Reuters, la BBC et Bellingcat, au cœur d'une confrontation informationnelle avec la Russie

Le 20 février 2021, The Grayzone, blog américain de journalistes d’investigation, relate que de nouvelles fuites de documents montrent l’implication de Reuters et de la BBC dans des programmes secrets du ministère britannique des Affaires Etrangères. En substance, ces entreprises seraient impliquées dans un processus visant à provoquer un «  changement d’attitude  » et « d’affaiblir l’influence de l’État Russe ». Ces actions sont notamment épaulées par des prestataires des services de renseignement et par Bellingcat. Dans les jours qui suivent, Russia Today et Sputnik, organes de presse russes reprennent et diffusent ces informations.

De telles assertions pourraient rappeler les wikiLeaks de Julian Assange qui, en 2010, avaient été révélées par le Guardian, le New York Times, le Monde et le Spiegel. Ces fuites d’informations rendaient publiques les War Logs, des documents militaires américains secrets sur la guerre en Afghanistan, en Irak et sur la diplomatie Américaine. Elles avaient trouvé de nombreux échos dans la presse internationale et avaient éclaboussé Washington.

Tel n’a pas été le cas avec les dernières révélations de février, ce qui est surprenant. Qu’est ce qui justifie qu’une telle information ne soit pas reprise par l’ensemble des médias mainstream britanniques et par une presse tabloïde d’habitude si prompte à se délecter de tout scandale. Les contextes économique, politique, géopolitique voire idéologique entre l’Angleterre et la Russie justifieraient-ils une telle inertie de la part d’une presse d’outre-Manche réputée libre, ouverte, honnête et objective.

Présentation des acteurs de presse britanniques et russes

Côté britannique, 3 acteurs médiatiques sont incriminés.

Reuters, est une agence de presse mondiale  généraliste fondée en 1851 à Londres. Elle est rachetée, en 2007, pour 17,2 milliards de dollars, par le groupe d'informations financières canadien Thomson et devient Thomson Reuters et compte 27000 salariés. Elle se consacre dorénavant principalement aux services financiers, l’information généraliste ne représentant plus que 10% de son chiffre d’affaire. Près de 2 400 journalistes, rédacteurs, photographes et caméramans travaillent dans 196 pays à travers le monde.  En 2018, elle se restructure et poursuit la délocalisation des informations en augmentant notamment le nombre de rédacteurs du bureau de Gdynia en Pologne où les journalistes rédigent de courts bulletins d'information sans sortir sur le terrain. Avec la crise liée au Covid 19, Thomson Reuters  licencie 3200 salariés, soit 11% de ses effectifs et ferme 55 bureaux dans le monde. Malgré ses restructurations successives, elle continue à jouir d’une réputation internationale de probité et d’excellence journalistique.

 La British Broadcasting Corporation (BBC), est un service public, fondée en 1922. C’est la plus ancienne et importante société de TV et radiodiffusion au monde en matière de revenu brut et de (télé)spectateurs. Elle bénéficie d’une réputation d’excellence culturelle. Dans sa charte de valeurs elle insiste sur son indépendance, son impartialité et son honnêteté. Cependant, en décembre 2019, Boris Johnson l’accuse de ne pas être impartiale, le groupe audiovisuel prendrait parti, selon lui, en faveur des anti-conservateurs. Le Premier ministre considère pour cette raison que la BBC ne mérite pas de recevoir des fonds publics et envisage de décriminaliser le non-paiement de la redevance, ce qui pourrait avoir pour effet une diminution de 240 millions d'euros de revenus.

La BBC étant accusée par le camp conservateur d'être « trop partisane, trop à gauche et foncièrement anti-brexit », Tim Davie, son nouveau directeur général, entend procéder à un certain recadrage des émissions et, selon la presse, aurait l’intention de supprimer certaines émissions humoristiques trop « gauchisantes » et faisant preuve de parti pris sur des questions sensibles comme celle du Brexit. Avec la crise du Covid 19, la BBC licencie 450 salariés soit 7,5% des employés travaillant pour l’Information.

Bellingcat est un site Web de journalisme d'investigation spécialisé dans la vérification des faits et le renseignement en source ouverte, fondé par le journaliste britannique et ancien blogueur Eliot Higgins en juillet 2014. Ce site internet publie les résultats des enquêtes de journalistes professionnels et citoyens sur les zones de guerre, les violations des droits de l'homme et la criminalité financière.  Il a notamment enquêté sur l'utilisation d'armes dans la guerre civile syrienne, la guerre dans le Donbass incluant l'abattage du vol Malaysia Airlines 17, ainsi que sur les empoisonnements des Skripal, et d'Alexeï Navalny. En 2019, Bellingcat reçoit le prix du reportage d'investigation du European Press Prize pour avoir identifié les deux hommes soupçonnés de l'empoisonnement de Sergei et Ioulia Skripal.

