Episode 8 du dossier sur le déclin de la Grande Bretagne réalisé par la SIE28 de l’Ecole de Guerre Economique. Cette étude se concentre donc sur les mouvements migratoires de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Nous analyserons également l'évolution de la composition ethnique du pays.
Le Royaume-Uni est un État multinational historiquement multiculturel, un modèle à l’épreuve de l’immigration. Historiquement, le rapport de la société britannique à la notion de multiculturalisme est ancré dans la manière dont le royaume s’est construit.
La tendance historique au multiculturalisme est associée au détachement des élites britanniques, explique la gestion des populations immigrées tout au long de l'histoire du pays, depuis les autochtones des colonies britanniques jusqu'aux migrations contemporaines.
Ce multiculturalisme issu de l’histoire britannique ancienne et de la politique coloniale a favorisé l'émergence de quartiers et d’enclaves ethniques où les lois et normes britanniques sont supplantées par des pratiques communautaires. L’Etat permet notamment avec l’Arbitration Act de 1996, à des organismes religieux ou communautaires d'agir comme arbitres dans des litiges civils. Cela donne lieu à l’existence des Sharia Courts (tribunaux chariatiques) dans mosquées du pays afin de régler des litiges au sein des communautés musulmanes en lieux et place des tribunaux de la couronne.[i]
Ainsi, l’histoire du Royaume-Uni révèle une singularité dans la gestion de ses identités internes et externes. Contrairement à des États qui ont cherché à homogénéiser leur population par des politiques assimilationnistes, la Grande-Bretagne a construit son unité sur la reconnaissance implicite des différences culturelles, ethniques, et religieuses. Ce modèle, fonctionnel entre les populations britanniques se heurte aujourd’hui à une immigration massive en provenance des anciennes colonies, entraînant des tensions croissantes intercommunautaires et avec la population britannique autochtone. Les scandales dits des « grooming gangs » (réseaux d'exploitation sexuelle de plusieurs milliers de jeunes filles issues de milieux particulièrement modeste) impliquant des hommes issus de communautés pakistanaises[ii] sont un révélateur de ce risque de dislocation de la société britannique.
Ainsi se profile une dérive potentielle du système qui peut affecter à terme les fondements mêmes du Royuame Uni.
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Notes
[i] LATOUR Vincent « La communauté musulmane, une émergence tardive mais une installation durable dans le paysage politique et institutionnel britannique » (2010), Hérodote, n°137, La Découverte - 2e trimestre 2010.
[ii]. Pendant des décennies, dans des villes du Royaume-Uni (Rotherham, Rochdale, Oldham, Telford, Oxford, Manchester, Bristol), des bandes d'hommes d'origine pakistanaise pour la plupart ont agressé des jeunes filles blanches pauvres et issues de la classe ouvrière en les soumettant à des violences physiques et sexuelles. Dans un premier temps, les autorités locales ont hésité à enquêter sur ces gangs, craignant d'attiser l'« islamophobie ». Au bout de quelques années d’inertie, un certain nombre de coupables ont fini par être jugés et condamnés pour leurs crimes.