Le regard des proches du renseignement roumain sur l’intelligence économique à la française

Dans son numéro 26 paru en 2021, la « Romanian Intelligence Studies Review » a publié un long article (p36 à 55), intitulé « Analysis of France’s National Economic Intelligence System architecture », sous la signature de Gabriel-Traian Ungureanu qui est doctorant à l’Académie nationale du renseignement roumain. Cette revue est rattachée au National Institute of Intelligence Studies (INSI) au sein de ladite Académie. Leur approche de recherche s’inscrit dans une dynamique interdisciplinaire : renseignement de sécurité, les sciences politiques, la communication et les relations publiques, l’anthropologie culturelle, la sociologie, la psychologie, la gestion, les relations internationales et l’histoire.

Cet Institut a été fondé en 2010. C’est la seule structure de recherche scientifique en Roumanie réalisant des études liées au monde du renseignement et de la sécurité et dont un des objectifs est de formaliser des projets de recherche scientifique par des partenariats internationaux ». A titre d’exemple, un accord de partenariat a été noué entre la « National Intelligence Academy » (MVNIA) de Roumanie, l’Université espagnole « Rey Juan Carlos » (URJC), Kentro Meleton Asfaleias (KEMEA), et le « Center For Security Studies » de Grèce, ainsi que le ministère roumain des affaires intérieures par le bias de la « Directorate for Information and Public Relations » (MAI-DIRP).

Le cheminement contemporain du renseignement roumain

Il est utile de rappeler que l’histoire du renseignement roumain est l’héritage d’un processus historique. Durant la seconde guerre mondiale, la Roumanie était alliée de l’Allemagne nazie et a donc été fortement influencée par l’appareil de renseignement militaire allemand ainsi que par les représentants de l’Office central de la sûreté du Reich (Reichssicherheitshauptamt, RSHA). Après la seconde guerre mondiale, l’URSS reformate les services roumains à travers la matrice des SR des Pays de l’Est, supervisée par les organes de renseignement soviétiques. Les SR roumains ont été très actifs en France notamment. Les chefs de poste du SDECE (ancêtre de la DGSE) à Bucarest ont été très malmenés par le contre-espionnage roumain au point que la situation était devenue quasiment intenable et qu’il leur était impossible de mener correctement leur mission sur place.

En 1989, le régime de Ceausescu s’effondre. Et le nouveau pouvoir roumain se rapproche progressivement du monde occidental et de l’OTAN. La culture roumaine du renseignement se reconstruit sur les bases de ce triple héritage.

L'approche académique actuelle

L’article de Gabriel-Traian Ungureanu est le fruit d’une analyse intéressante mais « en surface » du système français d’intelligence économique. Il est très complet sur ce point. Mais il souffre des limites de l’exercice académique dans la mesure où les sources sont directement liées aux canaux officiels et à leur manière de présenter l’existant.

C’est la limite de l’exercice du chercheur universitaire. La réalisation d’une grille de lecture sur ce type de problématique implique une autre approche plus fouillée qui dépasse le cadre de la littérature officielle. Le CR 451 travaille sur l’élaboration d’une telle grille de lecture à propos de la notion de guerre économique. Cette dernirère a été perçue par le pouvoir politique français de manière discontinue, notamment avec des phases de construction et de déconstruction de système de renseignement. Un documentaire vidéo sortira en 2022 sur ce sujet sur le futur site du CR 451.

Christian Harbulot