La question de l’ingérence de l’Union Européenne dans la vie politique et institutionnelle des Etats membres

La question de la souveraineté européenne se pose dans ce contexte de perte d’influence généralisée de l’UE dans ses relations extérieures sur le continent, propice à l’ingérence étrangère dans la vie démocratique et le processus électoral de différents pays. Cette crainte se matérialise dans les faits par une forte réaction populaire contre le modèle fédéral et technocratique de l’Union Européenne.

C’est ainsi qu’on assiste à l’émergence de nouveaux mouvements prônant le retour progressif vers des modèles nationalistes et autocratiques, avec une montée en puissance de gouvernements d’extrême droite un peu partout en Europe (Victor Orban en Hongrie, Andrzej Duda en Pologne, Magdalena Andersson en Suède).

Un constat général : le manque d’unité, de consensus dans les décisions et d’harmonie dans les relations entre les États membres de l’UE, avec deux modèles idéologiques qui s’affrontent sur le terrain, les conservateurs partisans d’une Europe des Nations et les socio-démocrates attachés à une Europe fédérale.

Devant l’interventionnisme de plus en plus marqué des institutions de l’UE, il est légitime de se poser la question de l’ingérence européenne dans la vie politique et institutionnelle des États membres.

La polémique autour de la prise de parole Von Der Leyen

Alors que les mouvements nationalistes progressent en Europe, la technocratie de Bruxelles est tenue responsable du recul de la souveraineté des États ce qui inquiète sur la possible issue des élections italiennes, Giorgia Meloni, dirigeante d’un parti euro sceptique et postfasciste est pressentie pour occuper le poste de Premier Ministre.  Et l’appel public de l’ancien président russe Dimitri Medvedev à punir le gouvernement italien aux élections législatives est de nature à faire rejaillir la question de l’ingérence de Moscou dans les scrutins des pays occidentaux.

Interrogée sur le choc entre démocratie et autocratie dans le contexte de l’invasion par la Russie de l’Ukraine, lors d’une rencontre à l’Université américaine de Princeton aux États-Unis, la Présidente de la commission européenne Ursula Von Der Leyen a évoqué des instruments pour sanctionner d’éventuelles atteintes à la démocratie en cas de victoire de la coalition de la droite conservatrice aux législatives italiennes. En effet, l’alliance nationale se distingue par ses positions pro-russes et son ambiguïté au moment de condamner l’agression russe en Ukraine.

Cette prise de parole provoque de vives réactions en Italie qui voit dans cette déclaration une tentative d’interférer dans la vie démocratique du pays. Une manière pour elle d’influencer l’opinion publique pour assurer la victoire de l’idéologie libérale.

Si la stratégie semble habile, elle n’est pas passée inaperçue auprès des observateurs paysage politique et médiatique. L’intention est claire : s’adresser directement au peuple italien et contourner le processus électoral afin de faire basculer le résultat des élections italiennes. Une maladresse de plus susceptible de remettre en cause l’autorité des institutions européennes dans les États membres de l’UE.

En réponse à cette attaque, Matteo Salvini, le leader italien de la ligue, parti souverainiste allié du parti libéral Forza Italia et du parti postfasciste Fratelli d’Italia, parle d’une menace sans précédent contre le vote libre démocratique et souverain du peuple italien et lance une motion de censure au Parlement Européen contre la Présidente exigeant des excuses ou la démission d’Ursula Von der Leyen.

Face à l’ampleur prise par la situation, un porte-parole de la commission a précisé que la présidente n’avait aucune ambition d’interférer dans les élections italiennes et qu’elle ne faisait qu’expliquer le droit européen.

Les tentatives d'encerclement cognitif Von Der Leyen

La présidente de la commission européenne et la dirigeante du parti Fratelli d’Italia, sont issues de mouvements radicalement opposés, représentent deux modèles et visions antagonistes pour l’avenir de l’Europe sur le plan de la vie politique, économique et institutionnelle.

