : plus de 421 kWh/m² par an et de 101 kg CO2/m² par an

A la suite de la définition de ces critères, une pré-étude des logements a été réalisée et a permis de mettre en avant les 4,4 millions de logements à horizon 2034 qui ne pourront plus être loués, si les travaux de réhabilitation de sont pas réalisés. En tenant compte des résidences principales, le chiffres grimperait à environ 8 millions de logements considérés énergivores (classés F et G). 

Faits observés

L'avenir de l'immobilier en France est inquiétant. Les propriétaires privés, institutionnels ou particuliers sont pris dans un étau avec des marges de manœuvre extrêmement limitées, car ils se retrouvent coincés pour les  raisons suivantes :

. Une politique écologique  qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un temps court et mise sous contrainte des propriétaires bailleurs avec, à la clef, des pénalités si non-respect de la loi.

Une politique sociale dans laquelle on retrouve trois facteurs majeurs :

- Une volonté de redonner du pouvoir d'achat en réduisant les factures énergétiques premièrement confort ; deuxièmement vis-à-vis des investisseurs, l’existence de plafonnement des loyers dans les zones tendues qui, en cas d’investissement pour respecter la loi climat, réduit la rentabilité (effet ciseau).

- La prise en charge de la relocalisation des habitants n’est pas définie.   

- Les locataires protégés par la loi (trêve hivernale à géométrie variable, procédure d’expulsion longue et fastidieuse dans le cas de non-respect du bail…).   

. Un patrimoine existant : pour lequel il est extrêmement difficile de traiter techniquement isolation des bâtiments (immeuble haussmannien, construction d'après-guerre…), nécessitant des investissements lourds avec un payback très long.

. Une conjoncture défavorable :

- Le prix du mètre carré de l'immobilier élevé rendant l’acte d’achat plus difficile, bien que stagnation, même un léger fléchissement à la baisse est visible en 2022 (VI). Néanmoins le prix de référence au m² reste encore élevé. En effet, l’immobilier connait depuis plus d’une dizaine d’année une évolution croissante du prix du mètre carré en France, variable en fonction des zones géographiques et villes. Néanmoins, les métropoles majeures ont une stratégie  d’attractivité forte en s’appuyant sur le développement d’infrastructures autoroutier ou ferroviaire (ligne TGV à grande vitesse), avec une stratégie d’investissant dans la réhabilitation de quartiers auparavant délaissés (par le biais de promoteurs). Une ville comme Bordeaux a vu son prix au m² progressé de 74% entre 2010 et 2022.

- Les contraintes bancaires : le taux des prêts bancaires en hausse (VII) et un  taux d'usure non adapté. Le refus de dossier d’acquéreurs dans le cas d’un projet d’achat immobilier dont le classement énergétique ne serait pas au bon niveau. En plus de l’achat, l’acquéreur doit tenir compte d’une enveloppe d’investissement pour la réhabilitation.

Sans oublier une hausse importante des matières premières dans le domaine de la construction (hausses de 15% à 20% depuis plus d’un an), sans visibilité de décroissance à court terme.

Tout cet écosystème gravitant autour du secteur du bâtiment, en tant que propriétaire ou investisseur, ne s'adapte pas aux engagements pris par le gouvernement. Le constat climatique est à prendre en compte mais il est en inadéquation totale avec l’échelle de temps imposée et les investissements nécessaires à cette campagne de réhabilitation.

 

Charles-Henri Chevreau (MSIE41 de l’EGE)

Sources :

I : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924

II : https://www.ecologie.gouv.fr/decryptage-des-cop-conferences-internationales-lutte-contre-dereglement-climatique

III : https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris

IV : https://www.ecologie.gouv.fr/diagnostic-performance-energetique-dpe

V :  https://infodiag.fr/leurope-veut-encore-faire-evoluer-le-dpe/

VI : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6523395

VII :  https://www.lesfurets.com/pret-immobilier/guide/votre-taux-immobilier#:~:text=Selon%20les%20donn%C3%A9es%20de%20l,moins%20qu'en%202021).