Nécessité d’une grille de lecture géoéconomique sur les banques et le système financier

Les banques et les outils de la finance[i] comptent parmi les éléments caractéristiques ayant contribuer à l’essor de la civilisation occidentale et de son expansion mondiale à partir du 15ème siècle, puis durant la révolution industrielle jusqu’à notre époque contemporaine ou elles sont au cœur de la mondialisation connectant et déconnectant les pays, et les cultures.

Émancipées en Italie et en Flandre, institutionnalisées en Angleterre, les banques et le système financier sont au cœur depuis le 19ème siècle d’un débat constant afin de définir leur statut, leur rôle et leurs attributs.  Le libéralisme et le socialisme ont cristallisé cet affrontement en se concentrant essentiellement sur les notions de création et de partage des richesses. Mais les déclinaisons théoriques et pratiques sont nombreuses et la technicité de plus en plus complexe.

Une troisième notion, peu visible auparavant, se manifeste de plus en plus dans cette logique d’affrontement cognitif : l’écologie. Interrogeant le rapport entre le système économique et son environnement naturel, elle impose les enjeux de la durabilité physique et biologique de cet attelage.

Une première tentative de régulation en France

Dans le dernier quart du 19ème siècle, les préoccupations majeures des banquiers, économistes et politiques quant à la gestion de l’activité bancaire se concentrent sur le risque de liquidité et la stabilité des taux d’intérêt. La liquidation du Crédit Immobilier en 1871, la crise bancaire de 1873, le krach boursier de 1882 sur la place parisienne, ont été de sérieux avertissements.

D’un point de vue technique, le débat se focalisa alors sur la question de la correspondance entre la durée des engagements et la durée des ressources, et la définition des responsabilités des différents acteurs du marché bancaire.

La doctrine Germain Doctrine Germain, du nom du banquier lyonnais Henri Germain, fondateur du Crédit Lyonnais, édicte pour la 1ère fois et de façon très claire, le concept d’une séparation entre les banques de dépôt et les banques d’investissement. Henri Germain se concentre sur la différence de temporalité et de disponibilité entre les dépôts bancaires à court terme et les investissements industriels à moyen et long terme. Ce dernier identifie bien que la garantie de dernier recours en cas de crise de liquidité et de confiance est la puissance publique (Banque de France, État). En séparant les banques de dépôt et les banques d’investissement, il entend réduire ce risque au maximum, stabiliser les taux d’intérêt et renforcer la confiance dans le secteur bancaire. L’application progressive de la doctrine Germain par les banques françaises assura une certaine stabilité au secteur.

Certains détracteurs lui reprochent d’avoir orienté le financement de l’économie industrielle uniquement vers les banques d’investissement, coupant ainsi le lien entre la collecte de l’épargne et le crédit productif. Cet argument peut être nuancer dans la mesure où ces banques d’investissement se finançaient essentiellement par l’émission d’obligations, elles-mêmes souvent distribuées en tant que produit d’épargne dans les banques de dépôt.

D’un point de vue politique et social, le krach de 1882 a servi de base à la nature des polémiques qui secouèrent le milieu bancaire jusqu’à la fin de la seconde Guerre Mondiale. D’un côté, les attaques contre l’appropriation par un groupe limité d’individus des richesses produites par l’ensemble de la société, et des processus décisionnels visant à la création de ces richesses et de leur utilisation. Ces attaques seront portées par les mouvements socialistes, conservateurs, nationalistes puis fascistes. Chacun argumentant suivant ses propres intérêts, ou obsession idéologique.

De l’autre, les attaques contre l’inefficacité d’un système bancaire qui serait soumis à un contrôle accru des forces publiques, limitant ses capacités à faciliter la production ou la circulation de richesses. Le lobby bancaire et les grandes aristocraties industrielles d’Europe et des Etats-Unis étant à la manœuvre ici.

Les incroyables fortunes constituées en quelques années, les grandes affaires de corruption, les épisodes de crise ou de pénurie générèrent les supports médiatiques à ces offensives informationnelles. Concrètement le monde de la finance et des affaires est alors un macrocosme en construction. Les relations intimes et les connivences entre une élite financière et une élite politique sont bien présentes, mais plus complexes que ce que les attaques informationnelles diffusent comme représentation. les banques francaises devant l'opinion. Bien que la régulation des activités bancaires ait été une préoccupation majeure des opinions publiques depuis la moitié du 19ème siècle jusqu’aux années 20, les principales décisions organisant le secteur auront été prises sans consensus publique. Le secteur bancaire se définissant alors lui-même, au gré de ces expériences.

la légitimité politique du "Glass-Steagall Act"

Aux Etats-Unis d’Amérique, après la période des barons voleurs ou la collusion entre système bancaire, grands industriels et système politique, la nature du débat semble avoir atteint son paroxysme. Mais la crise de 1929 ouvre une nouvelle période de polémiques autour de la réglementation de l’activité bancaire.

