L'industrie de sécurité civile entre influence et compétition internationale

Depuis plus de 10 ans, les constructeurs français de véhicules de sapeurs-pompiers sont frappés par une succession de plans de sauvegarde et de placements en redressement judiciaire. Ces PME, présentes sur le marché international, font l’objet d'attaque informationnelle pouvant mettre en péril la survie de ces entreprises.  Prise de capital, licenciement des personnes clés après un rachat d’actionnaire, influence sur le corpus normatif, communication d’influence sur ses clients, manipulation des connaissances institutionnelles, l’univers noble des sapeurs-pompiers n'échappe pas à la guerre de l’information par le contenu. 

Il est urgent de réagir, surtout que ce marché sera porteur à l’avenir. Selon les projections de l'ONU, la population mondiale devrait atteindre les 8,5 milliards d'individus en 2030 et 9,7 milliards en 2050. Cette croissance aura lieu hors de l’Union Européenne et plus de la moitié sera en Afrique (1). L'accroissement de la population aura des conséquences dans le développement de l'urbanisation. La nature des missions de sécurité civile (protection civile terme européen) qui comportent la prévention, la protection et la sauvegarde des populations exerce un soft power naturel pouvant servir de levier d’influence dans la conquête de marché à l’international et dans les relations diplomatiques entre les nations. Certaines puissances, comme la Chine, l’ont bien compris.  

Le développement des pays et l’accroissement du besoin de sécurité des populations constituent des opportunités pour la filière industrielle “incendie-secours”. Les besoins en matière de sécurité civile augmenteront au rythme de l'évolution démographique. Le volume de population soumis à un risque naturel, technologique et domestique devrait fortement augmenter dans les prochaines années. Les PME de la filière industrielle “incendie et secours” française, comme d’autres secteurs d’activité, n’arrivent pas à s’imposer comme leader sur le marché international. La culture d’intelligence économique devrait être renforcée au sein de la sécurité civile.

Le cas d'école des constructeurs de véhicules de lutte contre l’incendie en France 

 La sécurité civile française, fort de son savoir-faire, permet de projeter des hommes, de former des cadres étrangers aux doctrines françaises et devrait permettre de renforcer la compétitivité des entreprises du secteur. Le prisme économique que compose la filière industrielle fait partie intégrante du continuum de sécurité civile. 

CAMIVA 

Fondée en 1970, l'association des Constructeurs Associés de Matériels d'Incendie, Voirie et Aviation (CAMIVA) s’est construite autour d’alliance et de reprise d’activité. Tout d’abord, elle reprend les activités de la société Guinard Incendie fondée en 1901 et regroupe en 1971 les activités voirie-incendie de Berliet (fondé en 1901 et racheté par Citroën en 1967) et de Guinard Incendie à Saint-Alban-Leysse (Savoie). Cette entreprise a créé des véhicules emblématiques, les fameux Berliet, bien connus des sapeurs-pompiers français. Cette entreprise était en croissance, employait environ 500 personnes et exportait dans le monde entier.

En 1997, l’entreprise savoyarde est intégrée au groupe IVECO Eurofire, composante du groupe IVECO MAGIRUS concurrent allemand de CAMIVA. Ce rachat a eu pour effet d’affaiblir la filiale française (2). En mai 2012, la direction de l’entreprise IVECO MAGIRUS annonçait la fermeture du site français historique de Saint-Alban-Leysse suite à une réorganisation du groupe. Cette réorganisation fait suite à une amende de 30 millions d’euros par l’autorité de la concurrence fédérale allemande, l’office fédéral des cartels. Iveco Magirus est accusée d'avoir pratiqué des accords de prix et de quotas interdits avec trois autres équipementiers du secteur incendie (Rosenbauer, Ziegler et Schlingmann) au moins depuis 2001 et d'avoir divisé entre eux le marché des véhicules de lutte contre l'incendie en Allemagne (3). La filiale française a été sacrifiée.  

SIDES

L’entreprise SIDES, spécialisée dans la construction de véhicules de secours surtout dans le domaine aéroportuaire, a été créée en 1951 en terre bretonne.  En 2008, l’entreprise est rachetée par l’actionnaire américain UTC (United Technologies Corporation). Ce rachat s’est suivi du licenciement de salarié clé de l’entreprise et en 2013 d’une revente à la société d’investissement allemande BAVARIA Industrie Group. En 2017, SIDES est placé en plan de sauvegarde par le tribunal de Nantes alors que BAVARIA Industrie Group affiche son meilleur taux de rentabilité et de résultat depuis sa création (4).