Côté russe, RT, anciennement Russia Today, est une chaîne de télévision d'information internationale en continu, financée par l'État Russe. Elle a été lancée en décembre 2005 par l'agence de presse RIA Novosti dans le contexte des conséquences des révolutions de couleurs de certaines ex-Républiques Soviétiques ainsi que dans celui de la seconde guerre de Tchétchénie. Son objectif est de diffuser une image de la Russie et une vision de l'actualité différentes de celles des médias de masse occidentaux. Elle a pour finalité de « briser le monopole des médias anglo-saxons dans le flux mondial de l'information ». La chaîne est présentée comme un élément du « soft power » russe.

Sputnik, est une agence de presse multimédia internationale au sein de Rossiya Segodnya. Elle est lancée officiellement par le gouvernement russe en novembre 2014, et remplace l'agence d'informations RIA Novosti. Elle propose d'apporter « un regard russe sur l'actualité ».  Proche du Kremlin, Margarita Simonovna Simonian, sa rédactrice en chef est également la rédactrice en chef de RT ainsi que de l'agence gouvernementale d'informations Rossia Segodnya.

Fin février 2021, RT et Sputnik reprennent les informations du blog américain, The Grayzone, qui montrent l’implication de Reuters et de la BBC dans des programmes secrets du Ministère Britannique des Affaires Etrangères. Une telle affirmation pourrait entacher l’image internationale d’excellence et de probité des deux groupes de médias britanniques et détruire leur réputation.

Présentation et analyse de l'article de Grayzone.

L’information du blog américain, The Grayzone, d’un article intitulé « Reuters, BBC, and Bellingcat participated in covert UK Foreign Office-funded programs to “weaken Russia,” leaked docs reveal » est particulièrement longue et exhaustive. Elle intègre des documents présentés comme provenant d’entreprises, d’administrations ou officines publiques britanniques. L’appropriation de ces documents n’est jamais précisée. Ceci laisse à penser qu’ils pourraient avoir été dérobés.

En résumé, l’article montre que ces dernières années, la BBC et Reuters ont joué un rôle de plus en plus agressif pour diaboliser les gouvernements des pays où Londres et Washington cherchent à obtenir un changement de régime. Pendant ce temps, des sites d’investigation en ligne très médiatisés comme Bellingcat voient le jour, apparemment du jour au lendemain, pour soutenir ces efforts. Et de conclure, qu’avec la publication des documents du Ministère Britannique des Affaires Etrangères (MBAE), il convient de se demander si la BBC et Reuters sont vraiment les entités journalistiques indépendantes et éthiques qu’elles prétendent être. Alors qu’elles dénoncent les États « autoritaires » et les activités malveillantes de la Russie, elles ont peu à dire sur les machinations des puissants gouvernements occidentaux dans leur entourage immédiat. L’article interroge, pour finir, « sur leurs hésitations à mordre la main qui les nourrit ».

Exhaustivement, l’article précise que le MBAE a sponsorisé Reuters et la BBC pour mener une série de programmes secrets visant à promouvoir un changement de régime en Russie et à saper l’influence de son gouvernement dans toute l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, selon une série de documents divulgués. Ces documents montrent que la Fondation Thomson Reuters et BBC Media Action participent à une campagne de guerre de l’information secrète visant à contrer la Russie. Travaillant par l’intermédiaire d’un département discret au sein du MBAE, connu sous le nom de Développement de la Contre-Désinformation et des Médias (DCDM), les organisations médiatiques ont opéré aux côtés de prestataires des services de renseignement, dans une entité secrète sous le nom de « Consortium ».

Grâce à des programmes de formation de journalistes russes supervisés par Reuters, le MBAE  a cherché à produire un « changement d’attitude chez les participants », en suscitant un «  impact positif » sur leur « perception du Royaume-Uni ». On voit également dans l’article, les services de renseignements russes montrant Vladimir Achourkov, le directeur de l’organisation anti-corruption FBK de Navalny, rencontrer en 2012 un agent britannique présumé du MI6 nommé James William Thomas Ford, qui opérait depuis l’Ambassade Britannique à Moscou. Au cours de ce rendez-vous, Achourkov peut être entendu demander 10 à 20 millions de dollars pour générer « une image différente » du paysage politique.