Quelques années plus tôt, de 1906 à 1911, le « démantèlement » apparent du trust de la Standard Oil[ii], sous l’impulsion du Président Théodore Roosevelt, donnait déjà un avant-goût de l’affrontement à venir entre le lobby bancaire et le pouvoir politique post crise 1929. Il était devenu nécessaire pour le pouvoir politique d’informer, de médiatiser et de judiciariser le débat afin d’obtenir le consensus nécessaire à une réforme significative bouleversant des intérêts privés financiers considérables et leurs corruptions contiguës.

Les débats politiques post crise de 1929 opposèrent les libéraux et les démocrates. Les premiers promouvaient la baisse des impôts et la dérégulation tandis que les seconds défendaient le principe des nationalisations et le recours à la dette publique (Keynésianisme naissant). Mais la pression sur le secteur bancaire ne deviendra significative qu’avec la mise en place de la commission Pecora par le Président F.D. Roosevelt. A partir de janvier 1933, cette commission ouvre un temps judiciaire, exposant dans l’espace public les pratiques du secteur bancaire et ouvrant une période de recherche de légitimité pour les parties prenantes. Durant cette période, le pouvoir politique va s’atteler à l’affirmation de son contrôle sur le secteur bancaire dans le but premier de rétablir la confiance dans un des piliers de nos sociétés modernes. Un système de garantie fédéral des dépôts est créé (F.D.I.C.). Les taux d’intérêt sur les comptes de dépôt sont plafonnés et les activités des banques de dépôt et d’investissement sont séparées, c’est le Glass Steagall Act.

Le lobby bancaire de son côté entama un processus de légitimation et d’institutionnalisation du secteur bancaire dans les rapports économiques et diplomatiques mondiaux.  La Banque des Règlements Internationaux, BRI , est créé en 1930, et vient ponctuer une période de montée en puissance progressive du secteur bancaire dans les rapports primordiaux au niveau mondial (Plan Dawes, Plan Young). Le secteur bancaire se veut, se pense, se définit alors comme un acteur universel assumé, vecteur de paix, et de stabilité. Ce positionnement conduira plus tard à sa dilution dans le processus de mondialisation, devenant insaisissable et indispensable, huile et carburant du moteur de l’économie mondialisée.

Bretton Woods, institutionnalisation et dollarisation de la finance mondiale

Dès 1944, le nouveau système financier international s’organise. Reprenant le processus d’institutionnalisation et de dissémination amorcé dans les années 30, le secteur bancaire américain se situe au centre du jeu. Le pouvoir politique américain et le lobby bancaire coordonnent la mise en place du nouveau système financier international dans leurs intérêts respectifs. Pour le pouvoir politique américain, il s’agit de se positionner comme le nouveau modèle économique mondial et d’imposer le dollar comme monnaie principale de réserve et d’échange dans ce processus de mondialisation. Pour le secteur bancaire américain, l’enjeu est la conquête d’immenses nouveaux marchés.

Les accords de Bretton Woods créent la plateforme juridique pour la mise en place de cet attelage. Le dollar est officialisé comme monnaie de réserve internationale à la place de l’étalon-or et des organes comme le FMI ou la BIRD déploient les nouveaux standards de régulation.

Le processus de reconstruction post guerre en Europe facilite et approfondit ce mouvement, notamment à travers le Plan Marshall. Les préoccupations principales sont la stabilité des prix et des taux et la mise à disposition effective des capacités de crédit en faveur de la production industrielle. En France, la loi du 02/12/1945, instaure ce système avec la nationalisation des grandes banques et l’organisation du crédit (loi 02 12 1945).

A noter, que la question de la dette, centrale dans les jeux de pouvoir internationaux depuis le début du 20ème siècle, déclenche un affrontement informationnel majeur sur le traitement des réparations de la 1ère Guerre Mondiale, présentées comme le péché originel ayant mené au 2ème conflit mondial. Cette affrontement aboutira à l’annulation des dettes de guerre de l’Allemagne nazie et le choix d’une stabilité par la reconstruction économique de l’Europe dans son ensemble via le Plan Marshall, avec une favorisation évidente des alliés anglais et français.