Ursula Von der Leyen est la première présidente de la Commission Européenne. Anciennement membre de l’Union chrétienne démocrate (CDU) et ministre fédérale allemande entre 2005 et 2019, elle est un temps pressentie comme successeur potentielle de la chancelière allemande Angela Merkel. Bénéficiant d’une popularité élevée en 2005, elle est accusée de mauvaise gestion du budget au sein du Ministère de La Défense et est perçue comme la personnalité la moins compétente du gouvernement fédéral allemand.  Les chefs d’État et de gouvernement réunis au conseil européen la désignent comme présidente de la commission européenne en 2014. Élue à une courte majorité par le Parlement européen en 2019, elle est dépourvue du soutien des délégations françaises, allemandes de l’Alliance progressiste et démocrate et doit son élection aux partis ultra-conservateurs.

Depuis sa prise de fonction en tant que Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen est loin de faire l’unanimité. Dans son premier discours sur l’état de l’UE, la Présidente a déclaré son attachement à un mode de vie européen et mis l’accent sur les valeurs et principes fondamentaux de l’Union Européenne.  Depuis, accusée d’un tropisme anglo-saxon et d’un alignement constant sur les États-Unis,  fragilisée dans son propre camp par des révélations sur sa gestion catastrophique du budget lorsqu’elle était en responsabilité, pointée du doigt à plusieurs reprises pour ses prises de position maladroites et son interventionnisme excessif, elle s’illustre par ses positions radicales en matière de politique étrangère et défend un modèle fédéral d’États-Unis d’Europe qui permettraient de s’accorder rapidement sur la finance, la fiscalité et les politiques économiques. Dans sa quête de légitimité, elle défend un mode de vie européen reposant sur le respect des principes de la démocratie et de l’État de droits, une vision de coopération et d’intégration européenne au sein d’un marché commun.

Giorgia Meloni est la première femme à être nommée Première Ministre et à former un gouvernement de coalition droite ultra-conservatrice avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi. Depuis son élection et son accession aux fonctions de Présidente du Conseil des Ministres italien, la présidente du parti postfasciste Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni bénéficie d’une popularité grandissante (croissance incroyablement rapide de son parti Fratelli d’Italia de 4 à 26 % en quatre ans).

Critique vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine et résolument atlantiques, elle s’oppose vivement à Silvio Berlusconi et sur ses déclarations pro-Poutine. Qualifiée d’euro sceptique, elle défend une vision de l’Europe des Nations permettant de rétablir la souveraineté des États membres dans les domaines économiques, sécuritaires et migratoires.

Des prises de position marquées qui divisent au sein même de son parti, une reprise du dialogue ferme et exigeante avec Emmanuel Macron…Malgré son parcours atypique et sa personnalité clivante, la dirigeante a de quoi faire craindre pour les intérêts de Bruxelles.

Reconnue comme une leader charismatique dans son pays, elle semble avoir gagné la bataille de l’opinion avec son appel à la vigilance contre le modèle fédéral et technocratique de Bruxelles, et rassemblé des appuis pour promouvoir sa vision d’une Europe des Nations souveraines au sein de l’UE.

Au parlement européen, son parti se place aux côtés des Polonais dans le groupe des conservateurs européens. La Présidente a donné son accord à l’élection d’Ursula Von der Leyen à la présidence de la commission européenne et de Roberta Metzola à la tête du Parlement. Défendant une vision d’unité des patriotes en Europe, la Première Ministre Italienne pointe la responsabilité de l’Allemagne dans la crise énergétique de l’UE.

Dans son discours de politique général le 22 octobre 2022, la Présidente du Conseil des Ministres italien a cherché à rassurer ses partenaires européens en rappelant son soutien à l’alliance atlantique et aux sanctions de l’UE contre la Russie. La composition du nouveau gouvernement va dans ce sens avec la nomination de l’ancien président du parlement européen Antonio Tajani aux Affaires Étrangères et Giancarlo Giorgetti à l’Économie.

L'Italie : un symbole de contre encerclement cognitif ?