En 10 ans, SIDES a enregistré une perte de 30 millions d’euros par une instabilité managériale et des choix stratégiques qui interrogent. Pourtant, l’entreprise était présente sur l’ensemble des continents. Elle était parmi les leaders à l’international sur ce marché. En 2018, l’entreprise est repassée sous pavillon français après le rachat de SIDES par Armoric Holding. En seulement 1 an, l’entreprise est redevenue rentable, ce qui pose la question des véritables intérêts des précédentes équipes dirigeantes (5). 

L’actionnaire UTC et l’entreprise Oshkosh Corporation, constructeur américain concurrent de SIDES agissant également dans l’industrie militaire, ont fait partie des mêmes consortiums dans des opérations d'exportation de matériel (6). Des cadres d’UTC notamment le directeur exécutif - Technologie numérique et le directeur de la gestion et stratégie des opérations mondiales ont rejoint Oshkosh Corporation quelques années après (7).

En 2019, SIDES a subi une attaque informationnelle sur Twitter par une journaliste du Washington Post lors des émeutes de Hong Kong :Il semble que la Chine utilise du matériel français pour réprimer les manifs à Hongkong. Pouvez-vous en dire plus ?» (8). L ’ONG Amnesty International a ensuite relayé cette information obligeant le dirigeant de la société SIDES à se justifier publiquement (9). Même si cette attaque est plus contre le France sur la contradiction française des libertés individuelles, l'attaquant en guerre de l’information sort toujours vainqueur et les PME subissent directement les rapports de force entre les puissances.

GIMAEX

En 2018, le constructeur de véhicules de lutte contre les incendies GIMAEX était classé en redressement judiciaire à la suite de deux contrats impayés. Le premier concernait un contrat de 36 véhicules à un organisme Libyen et le second une commande de 137 véhicules, pour un montant de 75 M$, avec le ministère du pétrole Irakien (10). Les relations Franco-Libyenne et Franco-Iraquienne était tendues sur cette période avec des sujets de polémiques divers. Le non-paiement de ce type de contrat, comme d’autres, aurait pu servir de riposte aux attaques informationnelles françaises.

Le groupe français Desautel, spécialisé dans les systèmes d’extinction, a procédé au rachat de GIMAEX pour maintenir les compétences et le savoir-faire en France de la construction de véhicules de lutte contre l’incendie et ainsi éviter l’expérience de Sides. De nombreux concurrents étrangers avaient fait, naturellement, des offres de reprises. Comme le précisait le rapport Martre, « dans le contexte actuel de compétition économique mondiale, l'analyse des systèmes d'intelligence économique étrangers les plus performants devient une nécessité. Il s'agit moins de rechercher des modèles transposables à la France que d'identifier les atouts et les lacunes du dispositif français et de comprendre pourquoi des économies de marché ont produit des systèmes de gestion stratégique de l'information plus performants que d'autres (11) ».

“Qui fait la norme, fait le marché” Werner von Siemens

Selon l'AFNOR, 90% des normes appliquées en France sont d’origine internationale, d'où la nécessité d'avoir une capacité d'influence importante dans les organismes supra-nationaux.  Claude Revel dans son rapport “Développer une influence normative internationale stratégique pour la France”(12) précisait: 

« L’influence sur les règles et normes internationales, c’est-à-dire sur les règles du jeu économique, est une composante essentielle quoique peu visible de la compétitivité des entreprises et des États. Les régulations internationales ne sont jamais innocentes, elles déterminent des marchés, fixent des modes de gouvernance, permettent à leurs auteurs de devancer la concurrence, ou de la freiner, ou d’exporter leurs contraintes. Les acteurs privés contribuent de plus en plus à leur élaboration. Exercer de l’influence (ou lobbying ou advocacy) implique la mise en œuvre de stratégies et d’actions communes, dont l’absence ou la faiblesse aujourd’hui nuit à des Français par ailleurs dotés de compétences pointues dans tous les domaines. »  

Le centre européen de normalisation (CEN), sous influence

Le CEN est une association regroupant les organismes nationaux de normalisation, l’AFNOR pour la France, la DIN pour l’Allemagne par exemple.  Le CEN est responsable du développement et de la définition des normes volontaires au niveau européen. Il soutient les activités de normalisation dans un large éventail de domaines et de secteurs, notamment dans le domaine de la sécurité. 

