Qatar Airways c. Airbus : La diffusion de l’information suffit-elle à dominer un rapport de force ?

Formé à la fin des années 1960, Airbus est un constructeur aéronautique européen – spécialisé notamment dans la confection d’avions de ligne pour du long-courrier – et l’un des plus grands avionneurs du monde aéronautique. En effet, près de la moitié des avions de ligne dans le monde du transport aérien appartiennent à Airbus et sont exploités par de nombreuses compagnies aériennes. Parmi celles-ci, la compagnie Qatar Airways, compagnie nationale de l’État du Qatar, fait voler des avions Airbus depuis le début de ses activités en 1994. A date, sur une flotte passagers de 196 appareils, 109 – soit 55% de la flotte – sont des appareils Airbus, contre 87 avions Boeing, constructeur américain en concurrence directe avec Airbus. Pourtant, dans le cadre d’un conflit récent entre l’avionneur et la compagnie, cette relation commerciale privilégiée se voit fortement remise en question.

Une relation a priori déséquilibrée

La relation entre l’avionneur européen et la compagnie qatarie est d’autant plus importante que Qatar Airways a été le client de lancement de l’A350-900, à la fin de l’année 2014, puis de l’A350-1000, en 2018. Notons que ce dernier avait deux objectifs au sein de la gamme Airbus : concurrencer de manière directe le Boeing 777-300ER, qui constituait la référence dans la catégorie des gros porteurs, et proposer aux compagnies une alternative à l'A340-600, dont le succès commercial n'a pas été celui escompté. Dans ce cadre, Akbar AL BAKER, PDG de Qatar Airways, a lui-même formulé la condition, pour cette nouvelle version de l’A350, qu’elle dépasse les 300 tonnes de masse maximale au décollage (Maximum Take Off Weight, MTOW) afin de dépasser les 15 000 km d’autonomie de l’A350-900, dont la masse maximale au décollage est de 280 tonnes. Ainsi, la masse maximale au décollage de l’A350-1000 atteint les 316 tonnes pour une autonomie de 16 100 km, ce qui a mobilisé une équipe de pas moins de 400 ingénieurs pour adapter l’appareil à cette masse plus grande (nouveau train d’atterrissage renforcé, modification de 90% des pièces de voilure, allongement des bords de fuite, entre autres). Sur un marché fermé, dominé par Airbus et Boeing, au sein duquel les enjeux économiques sont très importants – à titre d’exemple, au tarif catalogue 2018 l’A350-1000 valait 366,5 millions de dollars, soit environ 348 millions d’euros – et où la demande évolue à la fois au gré du taux de croissance annuelle moyen du trafic, des objectifs de décarbonation du transport aérien et du besoin en avions neufs, le rôle joué par Qatar Airways dans la conception de l’A350-1000 illustre parfaitement le déséquilibre des relations entre constructeur et compagnie : lorsque les enjeux sont aussi forts, il est difficile d’envisager que la conception de l’offre se fasse sans inclure l’émetteur de la demande – alors en position dominante – dans le processus, pour répondre au mieux à ses besoins, voire à ses conditions.

Dès mars 2020, la pandémie de COVID-19 a très fortement impacté les secteurs de l’aviation et de l’industrie aéronautique, du fait notamment de la multiplication des restrictions internationales sur les voyages, des confinements successifs à travers le monde, et du ralentissement sans précédent du trafic aérien. Les objectifs de l’année 2021 ont donc été établis dans une perspective de relance : alors qu’en 2020, Airbus annonce 268 commandes nettes d’avions, en 2021 ce chiffre s’élève à 507. Pour Qatar Airways en revanche, l’une des rares compagnies à avoir maintenu son activité tout au long de la crise malgré le coût du maintien des opérations, elle voit son nombre d’appareils et son nombre de passagers passer respectivement de 258 et 32 364 000 sur la période 2019-2020 à 250 et 5 829 000 sur la période 2020-2021. Ainsi, pour relever les défis de la reprise post-COVID, le PDG de Qatar Airways avait indiqué, en 2020, que la compagnie envisageait le « retrait progressif de ses 10 Airbus A380 sur une période s’étalant de 2024 à 2028 ». Il avait ensuite, en début d’année 2021, annoncé qu’il « tirait finalement définitivement un trait sur la moitié de sa flotte d’A380, jugeant que ces [très gros porteurs] n’étaient pas à la hauteur des enjeux actuels en termes économiques et d’empreinte environnementale ». Bien entendu, c’était sans compter l’évolution, dès janvier 2021, du rapport de force entre la compagnie qatarie à l’avionneur européen.

