Le lobbying européen dans le secteur pharmaceutique

Le lobbying désigne l'ensemble des activités visant à influencer les décisions des institutions publiques en faveur d'intérêts particuliers, souvent exercées par des groupes d'intérêt, des entreprises ou des organisations. Le lobbying est très présent en Europe, où divers secteurs tels que la pharmaceutique, la technologie, l'agroalimentaire et d'autres exercent des pressions pour influencer les politiques et réglementations au niveau national et européen. 

Le lien entre le secteur pharmaceutique et le lobbying européen

Même s'il a tendance à se montrer plus discret qu'aux États-Unis, le lien entre le secteur pharmaceutique et le lobbying européen est profondément enraciné et s'étend à divers niveaux. 

Tout d'abord, les dépenses considérables en lobbying, dépassant les 200 millions d'euros en 2022, révèlent l'ampleur des investissements des groupes pharmaceutiques pour influencer les décisions des institutions européennes. Un exemple marquant est la Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques (EFPIA), qui a alloué 11,5 millions d'euros à des activités de lobbying cette même année. 

De plus, les acteurs de l'industrie pharmaceutique bénéficient d'un accès privilégié aux décideurs politiques, organisant des rencontres et des événements pour présenter leurs positions. En 2022, l'EFPIA a tenu plus de 100 réunions avec des membres du Parlement européen. 

Ces groupes financent également des études et des recherches, influençant ainsi les politiques publiques. Par exemple, le groupe Sanofi a soutenu une étude sur les médicaments génériques pour contester la réforme du système de brevet européen. 

Les lobbyistes exercent également une influence visible sur les réglementations, pouvant retarder ou bloquer des réformes défavorables aux intérêts pharmaceutiques, telles que l'instauration d'un système de prix de référence pour les médicaments en Europe. 

Ces pratiques ont pu avoir des implications directes sur la santé publique, retardant l'accès à des médicaments abordables, favorisant la prescription de médicaments potentiellement dangereux ou encore contribuant à l'augmentation des prix des médicaments contre le cancer en Europe. 

Bien que des critiques émergent et que des initiatives visant à accroître la transparence aient été lancées, telles que le registre des lobbyistes de la Commission européenne et la commission d'enquête du Parlement européen, le lobbying pharmaceutique demeure une composante majeure de l'économie avec laquelle il faut compter. 

L'origine du lobbying pharmaceutique en Europe

Héritage des « guildes » de la Renaissance, qui permettaient aux acteurs de chaque corps de métier de mettre leurs intérêts en commun face aux fluctuations des pouvoirs et aux aléas de l'histoire, le lobbying pharmaceutique en Europe trouve ses racines au début du XXe siècle. À cette période l'industrie pharmaceutique, en pleine expansion, cherchait à influencer les politiques publiques pour protéger ses intérêts. Initiées par des associations nationales, ces pratiques ont évolué avec l'adhésion d'organisations internationales, telles que la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (FIIP) en 1938. 

Après la Seconde Guerre mondiale, le lobbyisme pharmaceutique s'est intensifié avec la création de la Communauté économique européenne (CEE), offrant aux groupes pharmaceutiques un nouveau marché à Bruxelles. Plusieurs facteurs ont alimenté cette croissance, dont l'augmentation des dépenses de santé, qui a rendu le marché pharmaceutique plus attractif, le long processus de développement de nouveaux médicaments nécessitant une protection des investissements, et la mondialisation qui a intensifié la concurrence. 

Aujourd'hui, le lobbying pharmaceutique demeure en plein essor en Europe, et les groupes pharmaceutiques investissent des millions d'euros chaque année pour influencer les décisions des institutions européennes. Cette influence, bien que mal vue du public, n'en est pas moins légale. 

Dernières actions menées par le lobbying européen dans le secteur pharmaceutique

Récemment, les lobbies pharmaceutiques européens ont été actifs et ont mené diverses actions visant à protéger leurs intérêts et à influencer les politiques publiques. 

En 2023, la Commission européenne a proposé une taxe sur les superprofits, incluant les grandes entreprises pharmaceutiques, suscitant une forte opposition du lobby pharmaceutique, notamment de l'EFPIA. Celle-ci a qualifié la proposition de taxe punitive menaçant la santé publique. 

Parallèlement, les groupes pharmaceutiques militent en faveur de l'extension de la durée des brevets sur les médicaments, affirmant que cela stimulerait l'innovation. Sanofi avance que cela générerait 10 milliards d'euros supplémentaires d'investissements en recherche et développement. 

De plus, le lobby pharmaceutique s'oppose régulièrement à la transparence des prix des médicaments, en invoquant la protection de la propriété intellectuelle, comme illustré par l'action en justice de Novartis contre le gouvernement français. 

Ces groupes cherchent également à influencer les politiques de santé publique, finançant des études et des organisations de patients, à l'instar de Pfizer qui a soutenu une campagne de sensibilisation au cancer du sein mettant en avant son médicament. 

Enfin, les lobbyistes pharmaceutiques collaborent étroitement avec les institutions européennes, en participant à des consultations publiques et signant des accords de collaboration, comme celui de l'EFPIA avec la Commission européenne pour promouvoir la recherche et l'innovation dans le domaine des médicaments. Ces actions témoignent de l'influence significative du lobby pharmaceutique dans la formulation des politiques de santé en Europe. 

