L’offensive informationnelle hollandaise au sein de la filière du végétal d’ornement

Comme chaque année à l’approche de la Saint-Valentin, nul doute qu’une bataille informationnelle sera lancée par les acteurs engagés pour le boycott de la rose, la fleur préférée de 45% des Français, qui devient malgré elle, le symbole d’une industrie intensive ultra-mondialisée aux impacts néfastes. En France, près de 200 millions de roses se vendent à cette occasion (un tiers des ventes annuelles), alors que sa récolte se situe pour l’essentiel entre mai et novembre. 97% d’entre elles sont en fait importées (contre 85% pour les fleurs coupées). A noter que le parfum, un des attributs phares qui en fait la fleur reine, lui est retiré (sélection des variétés, OGM) car énergivore pour la fleur (pétales fragiles, courte tenue en vase). En bout de course, en l’absence d’étiquetage généralisé, il est impossible pour le consommateur de déterminer sa provenance, ni les conditions de sa production.

Entre instinct de survie et authentique éco-responsabilité, des acteurs de l’écosystème français du végétal veulent créer du sens, en proposant des nouveaux modèles socio-économiques vert éthiques. Quand l’un d’eux s’avère transposable à l’international ainsi qu’à d’autres filières de production, il est permis de penser que la filière française du végétal, symbole de la face moribonde de l’ultra-concurrence, parviendra à créer le point de bascule.

Les Pays-Bas, leader mondial incontesté des végétaux d’ornement, versus une filière française, ancien leader aujourd’hui au diagnostic vital engagé

Le leader historique, classé 135ème pays en termes de superficie, continue de dominer le marché grâce à un écosystème performant et innovant tant sur la production que sur la distribution et la commercialisation. Si une partie de la production est cultivée sur ses terres (surtout les tulipes), les Pays-Bas ont su dominer le marché mondial du végétal grâce à leur rôle « d’importateur-réexportateur » attirant les exportations du monde entier, notamment des pays bordant l’équateur au climat optimal (Kenya, Colombie, Equateur, Ethiopie), pour alimenter les marchés européen, russe et asiatique. Ces dernières année, ils sont le point de transit de 50% à 60% de la production mondiale des fleurs coupées, un peu moins sur l’ensemble du marché végétal (70% selon certains acteurs hollandais) même si cette part n’est pas issue de la production stricto hollandaise.

Au contraire, la France a perdu en 10 ans 50% de ses exploitations horticoles, 90% en 50 ans (passant de 30 000 à 3 000 ce jour). Pour la fleur coupée, il reste environ 350 producteurs. Fin 2019, la filière de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage(comprenant la production des végétaux, les activités de commercialisation et de paysage), présente une balance commerciale fortement déficitaire de 912 millions €, se dégradant encore sur les 9 premiers mois de 2021. Outre les facteurs de faible compétitivité (pression foncière due à l’étalement urbain, …), la filière présente un maillage du territoire défaillant car les acteurs de la chaîne de valeur ne se connaissent plus, ne permettant pas toujours des livraisons rapides, contrairement à la qualité de service proposée par les fournisseurs hollandais. 

La bataille des normes à destination du client : 1-0, des labels français en contrepoids

Seul le prix et le nom du végétal sont portés à la connaissance du consommateur. Ni la provenance, ni le mode de production, ni la qualité intrinsèque des produits ne sont des mentions obligatoires. La traçabilité en particulier est un enjeu majeur pour les producteurs français, à l’instar des obligations du secteur alimentaire. Cependant, La bataille promet d’être rude, la filière hollandaise est puissante de même que ses collectifs représentatifs, tant économiquement que dans la mise en place de stratégie marketing très offensive. Autant de points forts pour un lobby efficace auprès de la commission européenne.

Le registre de transparence européen mentionne que la fédération Flower Auctions International  (VBN) représentant les intérêts hollandais, dont fait partie notamment Royal FloraHolland, la plus importante maison de vente de fleurs du monde, disposait de ressources estimées entre 100 et 200 K€ et d’un 1,2 effectif équivalent temps plein au titre de l’année 2020. The International Flower Trade Association (Union Fleurs) représentant les intérêts français via l’interprofession Val’hor, n’a déclaré aucune ressource pour 2020 et seulement entre 25 et 49 K€ et moins d’1 effectif équivalent temps plein au titre de 2019.