Après la Suède, l’Italie devient le second pays en moins de deux semaines à porter au pouvoir une coalition de droite au sein de laquelle se dégage une majorité d’extrême droite. Attendue, contrairement au Brexit, la victoire du bloc de droite ultra-conservatrice n’en constitue pas moins un choc pour les européens.

Pour autant, les expériences politiques de ce type sont loin d’être inédites en Europe avec un petit groupe de pays qui compte déjà la Pologne et la Hongrie et interrogent sur la stabilité de l’Union Européenne et sa capacité à défendre son modèle fédéral.

L’Italie en tant que huitième puissance économique mondiale, troisième PIB de la zone euro et membre fondateur de l’Union Européenne figure parmi les premiers contributeurs au budget de l’Union Européenne et au fonctionnement de ses institutions. Malgré son rôle historique dans la construction européenne, l’Italie n’a jamais semblé être un acteur de premier plan à Bruxelles. Pour autant la crise des finances publiques italiennes accélérée au cours de ces dernières années représente un risque systémique pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne.

En effet depuis 2016, l’Italie entretien des relations extrêmement tendues avec la Commission Européenne avec une confrontation permanente sur la question économique et une majorité d’eurosceptiques dans les formations politiques successives. En 2018 face à la crise des réfugiés, le gouvernement de Matteo Renzi a mené un bras de fer avec la Commission sur le budget de relance italien avec la demande d’une prévalence du pacte de sécurité sur pacte de stabilité dans un contexte de déficit public. Ces dispositions contraires aux traités européens ont amené à un éloignement entre l’Italie et la Commission européenne avec la démission et le du représentant italien de l’instance budgétaire.

La bataille des élections italiennes constitue un enjeu déterminant pour l’avenir de la construction de l’Europe.  Tandis que les uns mettent en garde contre le populisme et les autres espèrent une coopération constructive dans un pays historiquement favorable à l’Europe, l’instabilité de la vie politique et l’explosion de la dette italiennes sont de matière à changer les rapports de force au sein de l’Union Européenne avec un renforcement des alliances et l’élaboration d’une véritable politique étrangère.

La forte tension qui s’est manifesté autour de l’issue des élections s’explique par les possibles menaces d’ingérences étrangères visant à déstabiliser la cohésion entre les différents États membres de l’UE.

Au-delà des élections italiennes : deux modèles antagonistes pour l'avenir de l'Europe

Le tournant politique que connaît l’Italie n’est pas du goût de ses voisins européens qui voient dans l’accession au pouvoir de l’extrême droite un danger pour la démocratie. En réalité, si le mouvement est marginal, il marque un renversement de la configuration sur l’échiquier européen en faveur des nationalistes et conservateurs avec de nouveaux jeux d’alliance entre hongrois, polonais, suédois et italiens.

Au lendemain de la crise Covid et de la guerre en Ukraine, l’Europe d’Ursula Von der Leyen est très largement critiquée pour ses choix d’orientation et sa politique économique.

A cela, viennent s’ajouter les conséquences de la politique étrangère avec les procédures de sanction adoptées à l’encontre de la Russie et les tensions intérieures avec certains gouvernements nationalistes notamment en ce qui concerne l’application des traités européens et la définition des principes de l’État de droit. Dans ce cadre, l’Union Européenne ressort affaiblie et cherche à se refaire une santé.

Depuis la victoire de la coalition conservatrice aux législatives et son élection en tant que Présidente du Conseil des Ministres en Italie, l’image de Giorgia Meloni se renforce dans l’opinion tandis que celle de la Von der Leyen s’affaiblit.

En réaction aux propos de Laurence Boone, Secrétaire d’État aux affaires européennes, sur le devoir de vigilance vis-à-vis du respect des valeurs démocratiques et des règles de l’État de droit, Giorgia Meloni a dénoncé une menace inacceptable d’ingérence contre un État souverain membre de l’Union Européenne.