Chronologie du différend : l’escalade progressive d’un rapport de force informationnel

En novembre 2020, l’A350 de Qatar Airways immatriculé A7-ALL est envoyé dans les hangars de l’aéroport de Shannon (Irlande) pour y être repeint aux couleurs de la Coupe du Monde de Football 2022. Quelques semaines plus tard, plutôt que d’être renvoyé à Doha, l’avion décolle pour les ateliers toulousains d’Airbus. A l’annonce de la nouvelle, un porte-parole du constructeur déclare que des irrégularités superficielles ont été découvertes sur la surface du fuselage de l’appareil après le retrait de la première couche de peinture, ce qui aurait motivé son envoi à Toulouse, pour qu’il y soit inspecté à titre préventif et repeint. Il note également qu’il ne s’agit là que d’un souci « cosmétique » ne donnant lieu à aucune inquiétude en matière de sécurité de l’appareil. A titre informatif, on saura plus tard qu’il est dû à l’usage de fibre de carbone dans la composition du fuselage, moins conductrice de l’électricité que le traditionnel aluminium et nécessitant donc l’installation d’une maille métallique entre le fuselage et la peinture pour limiter les dommages causés par la foudre, posant ainsi des difficultés d‘adhésion de la peinture au fuselage du fait que la fibre et la maille ne s’étendent ni ne se contractent au même rythme.

Le 31 mai 2021, dans une interview donnée à Bloomberg TV, Akbar AL BAKER menace de cesser de prendre les livraisons d’Airbus si un mystérieux « problème » avec l’avionneur ne trouvait pas de résolution. Néanmoins, il refuse de confirmer qu’il s’agit du même problème rencontré sur l’A7-ALL. Le déséquilibre du rapport de force entre Airbus et Qatar Airways évolue alors et s’exprime désormais sur un nouveau terrain, puisqu’en évoquant un conflit naissant sans pour autant en divulguer la cause, le directeur général qatari abat une première carte, mettant Airbus sur la défensive : a priori, l’avionneur a tout intérêt à s’exécuter et à résoudre le problème plutôt que d’en faire la publicité, au risque de voir une faiblesse potentielle de la conception de l’un de ses modèles pointée du doigt, sur un marché où, on l’a évoqué plus haut, les enjeux sont forts et la concurrence rude, et où la relation entre constructeur et compagnie est cruciale. Il convient également de noter que Qatar Airways est alors le plus gros acheteur du modèle A350 et qu’à ce stade, 53 des 76 appareils commandés par la compagnie ont été livrés. Un peu plus d’une semaine plus tard, le bras de fer reprend de plus belle lorsque Qatar Airways met sa menace à exécution et déclare que jusqu’à l’identification de la cause de la dégradation anormale de la surface sous la peinture de certains des appareils – la compagnie révèle donc l’objet du différend – et l’apport d’une solution définitive par Airbus, elle ne prendrait plus les livraisons d’A350. Dans le même temps, la compagnie immobilise au sol une partie de sa flotte – on apprendra le 5 aout 2021 que 13 appareils étaient alors concernés – et annonce l’inspection de l’ensemble de ses A350. De son côté, Airbus invoque la confidentialité de ses échanges avec la compagnie et s’abstient de commenter la situation en détail. Toutefois, on comprend aisément que les deux parties ne font pas la même analyse de la situation : pour Qatar Airways et l’Autorité de l’aviation civile qatarie, le problème est sérieux au point d’immobiliser les appareils. D’ailleurs, au début du mois de novembre 2021, Qatar Airways se voit obligée, à contrecœur, de revenir sur sa décision de retirer les A380 de sa flotte, et doit en remettre la moitié en service pour compenser le remisage d’une partie de ses A350. Pour Airbus et l’Agence européenne de la sécurité aérienne en revanche, ce problème de peinture ne justifie pas de telles mesures et ne constitue pas un risque majeur, d’autant plus qu’à ce stade aucune autre compagnie n’a signalé des dommages à la peinture de ses A350. Cependant, le 29 novembre, la donne change lorsque l’agence Reuters révèle qu’au moins quatre autres compagnies – Cathay Pacific, Finnair, Etihad et Air Caraïbes – rencontrent désormais le même problème quant à la dégradation anormale du fuselage de l’A350-1000. Dans ce même article, l’agence de presse britannique publie des photos – non datées – de la surface craquelée d’un A350. Dans la foulée, par un communiqué de presse du 9 décembre, Airbus entre enfin dans l’arène : « Face à la mauvaise caractérisation continue de la dégradation non-structurelle de la surface de sa flotte d'avions A350 par l'un de nos clients, il est devenu nécessaire qu'Airbus cherche une évaluation juridique indépendante comme moyen dans le but de résoudre le différend, que les deux parties n'ont pas été en mesure de régler lors de discussions directes et ouvertes […] Les constatations relatives à la peinture de surface ont été soigneusement évaluées par Airbus et confirmées par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) comme n'ayant aucun impact sur la navigabilité de la flotte d'A350. La tentative de ce client de présenter de façon erronée ce sujet spécifique comme étant un problème de navigabilité représente une menace pour les protocoles internationaux sur les questions de sécurité ».