Le système de normalisation en Europe repose donc sur les organismes nationaux de normalisation, qui sont des guichets uniques pour toutes les parties prenantes concernées. Ils sont les principaux points d’accès à la normalisation régionale (européenne) et internationale (ISO) et sont responsables de la mise en œuvre des normes européennes en tant que normes nationales (vendre la norme européenne et retirer toute norme nationale en conflit). D’où l’importance d’avoir une AFNOR forte pour soutenir la normalisation aux bénéfices des acteurs économiques des filières. 

Le CEN est un organisme important pour concevoir des normes favorables aux industriels. Les membres nationaux du CEN sont les organismes nationaux de normalisation (ONN) des 27 pays de l'Union Européenne, le Royaume-Uni, la République de Macédoine du Nord, la Serbie et la Turquie ainsi que trois pays de l'Association européenne de libre-échange (Islande, Norvège et Suisse). Il y a un membre par pays, ce qui constitue une faiblesse non négligeable pour la France pour imposer la norme NF et de résister à l’influence internationale dans ce secteur. Le secteur des sapeurs-pompiers, de la sécurité civile sont très concernés par la normalisation des matériels et des équipements. L’implication des fabricants dans leur construction est indispensable pour avoir un avantage concurrentiel et remporter des marchés à l’international, comme l’effectue les Etats-Unis et la Chine. 

Le mode d’action de la National Fire Protection Association (NFPA)

La NFPA est un organisme américain fondé en 1896 dans le but de lutter contre les dommages physiques et matériels dus aux incendies. Elle réalise des normes de sécurité pour lutter contre ces dommages ainsi que d'autres risques.

La NFPA élabore de nombreux guides et codes comme le NFPA 1700, Guide for Structural Fire Fighting. Ce document fournit des conseils basés sur la science des incendies.  Ce guide est préparé par un comité technique sur les principes fondamentaux de la lutte contre le feu dans une structure utilisant la dynamique du feu. Le document est ensuite voté par les membres de la NFPA, publié par le conseil des normes de la NFPA, et approuvé en tant que norme nationale américaine (ANSI).

Ce mécanisme fait de la NFPA une référence mondiale en termes de production de connaissances sur les incendies. Elles sont construites grâce à l’étude de retours d’expériences et sont soumises aux industriels du secteur afin d’être transcrites en norme afin de sécuriser une innovation ou pour déstabiliser des concurrents.

Des matériaux de construction, aux normes électriques en passant par les composants des électroménagers, tous les objets et les matériaux de nos habitats, entreprises ou centres commerciaux font l’objet de normalisation pour lutter contre les incendies. Les normes issues de la NFPA ont une place importante dans la normalisation européenne. Par ailleurs, elles sont considérées comme les normes de sécurité les plus élevées au niveau international. La protection des actifs du Groupe LVMH, comme d’autres groupes internationaux, s’inscrit dans une politique de prévention appliquant les normes incendies NFPA, car très appréciées des assureurs (13) qui sont des membres actifs de la NFPA. La NFPA est présente dans de nombreuses organisations européennes afin de promouvoir les travaux et les normes américaines. Elle noue des partenariats de prêt ou de loin avec les fédérations, associations, réseau dans le domaine de la sécurité incendie afin d’exercer un lobbying indirect au niveau européen (14). 

En ce moment, des actions sur les systèmes d’extinction automatique (spinkler) sont en cours afin de rendre obligatoire leur présence dans des bâtiments ou locaux non concernés actuellement dans la réglementation et ainsi augmenter le volume de vente potentiel. De plus, un nouveau brevet sur ce type de système a été déposé par une entreprise américaine. Ce nouveau système « éviterait les déclenchements intempestifs des dispositifs existants qui causerait des pertes importantes après des dégâts des eaux ». Les déclenchements intempestifs restent encore à prouver ! 

