Les sociétés françaises face aux prédateurs étrangers et européens

L’hexagone est devenu l’un des pays d’accueil les plus attractif au monde et est actuellement classé à la 3ème place dans l’accueil d’investissements étrangers. Malgré cette dynamique (+47% jusqu’en 2018), certaines sociétés restent sous valorisées en bourse comme Airbus, EDF tandis que d’autres se fragilisent. En cette période de crise, ces entreprises sont vulnérables et leurs technologies pourraient être rachetées à bas prix par des compétiteurs étrangers. Ces sociétés ont de plus besoin de capitaux, ce qui les rend plus sensibles à des offres de rachats partiels. L’heure est au patriotisme économique et à une méfiance accrue vis-à-vis des étrangers, en particulier la Chine et la Corée qui interdisent tout investissement étranger stratégique chez eux malgré une demande de réciprocité.

Les objectifs des investisseurs étrangers

Il est primordial de faire la différence entre les Investissements Directs Etrangers (IDE), les simples placements financiers (achat d’action dans une société) et le rachat de fournisseurs stratégiques de grandes entreprises françaises par des sociétés étrangères. Les IDE peuvent contribuer à la croissance de l’économie française et européenne sur une longue durée en renforçant sa compétitivité, en générant de l’emploi et des économies d’échelles, en attirant des capitaux étrangers mais aussi en développant technologie, innovation et perspectives.

Les principaux placements financiers sont réalisés par des entreprises étrangères (américaines, canadiennes, suisses, japonaises, australiennes …) contrôlant la majorité des investissements étrangers dans l’Union Européenne (80% en 2017). Depuis, des économies émergentes (Chine, Hong-Kong, Macao), par le biais d’entreprises publiques ont acquis 68% des parts des investissements étrangers dans les entreprises stratégiques françaises et européennes, sans compter les prises de participation dans d’autres sociétés sensibles.

La faille de la sous-valorisation boursière

Les sociétés françaises sont sous-valorisées en Bourse par rapport aux sociétés américaines et autres sociétés étrangères, ce qui amène à des aberrations. En effet, nous pouvons citer l’exemple de la société Couche-tard (Québécoise) qui, malgré sa petite structure, est désireuse de racheter Carrefour grâce à une valorisation boursière plus importante et davantage de liquidité. Pour essayer de contrer ce type d’opération dite sensible dû au fait que cela concerne l’approvisionnement alimentaire des Français, le gouvernement réfléchit à la création de fonds de pensions à l’Anglo-saxonne qui permettrait de recapitaliser les sociétés. Néanmoins, les Français sont peu enclins à mettre leur économie dans l’industrie et lui préfère l’immobilier. Ainsi, l’État a décidé d’y apposer son veto pour la deuxième fois de son histoire (Premier cas avec la Société « Photonis France »).

Une attention particulière doit être accordée au rachat des PME françaises à forte valeur ajoutée (fournisseurs majoritaires de grandes entreprises stratégiques françaises semi-privées, semi publiques) par des sociétés étrangères. Les TPE / PME françaises constituent 99,9% du tissu économique français, représentent 49% de la masse salariale globale et créent de la valeur ajoutée au pays. Cependant, elles ne sont pas assez importantes pour intéresser l’État Français pour bénéficier d’une protection privilégiée.

Le risque récurrent de la délocalisation

La France est le pays qui a le plus délocalisé en Europe. Ce bilan très négatif a été évoqué lors du colloque organisé par le collectif Reconstruire qui s'est tenu à Belfort le 20 octobre 2021. A cette délocalisation qui se révèle être une faiblesse du système industriel français par rapport aux systèmes allemand, italien ou suisse, s'ajoute une autre forme de menace. En effet, ce qui parait le plus préoccupant aujourd'hui est l’incitation, par des pays voisins européens, à délocaliser les sites de production ainsi que les bureaux d’étude R&D de certaines entreprises stratégiques européennes. Nos voisins allemands l’ont bien compris en investissant davantage dans certaines entreprises européennes (Ex : Ariane Groupe) moyennant en contrepartie le transfert de certaines productions réalisées sur le sol français en Allemagne. C’est le cas du propulseur d’Ariane 6 réalisé sur le site de Vernon France transféré en Allemagne avec pour conséquence la fermeture du site et la perte du savoir-faire français)

La mise en place de procédures d’alerte et de contrôle

Il est nécessaire d’identifier clairement et parfaitement l’investisseur final, qui pourrait être un État concurrent. Le Ministre de l’Économie, Monsieur Bruno Le Maire, a décidé que « les investisseurs étrangers seraient contrôlés dès qu’ils voudront acquérir 10% et plus d’une entreprise française au lieu de 25% avant la crise du COVD 19 ». Cela permettra de renforcer l’arsenal de l’État en matière de surveillance des investissements étrangers. Deux millions de Français travaillent dans des ETI ou grands groupes étrangers installés sur le territoire national, soit près de 10% de l’emploi du secteur privé. Le Bureau « Multicom 4 » de Bercy est chargé d’examiner les projets éventuels d’achats d’entreprises françaises par des étrangers afin de prévenir et protéger ces entreprises stratégiques et sensibles.

La Commission Européenne incite les Etats membres à défendre leur sécurité et leur souveraineté économique. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont déjà adopté des mesures de protection de leurs entreprises. Le très libéral Royaume-Uni prépare lui aussi un projet de loi. Au niveau de la Commission Européenne, il existe un service qui contrôle les transactions des investissements hors Union. Des alertes sont régulièrement émises dès qu’une société étrangère s’intéresse à une société stratégique européenne.

 

Maëlle Calmard
Auditrice de la 37ème promotion MSIE