La questions de l'ingérence de l'UE dans les affaires intérieures : les antécédents de la Pologne et de la Hongrie

Dans son discours sur l’état de l’UE, la Présidente Von der Leyen a rappelé l’attachement de la Commission européenne à l’état de droit et contrôle de protéger les fonds disponibles contre toutes les tentatives d’ingérence, les formes de fraudes, de corruption et de conflits d’intérêt.

L’ingérence consiste en « l’immixtion, l’intervention ou l’intrusion d’un État dans la politique intérieure d’un autre État au moyen de mécanismes, de ressources ou d’instruments en capacité de contraindre ou d’influencer la décision des acteurs politiques, économiques, juridiques ».

Le devoir d’ingérence est devenu depuis un principe du droit international et consiste à l’obligation morale pour un État de fournir son assistance ou sa protection en cas de violation des droits d’une personne ou d’une communauté.

Dans certains États membres de l’UE, l’Europe est soumise à des pressions sur l’État de droit dans une phase de relation particulièrement tendue avec la Commission européenne.

  • La commission a déclenché deux procédures d’infraction en raison de problèmes de corruption, un mécanisme budgétaire lui permettant de geler 7,5 milliards d’euros de fonds européens alloués à la Hongrie accusée d’enfreindre les règles du marché intérieur et les droits fondamentaux des citoyens.
  • La commission s’est également prononcée pour la mise en place de sanctions économiques à l’encontre des pays ne respectant pas le système multilatéral, le nouveau pacte migratoire et contribuant à des zones d’exclusion du droit d’asile sur le territoire européen.
  • Au regard de ces bouleversements, un front d’eurosceptiques est en train de se former en Europe avec des positions ultra-conservatrices sur les questions sociales, les politiques sécuritaires et dans la lutte contre l’immigration.

En parallèle au cours des dernières années, la question de l’ingérence est devenue une priorité nouvelle pour l’Union Européenne.

  • Le Parlement Européen a créé une commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans tous les processus démocratiques de l’UE afin d’appeler à la prise de conscience de l’impact de l’influence étrangère dans les principes et intérêts des États membres de l’UE, d’examiner les lacunes des législations européennes existantes pouvant être exploitées par des pays tiers dans différents domaines pour fragiliser la construction européenne.
  • En février 2022, la commission a rendu un rapport sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’UE considérant la menace que représente l’ingérence étrangère pour les valeurs, les processus démocratiques, politiques, électoraux, la sécurité des États et des citoyens ainsi que leur capacité à faire face à des situations exceptionnelles.
  • Ce rapport établit la nécessité d’une stratégie coordonnée de surveillance et de défense pour renforcer la connaissance des intérêts contraires et d’une structure de contre-ingérence pour développer la résilience des institutions face aux tentatives de propagande et de désinformation.

Les instruments de puissance des institutions européennes 

L’histoire a montré par les exemples de la Hongrie et de la Pologne que l’Union Européenne dispose d’instruments puissants pour mettre à l’amende des États récalcitrants aux traités européens et faire appliquer dans le droit national les directives européennes.

Le principe de conditionnalité (article 7 des traités de l’UE) voté en décembre 2020 lors des discussions sur le budget pluriannuel de l’UE pour 2021 -2027 et le Plan de relance Post-Crise Covid, lie pour un État le versement des fonds européens au respect du droit européen.

Le mécanisme adopté sur une base juridique adéquate respecte les limites des compétences attribuées à l’Union et permet de priver de fonds européens un pays où sont constatées des violations de l’État de droit qui sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts financiers de l’UE. Il s’applique aux fonds versés dans le cadre du budget européen et s’applique essentiellement aux conflits d’intérêt, aux marchés publics et aux questions de corruption. 

Ces instruments sont nombreux :

  • Sur le plan politique et institutionnel : la rétrocession de postes dans les institutions de l’Union Européenne à la commission ou au parlement européen ;
  • Sur le plan juridique, l’activation de procédures d’infraction et la mise en place d’une résolution par la Cour de Justice Européenne (CJUE) ou la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ;
  • Sur le plan financier : la mise en place de sanction financière en cas de dérogation aux valeurs et principes fondamentaux de l’État de droit ;
  • Sur le plan économique : la subordination du versement des fonds européens dans le cadre du Plan de Relance à l’application des réformes et à la transposition de directives européennes.

