L’utilisation de la Cancel Culture à des fins dissimulées d’influence économique : réalité ou fantasme ?

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J. K. Rowling, Noam Chomsky, Idrissa Gueye, Sylviane Agacinski, Bari Weiss, Christophe Gérard, Taylor Swift, Steven Pinker... La liste des personnalités occidentales victimes de la Cancel Culture et issues du monde médiatique, sportif, politique et intellectuel ou universitaire est longue et s'agrandit mois après mois. Rien qu’aux Etats-Unis, la National Association of Scholar (1) et The College Fix (2), dans des travaux séparés, recensent plus de 300 universitaires de tous horizons victimes de la mouvance Woke et “d’annulation”, comprendre ostracisation et harcèlement, pour avoir “transgressé” les normes du politiquement correct.

Mouvement hétérogène, le wokisme, dont nous retiendrons la définition formulée par Pierre Valentin de la Fondapol (3), prendrait ses racines dans la French Theory (4), avant d’être relancé par les travaux développés à partir des années 1980 par Kimberlé Crenshaw, avocate féministe américaine, et par le sociologue portoricain Ramón Grosfoguel sur le décolonialisme (5). Cette convergence des luttes (sociales, identitaires, sexuelles, religieuses, statutaires), appelée intersectionnalité, dont chacune prise séparément est parfaitement légitime pour parvenir à une société plus juste et plus équitable (Rawls, 1971), s’étend désormais à presque tous les pans de la société, puisqu’on la retrouve aussi dans le monde diplomatico-militaire et économique.

Les questions à se poser

Nous nous concentrerons dans cet article sur ce dernier volet. S’il s’agit bien d’une guerre culturelle et idéologique, ses effets sur le monde des affaires interrogent : peut-on instrumentaliser ou exagérer, voire créer de toutes pièces, des “accusations woke” (transphobie et “LGBTQIA+phobie”, racisme, sexisme) pour parvenir à un objectif économique ? S’agit-il d’un levier d’influence qui peut être employé dans le cadre d’une guerre économique, et si oui, existe-t-il des exemples récents ? Enfin, nous tenterons d'esquisser un modus operandi théorique d’une opération de déstabilisation ciblant, sur ces fondements, des dirigeants d’entreprises, et amènerons une perspective plus large dans le domaine de la lutte d’influence entre puissances.

Les exemples de luttes informationnelles et d’influence dans le milieu des affaires sont légion. Un exemple récent est celui de Disney, dont la vision inclusive et pro-LGBT de sa PDG Karey Burke, s’oppose frontalement à la politique conservatrice du gouverneur de Floride Ron de Santis (6,7,8). S’il s’agit ici d’une lutte entre une société privée et un État, les exemples de guerre économique entre entreprises ne manquent pas.

La déstabilisation de Victoria's Secret

Toutefois, plus rares semblent être les cas de dirigeants d’entreprises déstabilisés voire déchus après des “accusations woke”, dont nous considérons la portée comme étant idéologique et culturelle et non pénale (harcèlement ou agressions sexuelles avérées). Un cas retient particulièrement notre attention : celui de Victoria’s Secret, marque emblématique de lingerie et incarnation iconique de la beauté à l’Occidentale.

Fin 2018, un an après le lancement du mouvement #MeToo, sa CEO, Jan Singer, est démise de ses fonctions après une campagne éclair de six jours lancée sur les réseaux sociaux et dans la presse, et que l’un de ses concurrents principaux, ThirdLove, a su exploiter à merveille, avec à la clé un renforcement de sa position concurrentielle.

 

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