Plus loin dans l’article, Chris Williamson, un ancien député travailliste britannique, déclare que : « Ces révélations montrent que lorsque les députés s’en prenaient à la Russie, les agents britanniques utilisaient la BBC et Reuters pour déployer exactement les mêmes tactiques que celle utilisée par la Russie». Et de poursuivre : «La BBC et Reuters se présentent comme une source d’information mondiale irréprochable, impartiale et faisant autorité, mais tous deux sont maintenant énormément compromis par ces révélations. Cette politique de deux poids, deux mesures ne fait que jeter le discrédit sur les politiciens et les sociétés de médias».

L’article a été écrit par Max Blumenthal qui est un blogueur, auteur, journaliste et militant américain. Il est le fils de Sidney Blumenthal, ancien journaliste puis conseiller de Bill Clinton.   Après un voyage à Moscou, à l’occasion du dixième anniversaire de RT en décembre 2015, son point de vue sur des thèmes d’actualité a complètement basculé, notamment sur sa perception de la guerre en Syrie. Il créé alors le blog, The Grayzone, à la même époque. Il est taxé d'« idiot utile de Poutine » par un journaliste du New York Times pour sa défense de la Russie ainsi que ses attaques contre les militants pro-démocratie en Ukraine.

L’article est repris, sous forme d’interrogation sur la véracité des informations, par RT le 22 février. Cependant, RT complète l’article par les propos de  la porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères Russe, Maria Zakharova qui précise, le 20 février sur Facebook, que « le Foreign Office aurait également mis en place un réseau d'agents d'influence dans le segment Russophone  des réseaux sociaux».  On notera la diligence du Kremlin qui, via Maria Zakharova, s’exprime sur l’article le 20 février, sans prudence et retenue, le jour même de sa diffusion internationale. Cette information semble donc requérir une importance stratégique au plus haut niveau russe.     

Sputnik publie l’article le 24 février et complète l’article par des points de vue extrêmement tranchés sur la supposée propagande anti-russe des britanniques et américains. L’article est traduit par Christelle Néant, journaliste française vivant en Ukraine pour un blog, pro-russe, intitulé « Donbass Insider ». Ce blog défend la position de Moscou au Donbass, en Ukraine, où des indépendantistes pro-russes sont militairement opposés au pouvoir central ukrainien.

En avril 2021, l’article de The Grayzone n’a été retwitté que de l’ordre de 600 fois, ce qui n’est pas énorme. Ce tweet avait pour origine Aaron Maté, journaliste affilié à « The Grayzone ». Une des personnes écrit dans son tweet qu’elle estime que ces informations ont été hackées et qu’en conséquence elle ne les retwitterait pas.  Sur Facebook, le même Aaron Maté, diffuse le même article.  Sur Agoravox, l’article publié par Christelle Néant, n’est commenté que par 6 bloggeurs, ce qui ne fait pas un franc succès.  Sur Reddit, l’article est commenté 16 fois.

En 2 mois, l’information n’est reprise qu’en Inde, par le site conspirationniste, « Great Game India », avec un résultat tout aussi médiocre en termes de commentaires et de tweets. Ce site anti américain ne semble pas être de facture indienne. Le nom du site « le grand jeu » fait référence au grand jeu géopolitique du XIXème siècle entre le Royaume-Uni et la Russie. Pour information, la Russie peut être amenée à faire appel à des ressources situées en Inde pour effectuer des campagnes internationales de hacking. Alors que les wikiLeaks de Julian Assanges avaient fait la une de nombreux journaux internationaux avec les conséquences retentissantes que l’on connait, cet article a fait long feu très rapidement.  Ces informations obtenues sans plus de précisions pourraient être caviardées. Il pourrait s’agir d’un « Kompromat » dans lequel les russes excellent depuis la guerre froide.

Pour rappel, à l’époque du rideau de fer, en 1975, les rapports de la Commission Pike (Chambre des représentants des États-Unis) et de la Commission Church (Sénat des États-Unis) mentionnent que la CIA recrute des journalistes américains et britanniques. La CIA n'avait pas d'agents à Reuters, qu'elle considérait comme territoire du MI6, mais au besoin, elle utilisait les agents du MI6 postés à Reuters pour publier ses propres histoires« its own stories ».

D’autre part, la BBC a entretenu des rapports très étroits avec le MI5 depuis les années 1930 jusqu'aux années 1990, qui marque la fin de la guerre froide. Le personnel qu'elle embauchait devait notamment recevoir l'aval de ce dernier. Pendant des décennies, la BBC a nié que les candidats à l'emploi aient fait l'objet d'un filtrage politique par les services secrets britanniques, mais en fait, la sélection a commencé dès les premiers jours de la BBC et s'est poursuivie jusque dans les années 1990.