L'exemple de la Hongrie

Depuis plusieurs années, la Commission Européenne a initié plusieurs procédures d’infraction à l’encontre du gouvernement hongrois mais les condamnations semblent avoir peu d’influence sur les positions de son chef d’État, Viktor Orban.

Figure du populisme initiateur d’un modèle de « démocratie illibérale » remettante n cause l’état de droit, Viktor Orban est le Premier Ministre de la Hongrie depuis 2010 et largement réélu pour un quatrième mandat consécutif en avril 2022. Opposé au système de répartition des demandeurs d’asile sur le territoire européen, il refuse d’appliquer la politique migratoire de l’Union Européenne sur le droit d’asile et a mis en place des mesures pour restreindre l’accès au territoire. La dégradation du cadre légal en matière d’asile et de droit d’accueil sur le territoire hongrois occasionne des sanctions pour réaffirmer la protection des valeurs fondamentales.

Un système constitutionnel qui affaiblit les contre-pouvoirs, des conflits d’intérêt et irrégularités importantes dans l’attribution des marchés publics, une atteinte à la liberté des médias, une restriction des libertés d’enseignement… Le rapport du Parlement européen consacré aux atteintes à l’état de droit en Hongrie répertorie plusieurs domaines où il existe un risque de violation par la Hongrie des valeurs de l’Union Européenne.

Dans ce contexte de détérioration des droits fondamentaux, le Parlement européen décide de déclencher la procédure d’infraction et à utiliser tous les outils à disposition notamment le budget de l’UE pour prévenir tout risque de violation des valeurs de la charte des droits fondamentaux de l’UE.

La décision de suspendre le versement des fonds européen a été mis en action pour la première fois par la Commission Européenne le 5 avril 2022. La Commission a attendu le résultat des élections du 03 avril pour déclencher la sanction afin d’éviter toute accusation d’ingérence dans les élections.

L'exemple de la Pologne

Depuis 2005, le gouvernement conservateur de Andrzej Duda (Droit et Justice - PiS) est en conflit frontal avec les institutions européennes. A partir de 20 décembre 2017, la commission européenne a ouvert plusieurs procédures d’infraction contre la Pologne au sujet des réformes de la justice polonaise invalidant la création d’un tribunal juridictionnel et ses arrêts procédant à la démission de juges indépendants.

Le 10 juin 2021, une résolution est adoptée par le Parlement européen consistant à activer des procédures de sanction politique et financière bloquant les fonds européens du plan de relance tant qu’une réforme du système judiciaire n’est pas envisagée. La décision du tribunal constitutionnel polonais du 7 octobre 2021 met en évidence l’intrusion des organes de l’Union Européenne dans son organisation judiciaire ce qui constitue une ingérence au regard des règles régissant l’articulation entre le droit national et européen comme du point de vue de l’équité entre les pays membres.

A l’inverse, la Commission Européenne affirme la primauté du droit européen sur les Constitutions des États membres. Dans cette controverse, le gouvernement de droite nationaliste et conservatrice dominé par le parti Droit et Justice (PiS) réclame la fin de l’ingérence de l’Union Européenne dans ses affaires intérieures et revendique l’indépendance sur les questions de justice qui reste une compétence exclusive des États membres.

Au cours des derniers mois, les relations entre Varsovie et Bruxelles se sont tendues avec une accusation de la Cour de Justice de l’Union Européenne par le vice-Président de la Pologne Jaroslaw Kaczynski (PiS), et le vice premier ministre de la Pologne et le vice-Président du Parlement polonais Ryszard Terlecki, d’interférer dans la vie institutionnelle d’un État de droit par une série d’arrêts et d’agir au-delà des compétences qui lui sont confiées dans les traités. Considéré comme moralement indigne, préjudiciable à la bonne entente entre les peuples européens et contraire au droit de l’UE, le chantage exercé sur la Pologne constitue selon eux une offensive des eurodéputés progressistes contre les États membres qui persistent à refuser un débordement de l’UE sur des domaines de souveraineté nationale, s’appuyant pour cela sur le manque de transparence sur les obligations de transfert, de partage de compétences, de contrôle et de sanctions.