Autres domaine d'influence du lobbying européen

Le lobbying pharmaceutique est celui qui fait le plus parler de lui. Cependant, il en existe d'autres. C'est une conséquence naturelle d'un système démocratique et capitaliste, qui illustre la lutte constante pour trouver un équilibre entre les intérêts privés et publics. Sujet phare du master RIE, le lobbyisme s'étend à de nombreux domaines : 

  • Agroalimentaire;

  • Tech ; 

  • Energie;

  • Finances ; 

  • Automobile;

  • Tabac et alcool ; 

  • Chimie ; 

  • Défense ; 

  • Transports aériens... 

Agroalimentaire

Outre le secteur pharmaceutique, les acteurs du secteur agroalimentaire exercent une pression considérable pour influencer les politiques agricoles, les réglementations alimentaires et les normes de sécurité sanitaire. Un exemple concret de cette influence est l'action de l'association européenne des fabricants de biscuits et de confiseries (CAOBISCO), qui a activement fait pression contre l'introduction d'une taxe sur les sucres ajoutés. 

Cette initiative témoigne de la volonté des industries agroalimentaires de protéger leurs intérêts économiques en s'opposant à des mesures perçues comme potentiellement préjudiciables à leurs activités. Le lobbying dans le domaine agroalimentaire s'inscrit dans une dynamique complexe où les acteurs cherchent à façonner les politiques publiques en leur faveur, souvent en mettant en avant des arguments liés à l'innovation, à la compétitivité ou à la préservation de la libre entreprise. 

Tech et énergie

Dans le domaine de la technologie, le lobbying est intensif en Europe, avec les entreprises technologiques cherchant activement à influencer les réglementations liées au numérique, à la protection des données et à la propriété intellectuelle. 

Un exemple illustrant cette pratique est l'action de Google, qui a fait pression contre la proposition de règlement européen sur les services numériques (DSA). 

Parallèlement, le secteur de l'énergie est également un terrain important de lobbying. Les entreprises énergétiques cherchent en effet à influencer les politiques énergétiques, les subventions aux énergies renouvelables et la tarification du carbone. Un exemple notoire est celui d'ExxonMobil, qui a exercé des pressions contre l'objectif de neutralité carbone de l'Union européenne. 

Finance

Dans le domaine financier, le lobbying est une pratique courante visant à influencer les réglementations bancaires, les marchés financiers et la fiscalité en Europe. Les institutions financières sont activement engagées dans ces efforts pour protéger leurs intérêts économiques. Un exemple concret de cette influence est l'action de JPMorgan Chase, qui a exercé des pressions contre la directive européenne sur les marchés d'instruments financiers (MiFID II). 

Cette directive visait à réglementer et à renforcer la transparence des marchés financiers en Europe. Les lobbies financiers cherchent à modeler les politiques pour répondre à leurs préoccupations spécifiques, tout en soulignant la nécessité de maintenir un équilibre entre la stabilité financière, la protection des investisseurs et la croissance économique. 

Automobile

Dans le secteur automobile, le lobbying est une pratique prépondérante visant à influencer les réglementations sur les émissions polluantes, les normes de sécurité et les subventions aux véhicules électriques en Europe. Les constructeurs automobiles déploient des efforts significatifs pour protéger leurs intérêts et s'adapter aux évolutions du marché. Un exemple concret de cette démarche est l'action de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), qui a fait pression contre l'interdiction des véhicules thermiques neufs à partir de 2035. Ces initiatives de lobbying dans le secteur automobile soulignent les enjeux liés à la transition vers des véhicules plus respectueux de l'environnement, tout en illustrant la nécessité de trouver un équilibre entre les intérêts économiques des constructeurs, les impératifs environnementaux et les objectifs de durabilité. 

Tabac et alcool

Dans les secteurs du tabac et de l'alcool, le lobbying est une pratique bien établie visant à influencer les réglementations sur la publicité, la vente et la taxation de ces produits en Europe. L'industrie du tabac déploie des efforts constants pour protéger ses intérêts économiques, comme illustré par l'action de Philip Morris International, qui a fait pression contre l'interdiction des cigarettes mentholées. De manière similaire, l'industrie de l'alcool s'engage également dans le lobbying, cherchant à influencer les réglementations liées à la publicité, à la vente et à la taxation des boissons alcoolisées. Un exemple marquant est celui de Pernod-Ricard, qui a exercé des pressions contre l'interdiction de la publicité pour l'alcool sur les réseaux sociaux. 

Défense, chimie, transports aériens

Dans le domaine de la défense, les entreprises du secteur font du lobbying pour influencer les budgets militaires, les marchés d'armement et la politique étrangère, comme illustré par l'action de Thales, qui a fait pression en faveur de l'augmentation des dépenses militaires de l'Union européenne. 

De même, dans l'industrie chimique, le lobbying vise à influencer les réglementations sur les substances chimiques, les pesticides et les OGM, avec des exemples tels que BASF faisant front contre l'interdiction du glyphosate. 

Enfin, dans le secteur du transport aérien, les compagnies aériennes exercent des pressions pour influencer les réglementations sur les émissions polluantes, les subventions et les droits d'atterrissage, comme en témoigne l'action de Ryanair contre l'augmentation des taxes sur le kérosène.