L'Europe focalisée sur l'instauration de l'euro

Au cours des années 1980-2000, le secteur bancaire et financier est plus que jamais au cœur de tous les grands ajustements politiques et géopolitiques. En Europe, la mise en place et la structuration du système financier européen autour d’une monnaie unique, l’euro, donnera lieu à une nouvelle forme de polémique autour de la notion de souveraineté économique et monétaire.

Le lobby financier et les mouvements sociaux-démocrates forment alors un attelage favorable à l’euro et à une intégration économique plus avancée des nations européennes dans un système commun. Leur argumentaire promeut l’efficacité et l’utilité d’une monnaie commune. Cette monnaie commune facilitant la vie quotidienne du citoyen européen et le protégeant des fluctuations monétaires et des dévaluations (voulues ou forcées) ayant ponctué la vie économique européenne depuis la fin des années 1970. Offrant une protection réelle et symbolique, l’euro devient le fer de lance de l’identité économique européenne dans la mondialisation.

Les mouvements souverainistes objecteront que l’euro une perte de pouvoir et de capacité d’action. En France, cette conscience d’un dépouillement de la capacité d’action monétaire et économique de l’État français traverse une bonne partie de l’échiquier politique français avec des figures de proue comme Philippe Séguin ou Jean Pierre Chevènement. Toutefois, cette idéologie ne parvient pas à se structurer efficacement sur le plan politique et apparait dans le champ médiatique comme rétrograde. La confusion idéologique entre nationalisme et souverainisme dans le champ médiatique sera l’arme fatale contre cette posture souverainiste anti-euro.

En dépit des crises asiatiques de la fin des années 1990, la financiarisation des rapports sociaux économiques mondiaux se poursuit de façon irrémédiable avec un développement considérable et hors contrôle des produits dérivés.

L’émergence d ‘un secteur financier débridé

Fin 1999, l’administration Clinton, avec Lawrence Summers à la tête du Département du Trésor, passe la loi « Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act ». Cette loi, déconstruit le Glass Steagall Act de 1933, Abrogation du Glass Steagall Act. C’est particulièrement le cas pour ce qui concerne la séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement. Il est de nouveau possible de créer une banque universelle couvrant l’ensemble des services financiers.

Cette loi entérine l’autonomisation du secteur financier. La révolution conservatrice de Reagan et le mandat de Bush ont focalisé la société américaine sur le libéralisme économique et le conservatisme sociétal. Les succès économiques du modèle américain et l’effondrement de l’URSS développent une certaine acclimatation de la société américaine à l’idée d’un système financier fonctionnant efficacement.  De fait, la question de la régulation du secteur financier n’est plus primordiale dans le débat public américain.

Un intense lobbying du secteur financier se développe depuis la fin des années 1990 pour modifier ou abroger le Glass Steagall Act. Se concentrant sur les aspects techniques de la finance, il œuvre de façon discrète, en grapillant régulièrement de nouveaux acquis législatifs visant à toujours plus d’autonomie et de périmètre pour le secteur bancaire.

De fait, les activités de banque universelle étaient déjà une réalité avant la loi de 1999, en raison de nombreuses dispositions juridiques permettant une croissance constante du périmètre des activités bancaires.

La course aux super structures financières, était d’autre part régulièrement mise en avant sur le plan politique par la nécessité de favoriser la création d’acteurs financiers capables de gagner dans la compétition mondiale. Les derniers mois précédant la promulgation de la loi « Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act » donne un éclairage significatif à ce sujet. La fusion des groupes Citicorp et Travelers Group Inc., annoncé en avril 1998, fut entérinée dans les milieux économiques et médiatiques alors même qu’elle s’avérait non valable d’un point législatif à ce moment-là. Mais le secteur bancaire a mis en quelque sorte le monde législatif devant le fait accompli.

La recherche d'autonomisation du monde bancaire

Le monde bancaire consolide alors son autonomisation vis-à-vis du monde politique à travers le développement et l’amélioration constante d’institutions et d’outils de régulation propres et dédiés à son secteur et à ses activités. Les banques centrales sont l’axe pivot de cette autonomisation juridique du secteur financier. Leurs mandats sont clairs et simples, principalement assurer la stabilité des prix et la surveillance des marchés financiers et de leurs acteurs. Dans le but primordial de maintenir la confiance dans le système financier.