Autre type d’action d’influence : le Centre National de Prévention et de Protection (CNPP), association regroupant des assurances, des fédérations d’entreprises dans les métiers de l’incendie, a conclu un partenariat avec la NFPA afin de traduire en français les informations et les connaissances fournies sous forme de codes et normes américaines.  Le CNPP assure des missions d’audit, de certification de produit, d’essai, de formation dans le domaine de prévention des risques incendies. Ces travaux de traduction favorisent l’influence américaine dans le processus de normalisation et dans la diffusion des travaux de la NFPA.

L’administration de normalisation de la République populaire de Chine (SAC)

Les fonctions du Standardization Administration of China (SAC) (15) sont d'exercer des responsabilités administratives en assurant une gestion unifiée, une supervision et une coordination générale des travaux de normalisation en Chine qui était auparavant morcelée. Le SAC représente la Chine au sein de l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO), de la Commission Electrotechnique Internationale (CEI) et dans d'autres organisations internationales et régionales de normalisation. Le SAC est chargé d'organiser les activités du comité national chinois pour l'ISO et la CEI. Il approuve et organise la mise en œuvre de la coopération internationale et l'échange de projets sur la normalisation (16). Par l'intermédiaire du SAC, des experts chinois participent à près de 740 comités et sous-comités de l’ISO (740 environ pour l’AFNOR, 570 pour l’ANSI américaine) (17).

Cette démarche organisée et planifiée, s’inscrit dans le plan directeur de transformation économique de la Chine, le plan « Made in China 2025 ». Ce plan prévoit dix outils stratégiques essentiels (comme les transferts forcés de technologie en échange d’accès au marché, les normes, l’usage de subventions, la politique financière, les entreprises d’État et les partenariats public-privé) pour atteindre les objectifs explicites pour dix secteurs industriels dont certains pourraient impacter les matériels et équipements des sapeurs-pompiers (18). L’ancrage de plus en plus important de la Chine dans les organismes internationaux de normalisation notamment à l’organisation internationale de normalisation (ISO) permet d’agir sur des normalisations standardisées favorisant les exportations chinoises dans les autres pays (19).

La stratégie d’influence américaine

Les Etats-Unis produisent de la connaissance, fruit d’investissement dans la recherche et développement dans le domaine des secours et de l’incendie de manière structurée et coordonnée avec l’ensemble des acteurs la chaîne de valeur (NFPA, Firefighters, Corporate). Les découvertes font, si possible, l‘objet d’un dépôt de brevet, de production d’études pour démontrer la plus-value d’une démarche ou d’un matériel. Puis une normalisation les rend obligatoire. Etant considéré comme référence, faute de mieux, s’impose dans des pays tiers assez facilement. Cela permet d’avoir un avantage compétitif sur la concurrence et de proposer en BtoB des produits faisant « référence » à des fournisseurs du pays tiers. 

Pour rendre « invisible » le but économique, des stratégies de soft-power par de la formation et par la création de contenu scientifique sont mis œuvre. La diffusion de la culture américaine via les réseaux sociaux avec pour cause noble, réduire le nombre de décès des incendies ou améliorer la prise en charge des polytraumatisés sert de camouflage aux armes économiques américaines sur ce secteur.  

Dès l’après-guerre, l’influence américaine était présente chez les pompiers français, car de nombreux véhicules militaires américains ont servi de véhicules de lutte contre l’incendie. Cela avait, en partie, participé à la disparition de la firme française Delahaye délaissée par les sapeurs-pompiers français à cause d’un prix jugé trop cher.  La naissance de Youtube en 2005 et des autres réseaux sociaux ont permis d’accélérer la diffusion des techniques et des doctrines opérationnelles américaines. Ces réseaux contribuent largement à la diffusion des doctrines opérationnelles des pompiers américains en France. Derrière une doctrine, il y a forcément des équipements et matériels à vendre.

Les images terribles de l’attentat de 2001 ont bouleversé la communauté des sapeurs-pompiers du monde entier avec le décès de 343 sapeurs-pompiers favorisant les échanges, les commémorations communes et l’influence de la culture américaine au sein des casernes françaises contemporaines.  La production de films, de séries avec de grosses sociétés de productions sur les pompiers américains contribuent à diffuser la culture américaine au sein des pompiers français (20). L’apparition de fresques, d'écussons, plus proche de la symbolique des casernes américaines que les emblèmes des villes interrogent, surtout dans une corporation dotée d’un fort ancrage territorial. L’évolution des tenues de lutte contre l’incendie reprenne des caractéristiques se rapprochant des tenues nord-américaines.

