Polémique sur la méga usine de batteries CATL en Hongrie : un affrontement entre ORBAN et SOROS ?

« Le projet greenfield en Hongrie représentera une avancée spectaculaire dans le développement de CATL à l'échelle mondiale, ainsi qu'une étape importante dans le cadre de nos efforts visant à apporter une contribution remarquable à la promotion de l'énergie verte pour l'humanité. » a déclaré le fondateur et président Robin Zeng dans le communiqué du 12 août 2022 où le géant chinois des batteries lithium-on ‘Contemporary Amperex Technology Co., Limited’ (CATL) a officiellement annoncé qu'il investirait 7,34 milliards d'euros pour construire sa plus grande usine européenne de batteries de 100 GWh à Debrecen, dans l’est de la Hongrie pour une mise en service en 2025, qui est également sa deuxième usine de batteries en Europe après celle d’Erfurt en Allemagne. 

La Hongrie, Une ambition de superpuissance de production de batteries

L’annonce de l’investissement de CATL, considéré comme le plus gros projet d’investissement direct étranger jamais réalisé par la Hongrie,  confirme l’ambition de la Hongrie de devenir un atelier mondial de productions de batteries électriques. Au cours des 6 dernières années, la Hongrie a obtenu des engagements de plus de 14 milliards d'euros et 20 000 nouveaux emplois auprès des fabricants de batteries. En quelques années, la Hongrie s'est transformée en un acteur important dans la production de batteries électriques, centrée sur Debrecen. D'ici 2030, la production de batteries dans cette seule ville de 200 000 habitants rivalisera  avec celle de tous les pays européens à l’exception de l’Allemagne.
L’usine de Debrecen, située à proximité des bassins d’emplois d’Ukraine et de Roumanie, doit créer jusqu’à 9 000 emplois directs et indirects. Les batteries produites seront fournies dès 2025 aux trois grands constructeurs automobiles allemands présents en Hongrie : Audi, Mercedes mais surtout BMW qui construit également une usine à Debrecen pour produire des véhicules électriques.

Renforcement des investissement chinois en Hongrie

Depuis l’annonce en 2011 du gouvernement hongrois de sa politique « d’ouverture vers l’est », la Hongrie a intensifié ses relations  avec la chine dont les investissements totaux étaient entre 2 et 5 milliards d’euros . La Hongrie adhère au projet géostratégique des « nouvelles routes de la soie » pour lesquelles Pékin construit une ligne à grande vitesse sur quatre cents kilomètres entre Budapest et Belgrade, en Serbie, financée à 85 % (de 2,5 milliards d’euros) par un prêt de l’État chinois sur le tronçon hongrois. Il s’agit d’acheminer en Europe de l’Ouest les marchandises chinoises qui entrent en Europe par le port du Pirée, en Grèce, également sous contrôle chinois.

Les différents acteurs de la polémique

Après l’annonce de l’investissement, un bras de fer entre d’un côté le Gouvernement Orban et le numéro un mondial des batteries CATL et de l’autre des riverains appuyés par des associations écologistes, des ONG et des partis Politiques (les écologistes LMP, les centristes Momentum et le parti extrême droite Mi Hazánk,..).

Le 22 septembre 2022, l’association des communautés alternatives (Alternatív Közösségek Egyesülete) a organisé une table ronde en invitant des experts civils où durant la première partie il a été discuté de l’impact environnemental de cette nouvelle usine et examiné comment les investissements dans les usines de batteries se sont développés dans les villes Göd et Komárom, et en deuxième partie les participants ont exploré les possibilités pour les citoyens d’exprimer leurs opinions et de protester.