Chaque banque centrale dispose de sa zone géographique de souveraineté et participe à la stabilité globale du système financier mondial à travers des organisations telles que la Banque des Règlements Internationaux, BRI. Le comité de Bâle, émanation de la BRI, édicte depuis 1988 diverses recommandations visant à assurer la stabilité et la fiabilité du système financier international. Ces recommandations sont régulièrement mises à jour, Bâle 1 en 1988, Bâle 2 en 2004, Bâle 3 en 2010 et sont progressivement retranscrites dans les juridictions fédérales ou nationales.

Ces recommandations se veulent des réponses aux crises financières, elles arrivent donc régulièrement après une crise majeure ou l’identification d’un défaut systémique. La multiplicité des acteurs participant à ces comités, la divergence de leurs intérêts, rendent profondément complexe l’élaboration du consensus nécessaire à ces recommandations.

Les débats sont avant tout techniques et discrets, laissant place à des jeux d’influence significatifs. Ils participent à l’élaboration de la définition des règles du jeu économique mondial, et ceci hors du champ médiatique et informationnel. Ces institutions, comme les banques centrales, n’apparaissent que rarement dans le champ du débat public. Lorsque cela se produit, leurs dirigeants se présentent ou sont présentés comme une sorte de démiurge de l’économie mondiale, oracle de la religion de la croissance économique. Eux seuls auraient en capacité à comprendre, interpréter et orienter la formidable complexité de la finance et de l’économie mondiale.

La crise de 2008 positionne la régulation financière comme outil géopolitique

La crise financière de 2008, dite « crise de sub-primes » en référence à son déclenchement au sein du secteur financier américain, imposa de nouveau dans le débat public, et à une échelle mondiale, la question de la stabilité du système financier. Elle mit de nouveau en évidence le danger des hyper structures financières, mais surtout la faible qualité du contrôle opéré sur le secteur financier que ce soit par ses propres institutions ou bien par la puissance publique. Elle éclaire aussi la profonde et irréversible intrication des économies au niveau mondiale. Elle interroge sur la capacité réelle du secteur financier à contrôler ses actions tant les enjeux sont démesurés.

C’est l’introduction dans le champ sémantique du « too big to fail », à savoir « trop gros pour faire faillite ». A travers cette logorrhée, assénée en masse médiatiquement, le lobby financier tente de situer ces errements et faillites au-delà du champ du possible dans une stratégie évidente d’évitement ou d’effacement.

La société civile et la classe politique américaines[iii] ont éprouvé de grandes difficultés à coaguler le choc et la colère issus de cette crise.  La technicité économique et juridique du sujet, la dissémination du risque financier dans toute l’économie, la culture de l’instant dans le tempo médiatique complexifient grandement les possibilités du lancement d’une véritable guerre cognitive sur la réglementation bancaire.

Toutefois, une réaction politique et juridique était indispensable au regard du retentissement mondial de cette crise et des engagements financiers énormes pris par la puissance publique tout autour du globe pour endiguer la crise et sauver la stabilité du système financier. Les gouvernements recapitalisent les banques en difficulté, garantissent les prêts ; les banques centrales libèrent les planches à billets dans un état d’urgence global. Il s’agit d’un sauvetage pour éviter l’effondrement du système. Le gouvernement américain met en avant le plan Paulson, du nom du Secrétaire au Trésor du moment, personnage hautement symbolique des dérives du secteur financier et de l’impunité dont bénéficie ses grands dirigeants, Paulson dénommé aussi le tueur officiel.

La détermination d’Obama à réaffirmer le leadership américain

La réaction se matérialise avec l’arrivée au pouvoir d’Obama et la mise en place du Dodd Frank Act. Ce dernier est un important package législatif dont le but est d’assurer la responsabilisation et la transparence du système financier. Il s’agit d’envoyer le message clair au contribuable américain, que les sauvetages sur denier public d’institutions financières déficientes ne se produira plus. Le défi est si vaste et complexe que la loi totalise un volume atteignant les 1000 pages et sa mise en application requiert une mécanique administrative énorme.

Mais le message est envoyé en interne et au monde. Obama utilise cette séquence législative et moralisatrice pour pousser une offensive mondiale de réaffirmation du leadership américain. Ceci passe avant tout par la diffusion de la puissance du droit américain à travers le monde et en commençant par ces alliés, le FATCA étant l’exemple le plus parlant,. La lutte contre la criminalité financière, souvent présentée à travers le prisme de la lutte contre les grandes criminalités organisées et le terrorisme permet de développer un discours sur les nouveaux outils de la régulation financière. En France, les lois Sapin caractérise cette offensive américaine dans le domaine de la régulation des affaires et du monde financier. Les Etats-Unis d’Amérique et leurs alliés entendent donc dicter la norme du monde financier et économique à venir en développant un discours sur l’exemplarité et la responsabilité. Toutefois cette juridicisation des affaires, bien que significative dans le champ informationnel public, n’a que très peu d’influence sur les rouages effectifs du secteur financier.