L’apparition de formation américaine “Prehospital Trauma Life Support” (PHTLS) au sein de l’Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers (ENSOSP) démontre la puissance de cette stratégie (21). Le PHTLS a une portée internationale et des cours sont diffusés dans 33 pays à travers le monde (22). Cette formation est gérée par l’Association nationale des techniciens médicaux d'urgence (NAEMT) composée des services médicaux d'urgence, d’association professionnelle représentant les techniciens ambulanciers et paramédics des Etats-Unis. Le programme est réalisé et actualisé par l’American College of Surgeons (ACS), le collège américain des chirurgiens qui est financé par la fondation ACS, une organisation philanthropique du système de santé américain (23). Ceci n’est qu’un exemple.

Le soft power de la sécurité civile de la Chine

La stratégie chinoise consiste à créer des partenariats avec les administrations publiques et entreprises européennes afin de tirer profit de la générosité européenne pour favoriser les exportations dans les pays émergents.  En septembre 2012, une délégation chinoise composée du Chinese Academy of Governance (institution de formation pour les cadres fonctionnaires du gouvernement chinois) et du National Institute Emergency Management était reçue à l’Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers (ENSOSP). Cette visite avait pour but de renforcer la collaboration entre la France et la Chine dans le domaine de la sécurité civile.

L’ensemble des invités ont pu visiter, camescope en main (24), l’ensemble des installations pédagogiques et simulateurs présents sur le site (25). Depuis, des échanges réguliers sont organisés. L’intérêt du parti chinois pour la sécurité civile française n’est pas anodin. Le soft power naturel exercé par les valeurs, par les missions de sécurité civile ont un sens universel pouvant être exploitées pour des objectifs bien différents que la simple sauvegarde de populations.

Le marché chinois représente une opportunité pour les industriels français et européens. C’est une force pour la Chine dans la construction de partenariats avec les pays européens. Ce qui peut provoquer un encerclement cognitif pour brouiller les véritables enjeux chinois. D’où la nécessité de développer une culture d’intelligence économique au sein de la sécurité civile.  Les partenariats avec la France permettent à la Chine de comprendre les mécanismes et l’organisation du système de secours encore peu développée dans les régions rurales chinoises. Cependant, la Chine a bien compris le soft power naturel de la sécurité civile pouvant être utilisée comme vecteur d’influence dans des pays stratégiques. 

La Chine s’appuie également sur les entreprises européennes leader sur le marché des véhicules d’incendie pour améliorer leurs gammes à destination du marché intérieur et extérieur. La création du joint-venture avec Rosenbauer (26), entreprise autrichienne leader en Europe et deuxième à l’échelle mondiale sur le marché des véhicules d’incendie et deuxième à l’échelle mondiale, sert d’accélérateur au développement des matériels chinois de lutte contre l’incendie. 

L’exemple chinois au Sénégal 

En 2016, la Chine et le Sénégal ont signé un accord de financement de 33 millions d’euros destiné à équiper les pompiers sénégalais (27) en matériel roulant composé d’ambulances, de véhicules de secours routiers, de fourgons d’incendie, de matériel de bateaux (vedettes d’ambulances et d’incendie, canots de sauvetage, bus de transport de troupes, etc) et des équipements de protection individuelles (casques de feu, survêtements et tenues de feu, bottes de feu, gants de protection etc.) (28). À cela s’ajoute la construction d’une école des sapeurs-pompiers, destinée à la formation des cadres et à la gestion des risques et catastrophes de toute nature. Quatre ans seulement après le partenariat avec l’ENSOSP en France.  

Les achats de ces matériels se sont tournés vers des entreprises chinoises ou détenues par des actionnaires chinois (29). Cette opération permet de s’ancrer au cœur de la population sénégalaise et de pouvoir continuer une stratégie plus globale dépassant le simple cadre de la protection civile. Des contrats d’infrastructures, d’exportation de produits agricoles comme la cacahuète ont été conclus après ce type d’investissement. 