A la fin de l’année 2021, les tensions entre Airbus et Qatar Airways ont donc atteint un nouveau sommet : le premier, sans citer directement son client, l’accuse de faire preuve de mauvaise foi, remettant en question la sécurité de l’A350-1000 alors que d’autres compagnies affectées n’ont pas estimé nécessaire d’immobiliser leurs avions ; le second accuse l’avionneur de ne pas prendre au sérieux un potentiel risque à la sécurité en vol. Dès lors, Airbus et Qatar Airways s’engagent dans un affrontement informationnel, alimenté tant par des arguments de nature technique, qu’économique et judiciaire.

Qatar Airways, son PDG et les autorités nationales qataries, véritable triangle d’influence

A l’occasion de l’interview Bloomberg TV mentionnée plus haut, Akbar AL BAKER n’a pas hésité à évoquer son influence dans le monde de l’aviation, Qatar Airways étant notamment actionnaire de quatre compagnies et groupes dont les flottes sont toutes composées, au moins aux 2/3, d’appareils Airbus : LATAM Airlines Group, plus grande compagnie aérienne d'Amérique du Sud, Cathay Pacific, compagnie basée à Hong Kong, China Southern Airlines, l’une des trois grandes compagnies aériennes chinoises, et le groupe International Airlines Group (IAG), né en 2011 de la fusion entre British Airways et Iberia. L’environnement même est donc un facteur contributeur de la position dominante de Qatar Airways vis à vis d’Airbus. Par ailleurs, en prenant du recul, ce n’est pas la première fois que le constructeur fait les frais des propos acérés du PDG qatari : en novembre 2011 par exemple, à l’occasion du salon aéronautique de Dubaï, il dit d’Airbus qu’il donne l’impression d’être « toujours en train d'apprendre à faire des avions », en réaction à un différend relatif à l’A320. Après plusieurs rebondissements, le même jour, le dirigeant qatari annonce tout de même avoir placé une commande ferme de cinq A380 et de cinquante A320neo, non sans avoir conclu, quelques heures plus tôt, un accord avec la concurrence – Boeing – sur l’achat de deux 777 cargo, alors même que M. AL BAKER avait fait état d’un second différend entre sa compagnie et Airbus, ce dernier refusant apparemment de transformer les A330 de Qatar Airways en avions cargo.

Alors, représailles ou simple choix de l’offre jugée meilleure ? Le franc-parler incendiaire de M. AL BAKER brouille les pistes, et il semblerait que Boeing, qui fait bien moins régulièrement les frais de ses critiques acérées, lui serve par ailleurs de levier d’attaque : en octobre 2016 par exemple, très mécontent des retards de livraison des A320 et A350 d’Airbus, le dirigeant qatari a déclaré, lors d’une conférence de presse annonçant la signature d’un contrat de près de 18,6 milliards de dollars avec Boeing, que « Boeing a commencé à construire des avions avant tout le monde. Ils fabriquent les meilleurs avions, même si leurs concurrents ne vont pas apprécier ». Il ajoutera auprès de l’AFP que « Le but n'est pas de montrer du doigt Airbus ou de l'humilier. Nous avons et gardons des relations étroites avec Airbus et continuons à recevoir les appareils Airbus pour lesquels nous avons passé commande ». Le coup est d’autant plus dur pour Airbus que d’une part, les Qataris n’avaient pas acheté de monocouloir à l’avionneur américain depuis près de quinze ans, et d’autre part, en plus de la commande passée, une lettre d’intention pour l’achat de 60 Boeing 737MAX – concurrent direct de l’A320neo, pour lequel Qatar Airways avait pourtant été le client de lancement – avait été signée.