La catastrophe naturelle, la dépendance de la chine et une immigration massive comme arguments des anti-usine de batteries

Sur les réseaux sociaux comme dans les réunions des riverains l’ambiance était tout le temps électrique. Un forum citoyen organisé le 9 janvier à Debrecen a tourné court, en présence du représentant chinois de CATL. Rebelote[AdMdM1]  le vendredi 20 janvier, lors de l’audience publique organisé par la municipalité sur l’autorisation environnementale du projet où deux cents personnes ont hué les autorités locales et interrompu leurs interventions, en présence de représentants du parti écologiste LMP et du parti d’extrême-droite Mi Hazánk. Les opposants au projet craignent que l’usine ne menace l’approvisionnement en eau de la ville après l’épisode de sécheresse durant l’été 2022. Avec des besoins à hauteur de 3 000 à 6 000 mètres cubes par jour, la demande en eau de l’usine sera supérieure à celle de toute la ville de Debrecen. De plus, ils pointent le risque de rejet de substances toxiques dans l’environnement, alors que l’usine de batteries Samsung, à Göd, au nord de Budapest, enfreint elle-même les règles de sécurité industrielle et rejette des produits chimiques toxiques dans les eaux souterraines. La dépendance de la chine était aussi au cœur de l’attaque informationnelle, la crainte de voir l’influence de la chine grandir avec les derniers investissements et peser sur les décisions de l’état. Un rapport du Carnegie Endowment indique que « la Chine peut également tirer parti des liens locaux pour influencer la prise de décision de l'UE. »

Pour une partie de l’opposition, C’est l’afflux de main-d’œuvre étrangère qui est redouté. Conséquence de la forte émigration vers l’ouest de l’Europe après la crise des subprimes de 2008, la région connaît en effet une importante pénurie de main d’œuvres, que CATL ne pourra surmonter qu’en faisant venir des milliers de travailleurs d’Asie ainsi que d’Ukraine et de Roumanie ce qui met Le gouvernement d’Orban devant ses propres contradictions.

La réaction et les garanties du gouvernement et CATL ne calment pas la fronde

En réponse à la polémique, le gouvernement a confirmé que la majeure partie de la consommation d'eau de l'usine de Debrecen, environ 70 à 80 %, sera satisfaite par des eaux dites grises, ce qui signifie des eaux usées purifiées, de sorte qu'elles n'utilisent pas l'approvisionnement en eau de la ville. Pour sa part le groupe CATL s’est dit «ouvert aux questions et commentaires de la communauté locale», assurant de ses efforts pour «le développement durable» de Debrecen. Un permis environnemental a été attribué le 13 février 2023. Selon le bureau du gouvernement du comté Hajdú-Bihar gouvernement du comté Hajdú-Bihar, la demande de CATL a été soumise à un cadre environnemental strict qui est unique dans l'industrie européenne des batteries. La décision démontre le cadre strict des conditions qui garantiront le strict respect des conditions environnementales du projet.

Face au maintien des attaques informationnelles le gouvernement réagit

Pour sa part le secrétaire d'État du cabinet du Premier ministre Csaba Dömötör dans une Vidéo publiée sur facebook a indiqué que la polémique sur l’usine de batteries semble être une question environnementale mais l’investissement est attaqué en raison de l’intensification de la concurrence économique. Il a rappelé que CATL a construit le même type d’usine en Allemagne qui a débuté la production de batteries en décembre 2022 où gouvernent les socialistes et les verts et où le projet a été bien accueilli[AdMdM2] 

Dans une vidéo Facebook devenue virale, le journaliste Bohár Dániel a mis en lumière dans un reportage les relations entre les associations actives dans la mobilisation contre l’usine et l’open society foundations (OSF). Pour sa part, L’Association des communautés alternatives qui a organisé la première table ronde pour évaluer les impacts de l’usine, a reçu un financement total de 2,2 millions de dollars depuis 2017 de l'Open Society Foundations (OSF), de même pour l’association Ensemble pour Debrecen (Együtt Debrecenért Egyesület), qui a reçu environ 40.000 USD d'OSF entre 2019 et 2020 pour créer un média appelé Debreciner, qui a publié plus d’une cinquantaine d’articles dénonçant l’usine de batteries. Bohár a également lié les manifestations à l’opposition en évoquant la présence de personnes connues comme ‘Attila Bertalan’ pour apparaitre régulièrement lors de manifestations liées à l'opposition hongroise. Le reporter a mis en lumière les modes opératoires sensiblement identiques utilisés par OSF à savoir les mouvements d’opposition, les médias et les ONG.

Soros - Orban : ennemis jurés

Victor Orban a mené une lutte intense contre Georges Soros, qu’il accuse sous couvert de philanthropie d’ingérence dans les affaires de l’état hongrois et d’orchestrer une invasion migratoire du pays. La guerre informationnelle entre les deux hommes a atteint son summum lors de la campagne des législatives en 2018.