Conclusion 

Opération d’influence, maitrise de la connaissance et du système normatif, l’attitude offensive sino-américaine dans ce secteur nécessite de ne plus être attentiste et spectateur en France comme en Europe. Des stratégies globales doivent être construite rapidement avec l’ensemble des acteurs. La crise de la COVID-19 a permis de démontrer les jeux de puissance et surtout le repli sur soi en tant de crise. A l’heure où le centre de gravité de la gestion des crises de sécurité civile tant de plus en plus vers le niveau européen, il serait important d’intégrer des démarches d’intelligence économique. La sécurité économique des PME françaises fournissant les matériels de lutte contre l’incendie doit être une priorité pour assurer le continuum de sécurité civile, mission régalienne de l’Etat. Le développement urbain et les tensions en cours au niveau international doivent alerter et devraient être pris comme un signal pour modifier les référentiels existants dans les stratégies d’exportation de la sécurité civile française.

  Julien Fischer
Auditeur de la 35ème promotion MSIE

 

Liens : 

(1) https://www.un.org/fr/sections/issues-depth/population/index.html#:~:text=Selon%20les%20projections%2C%20la%20population,individus%20vers%20l'an%202100.

(2)https://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/camiva-chronique-d-une-mort-35095

(3)Rekordstrafe für Iveco Magirus | Feuerwehr-Magazin

(4) https://www.zonebourse.com/cours/action/BAVARIA-INDUSTRIES-GROUP-455874/

(5)Saint-Nazaire. Sécurité incendie : Sidès renaît de ses cendres (ouest-france.fr)

(6) https://www.unitedagainstnucleariran.com/company/united-technologies-corporation-utc

(7)https://www.marketwatch.com/investing/stock/osk/SecArticle?countryCode=US&guid=13751470&type=1

(8) https://twitter.com/emilyrauhala/status/1138835494605901827

(9) https://www.amnesty.fr/controle-des-armes/actualites/hong-kong--un-inquietant-deploiement-de-canons-a-eau

(10) https://capitalfinance.lesechos.fr/deals/sortie/les-camions-de-pompiers-gimaex-repris-a-la-barre-du-tribunal-par-desautel-126713

(11) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/074000410.pdf

(12) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/134000079.pdf

(13) https://r.lvmh-static.com/uploads/2019/03/document-de-reference-2018_vf_interactif.pdf p108

(14)https://ec.europa.eu/transparencyregister/public/consultation/searchControllerPager.do?declaration=fire&page=1

(15) https://www.gov.cn/

(16) https://www.iso.org/member/1635.html

(17)https://www.leblogauto.com/2018/08/16-milliards-damendes-pour-les-constructeurs-avec-le-wltp.html

(18)https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/570493/EXPO_STU(2018)570493_FR.pdf

(19) https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2012-6-page-30.htm

(20) https://fr.wikipedia.org/wiki/Backdraft_(film)

(21) https://www.ensosp.fr/SP/articles-ENSOSP/les-formations-qui-debutent-cette-semaine-l-ensosp-5

(22)https://web.archive.org/web/20091216032438/http://www.naemt.org/education/PHTLS/phtls_a.aspx

(23) https://www.facs.org/about-acs/acs-foundation/meet-our-donors/balch

(24) http://www.ensosp.fr/SP/articles-ENSOSP/visite-d-une-delegation-chinoise-venue-de-lang-fang

(25) https://www.ensosp.fr/SP/articles-ENSOSP/une-delegation-chinoise-l-ensosp

(26) https://www.rosenbauer.com/fr/int/group/presse/wirtschaftspresse/wirtschaftspresse-detail/nd/chinesisches-50-joint-venture-abgegeben

(27) https://www.lejecos.com/Cooperation-Eximbank-Chine-debloque-20-milliards-pour-les-pompiers-senegalais_a7400.html

(28) https://www.bifamomag.com/200-MILLIARDS-D-APPUI-LOGISTIQUE-LA-CHINE-AU-SECOURS-DES-POMPIERS_a6320.html

(29) https://www.enqueteplus.com/content/77-ambulances-et-vehicules-de-secours-routiers-51-fourgons-d%E2%80%99incendie%E2%80%A6-macky-sall-arme-les

 https://www.koldanews.com/2019/09/20/macky-remet-un-1er-lot-de-materiel-aux-sapeurs-pompiers-2-a1040752.html