Les Ouïghours au coeur d’une guerre géopolitique et informationnelle entre la Chine et les Etats-Unis

La vaste majorité de la population chinoise[i], 70 %, est athée. Avec cette minorité, l’islam des Ouïgours est devenu plus fondamentaliste avec les années. Des groupes islamistes indépendantistes ouïgours sont également responsables de divers attentats terroristes à travers la Chine. Enfin, la criminalité ouïgoure représente un des acteurs clés du trafic de drogue en Chine. Les Ouigours sont une ethnie turcophone et musulmane réside principalement dans la région autonome de Xinjiang. Par deux fois, en 1933 et en 1944, ils ont tenté de devenir un pays indépendant. Précisions que le Xinjiang (littéralement « nouvelle frontière » en chinois) n’a été incorporé que tardivement à l’Empire chinois en 1884.

Ce peuple jadis, puissant dans l’art de la déstabilisation[ii], subit aujourd’hui régulièrement des répressions de la part des autorités de Pékin. En 2018, lors des discours internes prononcés, le dirigeant du Xinjiang, Chen Quanguo, et le ministre de la Sécurité publique chinoise, Zhao Kezhi, se félicitaient des premiers résultats de la répression contre la minorité musulmane ouïgoure. Comme le rappelle la revue Hérodote, «Être ouïghour aujourd'hui, c'est vivre dans une région en état de siège : les déplacements sont minutieusement suivis, les contrôles policiers s'enchaînent, les stations-services sont enfermées derrière des barbelés. Partout, les caméras surveillent... ». 

La stigmatisation chinoise contre la menace indépendantiste ouïgoure

Certains faits spectaculaires en attestent comme l’incendie d’un immeuble dans la nuit du 24 novembre à Urumqi, la capitale de la région ouïgoure. Comme le relève le quotidien Le Monde : « Un quartier ouïgour barricadé, des portes verrouillées, un bâtiment principalement occupé par des Ouïgours, littéralement hors de portée des secours qui sont entravés dans leur intervention, pour cause de confinement strict ». Le bilan de cet incendie s’éleva à 44 morts ainsi que nombreux blessés.  Urumqi est la capitale d’un territoire « autonome » peuplé majoritairement d’Ouïgours que le régime de Pékin persécute depuis son invasion en 1949 avec une logique coloniale de sinisation forcée de la population.

Le peuple ouigour subit d’autres formes de répression comme le rapatriement forcé des expatriés ouighours majoritairement installés en Turquie. Un rapport publié mardi 18 janvier par L’ONG Safeguard Defenders, détaille le vaste programme de "retours involontaires"[iii] mis en place par les autorités chinoises pour traquer tous ceux qu'elles accusent de "crimes financiers" ou de "corruption" et majoritairement ouighours. Selon l’ONG Human Rights Watch, les autorités chinoises utilisent également une application mobile pour surveiller le comportement des gens, comme la quantité d'électricité qu'ils consomment et la fréquence à laquelle ils utilisent leur porte d'entrée. Dans la vie courante, beaucoup de citoyens ouïgours semblent avoir été ciblés pour leur utilisation du téléphone portable, pour avoir écouté des conférences illégales ou ne pas avoir assez utilisé leur téléphone, ce qui est considéré comme un signe que l'utilisateur essaie d'échapper à la surveillance numérique. La ville de Xinjiang est désormais couverte par un réseau de surveillance omniprésent, comprenant la police, des points de contrôle et des caméras qui scannent tout, des plaques d'immatriculation aux visages individuels.

Un décret du Président Xi Jinping publié depuis 2017, stipulait que toutes les religions en Chine devaient être d'orientation chinoise. D’aucuns considèrent qu’il s’agit là d’une tentative d'éradication de la culture ouïghoure.

L'interface de la géostratégie américaine

Juste après la fin de la guerre froide, les États-Unis et le Royaume-Uni ont commencé à utiliser le Xinjiang comme un levier pour contenir la Chine, en soutenant les forces séparatistes. Juste après la fin de la guerre froide, les États-Unis et le Royaume-Uni ont commencé à utiliser le Xinjiang comme un levier pour contenir la Chine, en soutenant les forces séparatistes. Au fil des années, ont surgi successivement des institutions antichinoises et des organisations extrémistes à la recherche d`un État du « Turkestan oriental » ou de « l`indépendance » du Xinjiang, notamment le « Congrès mondial ouïghour » et le « gouvernement en exil du Turkestan oriental ».

La CIA a suggéré en 2003 que si les États-Unis se trouvaient dans une crise ou une confrontation avec la Chine à l`avenir, l`option d`utiliser la « carte ouïghoure » comme moyen d`exercer une pression ne devrait pas être écartée.

Selon des publications proches du régime chinois les États-Unis, le Royaume-Uni et leurs alliés ont ordonné à leurs services de renseignement et à des universitaires qui ont une posture critique à l’égard de la Chine de se rapprocher des organisations de la diaspora ouïghoure pour mettre l’accent sur l’oppression des musulmans ouïghours au Xinjiang, qui a été diffusée par les grands médias occidentaux.

Officiellement, aujourd’hui les Etats-Unis passent à l'action dans le dossier très sensible des Ouïghours en Chine. Les produits fabriqués en tout ou en partie dans cette province chinoise ne pourront plus entrer sur le marché américain, à moins que les entreprises ne soient en mesure d'apporter la preuve qu'ils n'ont pas été fabriqués avec du travail forcé.

                                                                       T. Paul Luc Uriel Cakpo

Auditeur de la 41ème promotion MSIE de l’EGE

[i] La Chine compte officiellement 55 minorités. Parmi ces minorités, 10 sont musulmanes. Les musulmans sont installés en Chine depuis très longtemps. Dès le 7e siècle, les marchands musulmans assuraient une bonne partie du commerce entre la Chine et l’Europe. De nos jours, les musulmans chinois sont surtout des Hui (10 millions), des Ouïgours (8 millions), et des Kazakhs (1,3 million).

 

[ii] Peuples nomades, comme de nombreux peuples turcs, ils prennent racine entre la Selenga (actuelle Mongolie) et le lac Baïkal (actuelle Bouriatie, en fédération de Russie). Ils furent les alliés des Chinois contre les Göktürks occidentaux en 657, puis contre l'Empire tibétain, et enfin, contre la courte dynastie dynastie Yate (756 – 763). Les Ouïghours ont collaboré au XVIIIe siècle avec l'armée de la dynastie Qing au génocide des Mongols dzoungars (des Oïrats, ou Kalmouks), dont le khanat contrôlait une grande partie de l'actuel Xinjiang.

Ce peuple a été à l’origine de beaucoup de déstabilisation et d’alliance politique. A titre d’exemple, le khan mongol de l'Ilkhanat de Perse, Arghoun, a envoyé en 1289 le moine ouïghour nestorien Rabban Bar Sauma en ambassade auprès du roi de France Philippe IV le Bel et du roi d'Angleterre Édouard Ier, pour leur proposer une attaque conjointe contre les Mamelouks.

 

[iii] Cette demande de rapatriement avait fait couler beaucoup d’encre en Turquie, mais aujourd’hui semble avoir une issue diplomatique et plus en faveur de la Chine à cause des relations bilatérales enrichit par la Chine envers la Turquie.