Pour compenser l’absence criante de norme, l’accent est mis en France sur une demi-dizaine de labels français, qui apportent une garantie aux consommateurs. Moins connus et plus récents que les labels alimentaires, le retour d’expérience de la mise en œuvre des signes officiels de la qualité et de l’origine en horticulture montre que les retombées qualitatives sur l’ensemble des produits, y compris les non labellisés, sont indéniables mais que leur percée sur les marchés de masse reste difficile. Pour rappel, le label «Fleurs de France» créé 2014, seule marque officielle à défendre les produits d’origine française, et exigeant depuis 2017 une démarche éco-responsable ou de qualité reconnue, concerne aujourd’hui 1 700 entreprises de la chaîne de valeur. Le label néerlandais MPS Sustainable Quality, créé en 2007 et reconnu au niveau international, laisse la souplesse de mentionner ou non la provenance (157 adhérents en France et 3 500 producteurs dans le monde).

L’Etat hollandais soutient de façon directe et assumée sa filière

Les fleurs font partie intégrante de la culture hollandaise, et le pays le partage à ses concitoyens et au monde entier, tout en promouvant sa filière. Ainsi, la journée nationale de la Tulipe en janvier lance la saison des tulipes coupées, le festival annuel des tulipes à Amsterdam dure de mars à mai, et la Floriade, une des plus importantes expositions horticoles mondiales qui a lieu tous les 10 ans, aura pour thème « cultiver des villes vertes », pour sa 7ème édition en 2022. Un soft power consacré, lorsque la plus importante maison de vente de fleurs acquiert en 2011 la désignation royale, Royal FloraHolland.

Surtout, l’Etat subventionne le coût énergétique des serres dont le pays est un des pionniers, ce qui, avec un fonctionnement 24h/24 des ateliers de conditionnement et l'automatisation accrue des terminaux de frets du port de Rotterdam, explique en partie sa place de deuxième plus grand exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires derrière les Etats-Unis, avec plus de la moitié de sa superficie consacrée à l'agriculture. De façon générale, sur l’ensemble de la filière agro-alimentaire, les agriculteurs néerlandais sont à la pointe de l’innovation pour produire plus avec moins de ressources. Compte tenu de l’enjeu mondial de nourrir 10 milliards d'habitants d’ici 2050, le pays apparaît comme un « sachant ». Il entretient ce soft power en exportant son savoir et sa technologie, aussi bien à l’étranger, en participant à des projets de production alimentaire dans le monde entier, que sur son propre sol en accueillant des milliers d'étudiants étrangers venus se former.

Enfin, le gouvernement néerlandais commence à verdir son discours pour s’inscrire dans les grandes orientations écologiques. En 2019, il annonce un changement de paradigme radical nécessaire et communique sur l’adoption d’une nouvelle stratégie agricole, la « vision de protection des plantes pour 2030 », basée sur deux principes : une sélection des plantes novatrice (mais qui relève de la directive des OGM selon la Cour de justice européenne - juillet 2018) et l’agriculture de précision numérique, sujets très discutés au niveau européen.

L’Etat français trace surtout les grandes orientations d’un développement éco-responsable

L’Etat ne porte pas de façon spécifique la filière du végétal d’ornement, dépourvue d’objectif alimentaire et donc considérée comme le parent pauvre de l’agriculture. A défaut de subvention directe, l’Etat commence à actionner des leviers comme celui des commandes publiques, en promouvant par exemple lors du salon international de l’Agriculture de 2018, l’outil opérationnel développé par Val’hor, la fiche Locavert, à destination des acheteurs publics pour favoriser l’achat local et de qualité de végétaux. Plus récemment, avec la prise de consciente de contraintes climatiques grandissantes, il crée en 2021 un système d’assurance récolte bénéficiant à la filière agricole, doté de 600 millions d’euros par an.