En août 2018, Open Society Foundations a quitté la hongrie pour installer ses bureaux en Allemagne à la suite de l’adoption d’un ensemble de lois dénommé  "Stop-Soros", parmi lesquelles une loi qui aurait permis de geler les comptes en banque et de saisir les documents de la fondation. Chaque année Open Society finance des associations hongroises à hauteur de 4 millions de $

En décembre 2018, l’Université d’Europe Centrale (CEU) délivrant des diplômes hongrois et américains fondée par Soros a délocalisé son site vers Vienne en Autriche à la suite de l’adoption d’une legislation obligeant les universités étrangères à avoir un site dans leurs pays d’origine. CEU, qui n'avait de campus qu'à Budapest, a signé un accord avec le Bard College de New York pour se mettre en conformité avec cette nouvelle loi 'lex CEU'. L'agrément confirmé par l'État de New York, n’a pas été validé par l’état hongrois.

La Chine confirme son soutien au gouvernement hongrois

Lors de sa tournée européenne en février 2023, et après ses visites à Paris et Munich,   le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a fait escale à Budapest, où les relations économiques entre les deux pays  ont été au cœur des entretiens dont le projet de la méga -usine CATL. Wang Yi a confirmé durant sa visite la volonté chinoise d'approfondir la coopération, en particulier dans le cadre de l'initiative "la Ceinture et la Route"

La politique de soutien de Pékin a joué un rôle clé dans le développement de CATL et, plus largement, de l'industrie chinoise de la batterie lithium-ion. En 2015, le secteur des véhicules électriques a été classé par le plan « Made in China 2025 » au rang de domaine stratégique de développement et, en 2016, le « Catalogue des fournisseurs de batteries » a exclu les producteurs japonais et coréens du marché chinois.

L'usine de Debrecen menacée par l'Inflation Reduction Act

Le 6 mars 2023, l’ONG britannique Transport and Environnement publie un rapport dans lequel elle souligne que 68% de la production prévue de batteries lithium-on en Europe à horizon 2030 « risque d’être retardée, réduite ou annulée ». En cause : le pouvoir de séduction exercé par les Etats-Unis et ses milliards de dollars promis par l’IRA (Inflation Reduction Act). Les projets européens les plus menacés par l’IRA sont ceux prévus en Allemagne (550 GWhs), mais aussi en Hongrie, Espagne, Italie, Grande-Bretagne. L’étude met en exergue les risques pesant aussi sur les sites du Chinois CATL à Erfurt (Allemagne) et Debrecen (Hongrie).

Quel futur pour l'industrie des batteries automobiles en Hongrie ?

La polémique de l’usine de batteries de Debrecen est la traduction d’un affrontement économique entre nations souhaitant se positionner sur les investissements de production des batteries électriques. Alors que le gouvernement et CATL continuent d’avancer dans la concrétisation du projet avec la délivrance permis environnemental, les tensions risquent de persister longtemps localement avec des risques de débordements violents si les manifestants intensifient les blocages des accès au site. 

 

El  Mahdi Guedbane,
étudiant de la 41ème promotion MSIE

 

Sources :

Les réseaux Soros à la conquête de l’afrique, Editions VA press, Auteurs : Stéphanie ERBS, Vincent BARBE, Olivier LAURENT

https://hungarytoday.hu/political-campaign-targets-chinese-battery-factory/

https://demokrata.hu/gazdasag/ezert-tamadjak-az-akkumulatorgyarat-635679/

https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-20/chinese-battery-plant-investment-faces-local-backlash-in-hungary

https://www.fdiintelligence.com/content/news/catl-announces-hungarys-largest-ever-investment-81374

https://thediplomat.com/2023/02/chinas-growing-foothold-in-hungary/

Quand le géant chinois des batteries déclenche une fronde en Hongrie (lefigaro.fr)

https://www.france24.com/fr/20180601-focus-hongrie-orban-anti-soros-loi-migrants-presse-media-fidesz

https://www.radiofrance.fr/franceinter/pourquoi-george-soros-et-sa-fondation-quittent-la-hongrie-1226883

https://www.budapesttimes.hu/hungary/environmental-permit-issued-for-catl-plant-in-debrecen/