Qatar Airways peut donc compter à la fois l’impact de sa politique d’achat sur un marché où la concurrence est rude, sur la forte personnalité de son PDG, qui n’hésite pas à critiquer publiquement Airbus et quiconque le contrarie, sur le réseau dont elle dispose grâce à ses participations dans différents groupes… mais également sur les autorités qataries elles-mêmes : en effet, ces dernières n’hésitent pas à user de leur influence pour soutenir le développement de la compagnie, notamment en facilitant la signature de contrats commerciaux avec des entreprises françaises pour obtenir en échange une coopération renforcée avec certains États et, avec, une augmentation des droits de trafic de Qatar Airways vers des pays étrangers, première clef de développement pour une compagnie aérienne. Leur attribution, fruits de négociations bilatérales entre les États, sont souvent conditionnées par des facteurs politiques, diplomatiques ou concurrentiels et de ce fait, certains acteurs européens – dont Airbus, mais également Dassault par exemple, avec la vente de 24 Rafale au gouvernement qatari en mai 2015, bien que ce dernier ait réfuté tout lien entre le contrat et l’obtention de nouveaux droits de trafic par Qatar Airways vers Lyon et Nice –, font l’objet de pressions et sont fortement encouragés à soutenir et relayer les demandes du Qatar auprès des autorités nationales et notamment françaises.

Un rapport de force inversé

Au début du mois de janvier 2022, alors que 22 A350 sont désormais immobilisés, on apprend que Qatar Airways réclame à Airbus 618 millions de dollars en dommages et intérêts, et 4 millions supplémentaires pour chaque jour supplémentaire d’immobilisation de ses appareils. Il convient de noter que lorsqu’une commande est passée, la compagnie paie un acompte. C’est au moment de la livraison qu’elle paie le reste de son dû. Ainsi, en refusant la livraison de sa commande, Qatar Airways a non seulement manqué à ses engagements contractuels, mais a également perdu la somme versée en acompte. Les implications financières de cette action ont-elles précipité l’inversion du rapport de force ? Dès lors, tout s’enchaîne : deux semaines plus tard, Airbus riposte en annulant une commande de 50 A321neo, fait relativement inédit dans l’histoire des relations constructeurs-compagnies. Cette annulation sera suspendue temporairement, puis approuvée par un juge anglais. Airbus peut donc continuer à produire les appareils commandés par Qatar Airways et, si celle-ci continue à refuser leur livraison, peut ensuite les vendre à une autre compagnie. En représailles, Qatar Airways publie le même jour, sur YouTube, une vidéo montrant l’étendue des dommages subis par sa flotte d’A350 et, à peine dix jours plus tard, passe un accord pour 59 commandes fermes et 41 commandes en option avec Boeing, plus gros concurrent d’Airbus. Le 8 février, à la publication des livres de commande d’Airbus pour le mois de janvier, on découvre que 2 commandes d’A350 ont également été annulées. Une troisième annulation suivra en avril. Entre temps, Airbus réclame 220 millions de dollars de dommages et intérêts à Qatar Airways pour avoir refusé la livraison de ses A350. A la fin du mois de mai, le tribunal britannique décide que l’affaire fera l’objet d’un procès, ce que souhaitait Qatar Airways mais pas Airbus, qui a toujours exprimé la volonté d’un règlement à l’amiable, en privé. A l’issue de cette décision, la compagnie se dit donc satisfaite, puisqu’elle estime que son reproche fait à Airbus de ne pas admettre que l’érosion de la peinture des A350 soit due à un défaut de conception, et de ne pas y avoir apporté de solution satisfaisante, a été entendu par la Cour. De son côté, Airbus estime que la réaction de Qatar Airways n’est pas représentative de la décision du juge puisque ce dernier a ordonné à la compagnie de payer 97% de ses frais de justice et a levé l’injonction qui invalidait jusqu’à lors l’annulation du contrat A321neo, signifiant ainsi que le constructeur était dans son bon droit et que la compagnie avait bien manqué à ses engagements contractuels en refusant la livraison des A350.