Sans stratégie, du moins visible pour la filière, et donc « sans le vouloir », l’orientation vers une vision éco-responsable pourrait bénéficier in fine au secteur français. La France n’a plus rien à prouver quant à son engagement pour la construction d’une coopération internationale (les accords de Paris, la charte de l’Alliance pour les forêts tropicales). Au niveau national, le gouvernement lance en 2020 le plan France Relance doté d’un budget de 100 milliards € sur 2 ans, dont 30 milliards dédiés à la transition écologique (1,2 milliard pour la transition agro-écologique). Sur l’aspect environnemental, bien que l’impact des fleurs françaises soit moins négatif que celui des fleurs importées, la filière reste polluante et il faudra attendre la loi Labbé du 6 février 2014pour un début d’interdiction d’usage et la restriction de vente des produits phytosanitaires à partir de 2017 (progressivement jusqu’en 2025). Le tournant écologique pris par la loi de finances pour 2021 permet, outre la prolongation du crédit d’impôt agriculture biologique (AB) reconduit jusqu’à 2022, l’instauration de deux nouveaux crédits d’impôt pour l’agriculture verte, au titre de la conversion des exploitations à la Haute Valeur environnementale (HVE) et de l’abandon des produits phytosanitaires contenant du glyphosate.

Sur le plan de la responsabilité, dans le sillon des acteurs économiques et financiers engagés, le président Macron lance l’initiative Tech for Good en 2018 pour valoriser les acteurs du numérique qui agissent pour « le bien ». Quelques mois plus tard, la loi Pacte du 22 mai 2019 introduit la qualité de société à mission ce qui permet à une entreprise d’affirmer publiquement sa raison d’être ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux poursuivis dans le cadre de son activité.

Mais encore ? Les acteurs économiques et leurs représentants hollandais ont une culture du marketing très pointue, et encerclent l’écosystème français à tous les échelons de la chaîne.

Le rôle de l’Office hollandais des fleurs, très actif sur les marchés extérieurs

Il défend les intérêts de la filière hollandaise et a un rôle de pénétration très performant des marchés extérieurs. Se présentant comme une fondation indépendante, financée par les horticulteurs adhérents de FloraHolland ainsi que par les entreprises clientes chez FloraHolland, l’Office a pour mission de mettre les fleurs et plantes à l’esprit chez le consommateur européen. Il disposait ces dernières années d’un budget de 16 millions € par an. En comparaison, Val’Hor dispose de moins 7 millions € (20 M€ sur 3 ans 2021-2024). Doté d’une équipe de 20 collaborateurs (notamment des spécialistes créatifs dans le domaine du marketing et de la communication), dont 3 représentent la fondation à l’étranger (à Londres, Paris, et Essen), l’Office promeut 2 marques (sites internet) spécifiquement mises en place en France, surtout à destination du principal groupe cible de consommateurs « Aesthetic Explorer ». Ces derniers, définis comme les amoureux de la culture et les créatifs, représentent 15% de la population française et 24% des achats de fleurs et plantes. Egalement, l’Office propose aux acteurs français de la commercialisation des services pour valoriser les produits, tels que l’opération « Activation Points de Vente », en partenariat avec l’ensemble des acteurs (producteurs, …) de la filière pour séduire le grand public («apporter de la valeur ajoutée plutôt que réduire les prix de vente»).

L’interprofession Val’hor monte en puissance sur le territoire national et se projette

Elle semble mettre en œuvre un certain nombre d’outils relevant de l’intelligence économique. Sur un budget triennal de 20 millions € (2021-2024), 50% sont dédiés à la communication et l’influence (notamment au niveau européen), 5 millions € en innovation, études et compétitivité, et 3 millions € en certification et valorisation de l’excellence. Ainsi, elle assume avoir mis en œuvre une stratégie d’influence et de lobbying pour inscrire les fleurs et plantes dans la liste des produits dits « essentiels » ou « de premier nécessité » dans le décret du gouvernement N°2021-296 du 19 mars 2021, la veille du troisième confinement. Les actions d’influence de l’interprofession sont relayées dans les presses professionnelle et grand public français. Elle mène des opérations de communication auprès du grand public, des élus et des collectivités pour faire reconnaître l’importance du végétal. Avec le soutien de FranceAgriMer, elle organise une veille et une analyse constantes du secteur en France et au niveau mondial, notamment les facteurs de transformation, pour élaborer la meilleure stratégie possible (groupes cibles y compris à l’étranger, services, …) au regard des scénarios envisagés pour l’avenir de la filière (à différents horizons 2030, 2040).