L’empirisme économique et financier continue de dominer. L’architecture financière mondiale atteint un volume si important, une complexité et une intrication telles, qu’elle apparait comme guidée par une réalité propre.  De plus, le secteur financier se positionne judicieusement comme variable d’ajustement et d’absorption face à tous les problèmes politiques de l’époque…le Covid en étant l’exemple paroxystique.

Le politique tente d’assoir son pouvoir via la moralisation du secteur financier mais se défausse régulièrement de ses responsabilités au profit de ce dernier. Les niveaux de dette souveraine ou privée atteignent des niveaux records tout autour du globe et les bulles spéculatives prêtes à exploser sont nombreuses.

Cet état d’instabilité offre des opportunités d’offensive à de nouveaux acteurs souhaitant redéfinir les règles du jeu de la finance mondiale dans leurs intérêts. La Chine et la Russie en tête, s’appuient sur le bloc émergent pour pousser leur agenda. La remise en cause du système financier mondial dans sa version américaine est permanente. D’anciens partenaires stratégiques de Washington à l’image de l’Arabie Saoudite, n’hésitent plus à se positionner au côté de l’axe Chine/Russie pour promouvoir des échanges financiers hors du système dollar. Les impératifs de développement économique des grandes entités démographiques (Chine, Inde, Afrique) exercent une pression constante sur le système et offrent une justification à cette tentative de renversement de l’échiquier.

Les banques et le monde financier sont-ils générateurs d’une guerre informationnelle ?

Les enjeux à court et moyen terme sont considérables :

. Affrontement entre les pôles USA/Chine sous fond de prédominance du dollar.

. Définition des règles d’équité économique au niveau mondial sous la pression existentielle des pays en voie de développement.

. Lutte contre le blanchiment avec en arrière-plan des organisations criminelles étant de véritables acteurs économiques.

. Définition du rapport de confiance entre le citoyen et l’institution financière avec des solutions techniques innovantes comme les crypto monnaies, qui se présentent elles-mêmes comme la garantie contre les errements de la finance institutionnalisée.

. Acceptabilité et signification de la dette, avec une dette mondiale record et des pays sous la contrainte d’agences de notation, évoluant dans un quasi-statut de clergé économique.

La réalité physique d’une croissance démographique exponentielle, de la raréfaction des ressources naturelles énergétiques et minières, du réchauffement climatique s’imposent à nous, avec l’idée que l’échelle des enjeux nécessite une réponse collective.

Le secteur financier est plus que jamais au centre du système nerveux mondial. Mais les leçons du passé ne présagent de sa capacité de s’en saisir ?

La question teste posée que la manière de créer les conditions d’un débat public et consistant sur ces sujets. L’incorporation d’un corpus écologique dans les normes comptables et financières se fera-t-elle au bénéfice du vivant et de l’humain ou bien au bénéfice des hyper-structures financières et techniques ?

 

Alexis Durand,
étudiant de la 41ème promotion MSIE

Notes

[i] Dans l’histoire de l’humanité, les échanges se sont d’abord exprimés par le processus du troc, matériel contre matériel mais aussi matériel contre immatériel (symbolisme, identité, sens, intermédiation). Puis par l’utilisation de la monnaie. La monnaie devient alors le vecteur principal des échanges et endosse les notions de confiance, de valeur et de temps, essentielles aux rapports socio-économiques. Longtemps, la monnaie aura nécessité d’être associer à des métaux (état permanent dans le temps, rareté) pour assumer ces trois qualités. La responsabilité de la gestion de ce vecteur primordial va tenir un rôle central dans l’économie politique des sociétés. Au fil du temps, cette gestion se consolida dans un système de compensation nommé système bancaire.

[ii] EGE, Cahiers de la guerre économique numéro 4, Pétrole et puissance, 2021.

[iii] Les mouvements tels qu’Occupy Wall Street ont semblé offrir un exutoire à cette colère sociale mais la structuration d’un discours publique éclairant et explicatif sur les rouages à l’origine de cette crise est restée faible avec une résonance limitée.