L'issue judiciaire

Alors que le procès doit avoir lieu à l’été 2023, le dernier épisode en date de ce conflit n’est pas des moindres : annoncé au mois d’août puis confirmé au tout début du mois de septembre dernier, Airbus a annulé toutes les commandes d’A350 restantes de Qatar Airways. Cet ultime rebondissement finit d’entériner l’évident retournement du rapport de force entre l’avionneur et la compagnie qatarie : alors qu’on pouvait penser, au début du conflit, qu’Airbus était en quelque sorte à la merci de son client, qui, s’il n’était pas satisfait par les solutions proposées, aurait pu user de son influence pour sérieusement impacter la réputation d’Airbus et, grâce aux autorités qataries, éventuellement porter atteinte aux contrats conclu entre le Qatar et différentes entreprises européennes, la vapeur s’est progressivement inversée. Il en ressort qu’Airbus est désormais suffisamment solide pour choisir ses clients, et ce même sur un marché où, on l’a dit plusieurs fois, la concurrence est rude. Ayant admis un défaut de qualité sur l’A350 mais réfutant tout problème de sécurité, soutenu par le régulateur européen, conforté par l’absence d’une telle réaction de la part des autres compagnies affectées, et malgré les tentatives de déstabilisation de Qatar Airways – menaces, actions en justice, attaques informationnelles, diffusion de vidéos etc. –, l’avionneur prévoit la livraison de 700 avions pour l’année 2022 et a annoncé récemment qu’une réflexion était en cours pour augmenter la cadence de production des gros porteurs afin de continuer à répondre aux besoins du marché. Cela témoigne de sa remarquable montée en puissance, et ce en dépit de la crise sanitaire. L’action, où ici la réaction, joue-t-elle donc un rôle plus important que l’information dans un rapport de force ?

Qatar Airways, à travers M. AL BAKER notamment, a toujours pratiqué des formes de pressions qui parfois s’apparentent presque à du chantage : jusqu’à lors, il était régulier que des avions, Airbus comme Boeing, soient refusés au moment de la première livraison pour des motifs parfois minimes (irrégularités de peinture invisibles à l’œil, défaut de pose d’une moquette etc.). Cette fois-ci néanmoins, ce souci du détail qui peut être interprété comme une méthode de négociation commerciale, permettant d’argumenter des remises sur la base de reproches souvent esthétiques, a donné lieu à un bras de fer qui s’est envenimé au-delà de l’habituel. Ici, cela prend une dimension particulière, d’une part car les sommes en jeu sont importantes, mais également car il est difficile d’imaginer que la situation se résolve sans qu’aucune des deux parties ne perde la face. En sus, pour Qatar Airways, alors qu’elle semblait avoir les armes, l’influence, pour dominer ce conflit, la situation est désormais bien moins avantageuse qu’au départ : seule compagnie, parmi celles ayant rencontré ce problème de peinture, à avoir immobilisé ses appareils et intenté une action en justice contre Airbus, résultant en l’annulation d’un nombre important de commandes, elle doit désormais faire face à l’importante augmentation de la demande attendue en cette fin d’année, à l’occasion de la Coupe du monde de football organisée au Qatar. Les répercussions économiques de ce conflit ont-elles fait perdre du terrain à la compagnie dans ce rapport de force ? Sera-t-elle désormais dominée dans sa future relation commerciale avec Airbus ? Son refus à régler ce différend à l’amiable et sa volonté implacable d’assigner Airbus en justice auront-ils des conséquences sur sa relation avec d’autres constructeurs ? Le coût financier de la manœuvre en valait-il vraiment la chandelle ? Ce sont là des questions auxquelles seul l’avenir, à commencer par le procès estival qui attend les deux parties, éclaircira.

 

Anne Bakupa (SIE 26 de l’EGE)

 

Sources