Le Slow Flower, engagement réel ou non, une réelle arme de bataille informationnelle contre le Low Cost

La société civile fait émerger un mouvement international, un peu plus de 20 ans après la naissance du mouvement éco-gastronomique pour l’alimentation et la biodiversité en 1986, le Slow Food. Le concept et le mouvement Slow Flower (littéralement « fleur lente »), en faveur d’une production plus respectueuse de la nature (saisonnalité, locale, en plein air, sans produits chimiques), émerge en 2008, porté initialement par les Anglo-Saxons (Etats-Unis, Angleterre, Australie). Il s’internationalise ensuite, et est de plus en plus relayé par les médias. Le curseur sur la définition du concept n’est pas figé (non normé) : avec peu ou sans produits chimiques, sous serre ou non, donc avec des degrés d’engagement qui peuvent différer. Certains pourraient s’interroger d’une finalité marketing, mais quoiqu’il en soit, le Slow flower est de plus en plus reconnu et fédère.

Une dynamique Slow Flower qui se structure en France en 2017 et s’accélère, en utilisant l’arme communicationnelle de façon positive

Alors que 50% des producteurs français disparaissaient en 10 ans, le Slow flower ne sera porté en France qu’à partir de janvier 2017 par le Collectif de la fleur française, créé par Hélène Taquet, floricultrice et fondatrice de Popfleurs en 2014 et Sixtine Dubly, journaliste, auteur. Il compte environ 200 membres et a vocation à partager des connaissances et des idées, diffusées ensuite auprès des citoyens et des pouvoirs publics. Relevant que les modes de production sont difficilement traçables, il fixe le curseur du concept aux entreprises françaises qui commercialisent au moins 50 % de fleurs françaises. Egalement, il encourage les savoir-faire agricole et l’artisanat, met en place le premier annuaire Slow flower des acteurs engagés, et lance la première édition de la journée de la fleur française en juin 2021.

Les Français s’inscrivent dans ce mouvement pour valoriser des pratiques éthiques qu’ils exerçaient déjà depuis longtemps, ou annoncer la transformation de leur mode de production, encouragés par l’impulsion des nouveaux fleuristes (nouvelle génération, reconversion par choix « actif ») et de nouveaux types de consommateurs. Il est intéressant de souligner les différentes campagnes de communication réalisées en 2021 par la Fédération Nationale des Producteurs de l’Horticulture et des Pépinières auprès des consommateurs, professionnels, collectivités et aussi des producteurs de végétaux, pour une plus grande acceptation des défauts visuels et donc une production raisonnée des végétaux.

Focus sur 2 acteurs performants de l’échiquier concurrentiel

Comment ne pas revenir sur la Royal Flora Holland, le leader mondial avec plus de 20 millions de fleurs et plantes vendues par jour, qui propose un service rapide avec des fleurs bien calibrées. Son histoire commence en 1912 par la mise en place de ventes aux enchères coopératives de fleurs, puis les premières exportations en Angleterre en 1922. Flora Holland est créée en 1968 à la suite de nombreuses fusions et devient la plate-forme commerciale mondiale pour les plantes et fleurs. En 2017, elle lance la plateforme digitale Floriday et en 2019, sa stratégie se porte sur la plateforme B2B pour le marché mondial de la floriculture. Le défi est de passer au 100% numérique pour l’industrie et de connecter producteurs et acheteurs. Elle communique de façon forte sur le développement durable (passeport phytosanitaire, certification environnementale, ...). Un des axes stratégiques offensifs portant sur le marché français se repère lorsque le groupe FleuraMetz annonce en juillet 2020, la perspective de rajouter dans les camions « de la plante verte française à la fleur française », en réponse à la demande des clients français d’une production locale, tout en rentabilisant les frais de transport. L’enjeu : capter des parts de marché d’une catégorie de végétaux encore relativement produits en France, 40% des végétaux d’intérieur et d’extérieur achetés en France étant produits en France (61% pour les végétaux d’extérieur).

Lorsque les valeurs sociétales infusent dans les écosystèmes économiques, l’acculturation portée par l’innovation, constitue alors une clé de transformation qui peut venir perturber les lignes de force établies.

L’acteur français Fleurs d’ici, acteur émergent au concept innovant propulsé par la Tech, incarne un modèle socio-économique disruptif issu de la convergence de 2 dynamiques, le Slow Flower et le Tech for good, innovant et performant.