Dans ce cadre, la conditionnalité des financements dans le cadre du plan de relance européen (23 milliards d’euros de subventions et 34 milliards d’euros de prêts) est perçue comme une instrumentalisation politique utilisée afin d’imposer une idéologie dominante au sein des institutions européennes. En effet la Pologne n’a reçu aucun acompte sur sa part de subventions au titre du Plan de Relance européen en raison de réformes internes contraires à l’indépendance de la justice mais elle échappe encore à la suspension des fonds de cohésion européens pour plusieurs raisons : 

. Lourdement affectée par la guerre en Ukraine, la Pologne constitue un élément essentiel pour acheminer l’aide européenne en Ukraine

. Les Polonais soutiennent largement action de l’Union Européenne. Un projet de loi est en cours pour revenir sur la réforme du système judiciaire et la mise en conformité de la constitution polonaise par rapport aux dispositions du droit européen.

. Depuis juin 2022, le parlement polonais a voté le démantèlement de la chambre disciplinaire des juges et s’est confirmée au droit européen en matière d’indépendance de la justice et en rétablissant les juges démis par la chambre disciplinaire. Cette décision du gouvernement Morawiecki (PiS) a amené au déblocage du plan de relance post-covid de la Pologne et à la levée de l’astreinte d’un million d’euros par jour pour avoir ignoré le jugement ordonnant son démantèlement.

Les scénarii pour l'avenir de l'Italie au sein de l'Union européenne

Et maintenant quels sont les différents scénarii qui se dégagent pour le nouveau rôle de l’Italie dans l’avenir de l’Europe ?

1. L’Italie : État frondeur ou possible candidat à la présidence de l’Union européenne

La victoire de la leader du parti postfasciste Fratelli d’Italia aux élections italiennes a suscité des réactions inquiètes à Bruxelles. Le risque d’implosion est peu probable à court-terme étant donné la dépendance de l’Italie au plan de relance européen devrait limiter sa marge de manœuvre sous peine d’aggraver encore la situation économique de l’Italie endettée à hauteur de 150% de son PIB.

Le gouvernement récemment nommé va dans le sens d’un consensus et d’une négociation et montre que Giorgia Meloni travaille à rassurer ses partenaires européens pour rétablir de bonnes relations et construire l’avenir de l’UE. En parallèle, il s’agit pour elle d’une opportunité pour porter, promouvoir et partager sa vision d’une Europe des Nations.

2. La victoire des nationalistes et des conservateurs : un rassemblement des États autour de la souveraineté et du patriotisme économique

Sachant que la Hongrie et la Pologne ont démontré une certaine expertise dans l’exercice de leur pouvoir de nuisance, l’élargissement de l’Union Européenne va rendre la gouvernance plus complexe. La Présidente de la Commission européenne a donc proposé se réformer l’UE par une modification des traités afin de garantir la primauté du droit européen sur les constitutions des États membres, continuer à protéger le budget européen à travers un mécanisme de conditionnalité

Face à cette situation, les membres des partis nationalistes et conservateurs au sein du Conseil Européen et du Parlement Européen (députés eurosceptiques) et s’organisent en un réseau de plus en plus important pour défendre une autre alternative d’Europe des Nations souveraines face au modèle fédéral des États Unis d’Europe. Ils disposent pour cela de l’appui de dirigeants parmi les États membres de l’UE (Pologne, Italie, Hongrie) et du soutien de formations eurosceptiques encore minoritaires au Parlement Européen. 