Fleurs d’iciest un site qui vend exclusivement des fleurs locales de saison. Créée en 2017, l’entreprise dédie la tech au service de l’intérêt général, de la consommation locale. Sa mission consiste aussi à relocaliser la filière des fleurs. Constatant que la filière hollandaise de distribution de fleurs d’importation a complètement maillé le territoire français et a fait rompre en France les relations commerciale et logistique entre les producteurs locaux et les transformateurs locaux (fleuristes notamment), amenant à l’aberration de vendre la production française sur la place de marché hollandaise pour la voir revenir en partie sur les lieux de vente français, Hortense Harang a repensé le système d’approvisionnement en connectant les fleuristes à des producteurs proches de chez eux,

Pour y parvenir, l’entreprise s’est appuyée sur une solution numérique développée en 2017, un logiciel tech de gestion de filières agricoles locales, WeTradeLocal.io (WTL.io), permettant de connecter des unités de production agricole locales de toute taille avec des unités de transformation artisanales indépendantes et des moyens logistiques de distribution décarbonés (vélo ou véhicule électrique), afin de répondre aux attentes croissantes des consommateurs en produits locaux, en termes de prix et de services tout en menant sa mission de relocalisation. C’est donc une approche intégrée de tous les acteurs, une vision complète de l’écosystème pour améliorer la répartition de la valeur à tous les maillons de la chaîne (exemple : les livreurs rémunérés à leur juste valeur) tout en en garantissant la traçabilité. Le modèle donne la capacité de répondre à des demandes de grande échelle en faisant appel à de multiples petites unités de production réparties sur le territoire. Ce système en circuits courts repose sur les savoir-faire artisanaux d’un réseau de plus plusieurs milliers de partenaires, notamment environ 2 000 producteurs français, soit les 2/3 des producteurs mis en relation avec 400 fleuristes. L’entreprise compte des dizaines de milliers de clients particuliers et plus de 200 entreprises clientes, dont des grands noms. Quels sont les impacts ? Les fleurs sont cueillies 2 jours avant, offrant une meilleure qualité (fraîcheur et parfum) contre 10 jours en moyenne ailleurs. Surtout, l’impact carbone est divisé par 30, en phase avec l’objectif de l’Etat français (baisse de 35% des émissions par rapport à 2015 pour 2030). L’entreprise a récemment levé des fonds de plus de 5,5 millions € afin de poursuivre sont internationalisation (étant déjà présente dans 6 capitales européennes) et transposer le modèle dans d’autres filières (textile, restauration collective, matériaux de construction).

Un soft power qui peut s’inscrire « spontanément » dans le modèle français dans un monde qui aura besoin de se végétaliser 

Selon les études, la crise a révélé et catalysé chez les consommateurs un besoin du végétal, porteur de sens, de bien-être, et comme le confirme la science, ce rapport à la nature constitue bien un levier santé, aussi bien en termes physique que mentale. L’urbanisation croissante mondiale devrait intensifier la dynamique biophilique et donc offrir des gisements de développement pour la filière auprès des particuliers comme des collectivités, dans un marché mondial déjà en forte croissance (20 milliards $ en 2019 contre 17,4 en 2010, soit +16%).

Dans l’univers du végétal, la France est reconnue à plusieurs titres, dont sa capacité d’innover. Les créateurs de roses font partie des meilleures références mondiales (et si preuve en est, une rose sur 3 est contrefaite). La filière de plantes à parfum, aromatiques et médicinales offre une grande variété d’espèces (plus de 150), qui approvisionnent les secteurs pharmaceutique, agroalimentaire, cosmétique, ainsi que la parfumerie, et qui sont souvent issues de productions traditionnelles et emblématiques des territoires français. Savoir-créer, savoir-faire, savoir-être, sens du service, de l’esthétique et du raffinement, artisanat, qualité intrinsèque du produit, terroir, authenticité, sont tous les ingrédients de développement d’une image de luxe et d’authenticité, un capital réputationnel que la France a déjà su mettre en musique dans les univers de la gastronomie, de la culture, de la mode ou de la beauté. En y ajoutant son avantage compétitif en termes d’éco-responsabilité, des modèles socio-économiques performants, une clairvoyance sur les attendus de la société civile, et donc des consommateurs, la France détient un soft power potentiel à cultiver.

Les consommateurs sont de plus en plus complexes à analyser et leurs comportements tendent de plus en plus à refléter un mode de vie, ce qui corrobore bien l’importance, pour une partie d’entre eux, d’inscrire l’acte de consommer dans un axe porteur de sens.

Le 12 octobre 2021, lors de la présentation du plan France 2030, le président de la République indique au titre du troisième objectif portant sur la décarbonation, qu’« Il s’agit de changer complètement le processus industriel, mettre un mécanisme d’ajustement aux frontières pour pénaliser les industriels hors Europe qui n’auraient pas fait ces réformes ». Le modèle économique de la filière du végétal aux Pays-Bas, dans son rôle d’importateur-réexportateur n’est-il pas le cas d’école qui augure toute la complexité qu’il y aura à définir un mécanisme qui portera des enjeux vraisemblablement divergents au sein de l’Europe ?

Dans ce même discours, le président assume que le modèle français peut est différent de celui d’autre nations. Il souligne : « Si nous, Européens, et en particulier nous, Françaises et Français, voulons choisir notre avenir, il est essentiel de gagner cette bataille qui est une bataille pour l’indépendance et une meilleure qualité de vie. Bâtir cet humanisme du XXIème siècle. Il s’agit de mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire ».

Si le meilleur positionnement économique de la filière horticole hollandaise est indéniable au regard de l’état clinique de la filière française, nous pouvons tout de même détecter, à travers la comparaison des acteurs Royal FloraHolland et Fleurs d’ici, que la construction de scenarios de réussite par la simple prise en compte de l’échiquier concurrentiel serait très réductrice. En effet, à petite échelle ces deux modèles d’entreprise sous-tendent la confrontation de deux visions en Europe et la dynamique d’un socle de valeurs sociétales qui montent en puissance, en accélération dans la perspective de l’ensemble des impacts et des enjeux climatiques et de croissance mondiale grandissants qui nous attendent.

A ce titre, l’échiquier politique pourrait encore impacter les rapports de force puisque, outre la nouvelle politique agricole commune (même si en partie décriée), l’Union européenne vient d’annoncer tout récemment une nouvelle approche résolument plus stratégique en matière de normalisation au niveau mondial, en vue de promouvoir des valeurs, notamment d’économie verte, numérique, circulaire, résiliente et neutre pour le climat. Elle assume vouloir procurer aux entreprises de son territoire « un crucial avantage de pionnières ». A savoir, lesquelles ?

 

Maria Tacvorian

Auditrice MSIE - Executive MBA en Management Stratégique et Intelligence Economique

 

Sources

Entretien avec la responsable communication Fleurs d’ici, Judith Wollner, 7 janvier 2022.

Documentaire TV France 5, « Sur le front : que cachent nos bouquets de fleurs ?» 7 février 2022.

https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Filieres/

https://www.valhor.fr/etudes-statistiques/

https://consommonssainement.com/2019/02/10/fleurs-coupees/

https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eco-consommation-rose-acheter-fleurs-ecologiques-4161/

https://www.geo.fr/environnement/dans-un-marche-ultra-mondialise-la-fleur-veut-se-relocaliser-chez-elle-201420

https://www.avise-info.fr/services/plantes-et-fleurs-connaitre-les-labels

https://theconversation.com/slow-flowers-un-nouveau-concept-pour-relancer-la-production-de-fleurs-francaises-142548

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2017/10/comment-les-pays-bas-sont-devenus-la-silicon-valley-de-lagriculture

https://www.lesechos.fr/weekend/mode-beaute/hortense-harang-invitee-du-podcast-cest-pas-du-luxe-1349010

https://www.lesechos.fr/start-up/impact/fleurs-dici-va-decliner-son-modele-dans-lalimentaire-et-le-textile-1331768

https://agriculture.gouv.fr/france-relance-47-nouveaux-projets-de-filieres-agricoles-et-agroalimentaires-laureats

https://www.impactfrance.eco/communautes-thematiques/tech-for-good

https://www.placedupro.com/articles/1061/communication-de-la-fnphp-pour-des-vegetaux-francais-plus-naturels

https://fr.ripleybelieves.com/global-leaders-in-cut-flower-exports-6016

https://multinationales.org/Mais-d-ou-viennent-donc-nos-fleurs

https://www.collectifdelafleurfrancaise.com/actualites/2-mathilde-et-audrey-fleuristes-engagees-qui-oeuvrent-pour-sauvegarder-la-filiere-horticole-francaise/

https://atlas.cid.harvard.edu