3. La défaite des libéraux : un renversement des alliances au profit des grandes puissances étrangères

Pour autant la commission européenne prévient par la voix de sa présidente, anticipe l’avenir et délimite une ligne de démarcation à ne pas franchir pour le nouveau gouvernement italien. Entre Von der Leyen, personnalité controversée, Meloni dont l’influence grandit, et dans un contexte de crise propice aux tentatives d’ingérence, il est fort à parier que le jeu des alliances et le renversement des forces ne font que commencer dans la vie politique et institutionnelle de l’Union Européenne.

Dans tous les cas, une perte de cohésion de l’Union Européenne se fera au bénéfice des intérêts des États-Unis, de la Russie et de la Chine sur le continent européen (via l’affaiblissement du poids économique des pays européens, ou via la fragilisation sur le plan de La Défense et de la sécurité nationale au sein de l’alliance atlantique)

 

Edouard Mayran (MSIE 40)

 

Sources bibliographiques :

Contexte

Forum Actualité. Élection Italie : Von der Leyen ingérence politique anti-démocratique. Lien

France Info. Élections italiennes : l’UE peut travailler avec n’importe quelle démocratie mais dispose d’outils. Lien

L’Express. En Italie, la crainte d’une ingérence russe en vue des prochaines élections. Lien

Localtis. Ursula von der Leyen invite l’UE à façonner un nouveau monde. Lien

Jeu des acteurs

Atlantico. Démocratie sous tutelle ? Quand l’Europe se mêle dangereusement des élections en Italie. Lien

France Info. Élections législatives : si les Italiens élisent Giorgia Meloni, Ursula von der Leyen devra respecter ce vote sans menace. Lien

20 Minutes. Matteo Salvini exige des excuses ou la démission d’Ursula von der Leyen. Lien

Le Figaro. Ursula von der Leyen est-elle ingérée dans les élections générales italiennes ? Lien

Le Télégramme. Macron, Kremlin, Bruxelles…Les réactions suite à la victoire de l’extrême droite en Italie. Lien

Territoire d’affrontement

La Tribune. Conflit ouvert entre l’Italie et Bruxelles. Lien

Classe Internationale. La politique étrangère italienne : européenne, atlantiste et méditerranéenne. Lien

Public Sénat. Suède, Italie, le rapprochement droite-extrême droite, un mouvement de fond à l’échelle de l’Europe. Lien

France 24. Victoire de Giorgia Meloni en Italie : une nouvelle claque pour l’UE. Lien

Ingérence étrangère et ingérence européenne

Ouest France. Entretien. Face à l’ingérence russe, Raphaël Glucksmann appelle à une révolution culturelle. Lien

Vie Publique. UE : quelle stratégie contre les ingérences étrangères. Lien

Parlement Européen. L’UE doit mieux lutter contre l’ingérence étrangère et la désinformation. Lien

Parlement européen. Rapport sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques de l’Union Européenne, y compris la désinformation. Lien

La Tribune. Fonds d’aides européen : Hongrie et Pologne sous la pression d’une opinion europhile. Lien

BFM Business. La Hongrie et la Pologne devront bien respecter l’État de droit pour recevoir des fonds européens. Lien

Le Point. Union Européenne : pas d’État de droit, pas de fonds. Lien

GDR. Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union Européenne et les valeurs de l’État de droit. Lien

Les Echos. Hongrie : une longue liste d’atteintes à l’état de droit. Lien

Public Senat. Tensions entre l’UE et la Pologne : un bras de fer jusqu’au Polexit. Lien

Actu-Juridique. L’affaire polonaise met à nu les ingérences de l’Union Européenne dans les souverainetés nationales. Lien

Fondation Robert Schuman. L’Etat de droit en Pologne ou la fausse querelle de la primauté du droit européen. Lien

L’Echo. L’Europe débloque le plan de relance de la Pologne à 35 milliards d’euros. Lien

Toute l’Europe. État de droit : chronologie du conflit entre l’Union Européenne, la Pologne et la Hongrie. Lien

Le Monde. État de droit : l’UE sous pression pour frapper la Hongrie et la Pologne au portefeuille. Lien