Différents postes étaient soumis à l'approbation du MI5. Le contrôle ne concernait pas seulement le directeur général, les hauts fonctionnaires et leurs assistants ; il s’étendait à des milliers d'employés qui participaient à des émissions en direct, la BBC s'inquiétant d’une possibilité de partialité ou de perturbation sur les ondes. Ce type de contrôle était connu sous le nom de « contre-subversion ». Le système de filtrage, qui s’est poursuivi jusque dans les années 1990 s'appliquait également à des dizaines d'autres employés, notamment des producteurs de télévision, des réalisateurs, des ingénieurs du son, des secrétaires et des chercheurs.

Pour en revenir à l’article du blog, The Grayzone, il semble que la presse locale, internationale et les médias sociaux ne se fassent plus la caisse de résonnance de tout type d’informations, aussi justifiées et détaillées soient-elles.  Un black-out total a donc été mis en place internationalement. L’Union Européenne dans un document intitulé « Hacks, leaks and disruptions » de 2018 met en exergue la cyber-stratégie russe. Elle y dévoile, exemples à l’appui, que les vols d’informations sensibles par des hackers et leurs fuites instrumentalisées dans la presse est une stratégie russe permettant de créer de la disruption dans le ou les pays visés.  

L’omerta globale au sujet de cet article, empêche la Russie d’exercer son pouvoir d’influence et de nuisance. Il semble donc que nous soyons passé d’une infoguerre cinétique, de courte durée, à une infoguerre de siège, dans laquelle une doctrine informationnelle a été mise en place afin d’effectuer un tir de barrage, une Omerta, sur toute tentative de déstabilisation.  Cette nouvelle stratégie semble, mondialement coordonnée, et est extrêmement efficace. Pour comprendre la transition à une infoguerre de siège, il faut expliquer l’évolution de la dégradation des rapports russo-britanniques.

Contexte de la récente confrontation informationnelle russo-britannique

En Grande Bretagne, les années 2000 sont marquées par les scandales à répétition mettant en cause « News of the World », journal conservateur filiale du groupe, News Corporation, du milliardaire australo-américain conservateur, Rupert Murdoch.  Le journal a effectué des écoutes téléphoniques de personnalités politiques, journalistiques et artistiques britanniques.  Ceci a abouti à l'ouverture d'investigations par la police, le gouvernement britannique, ainsi que par le FBI.  En conséquence du jugement, le journal cesse de paraître en juillet 2011.

Il est surprenant de constater que cette ingérence étrangère n’ait pas eu plus de conséquences pour le groupe de presse et son PDG qui continuent à œuvrer dans le pays. La raison d’être de Russia Today en 2005 vient de la manière dont les révolutions de couleurs et la seconde guerre de Tchétchénie ont été présentées par les médias mainstream occidentaux, notamment anglo-saxons. Le parti pris et l’orientation donnée aux reportages par ces acteurs médiatiques convenaient peu à la Russie.

Les relations entre les différents organes de presse des deux pays sont restées cependant correctes jusqu’en 2014, année du rattachement de la Crimée à la Russie, de la guerre en Ukraine et du référendum sur l’indépendance Ecossaise. A cette époque, Alex Salmond, ancien Premier Ministre écossais explique  à RT qu’il estime que les reportages de la BBC sur le référendum écossais sont biaisés. La même année, avec l’arrivée de Sputnik, plus politiquement engagée que RT, les relations de la presse russe et britannique ont commencé à se tendre. The Guardian, journal britannique de gauche, écrit en 2014 un article « BBC World Service fears losing information war as Russia Today ramps up pressure » dans lequel il est expliqué que la BBC craint de perdre la guerre de l’information contre RT et Sputnik sur des sujets comme l’Ukraine.

A compter de septembre 2015, marquant le début de l’intervention militaire russe en Syrie,  les joutes informationnelles entre la BBC et RT ont franchi un nouveau cap. Les résultats du référendum sur le Brexit ont également exacerbé les tensions en 2016. La Russie est taxée d’avoir pratiqué de la désinformation de masse en diffusant et amplifiant via les réseaux sociaux des messages pro-brexit. Des bots russes auraient multiplié automatiquement le partage de ces informations et des trolls auraient appuyé leurs commentaires. On parle d’opérations d’astroturffing utilisant l’intelligence artificielle pour créer les messages d’appui.

Dès lors, les relations n’ont fait qu’empirer. :

En janvier 2018 à Davos, les journalistes de RT et de la BBC débattent de manière engagée de leurs convictions journalistiques. Le 4 mars 2018, Skripal, un ancien espion russe, vivant en Angleterre, et sa fille sont empoisonnés par des agents russes. 14 jours plus tard se déroulent les élections présidentielles russes. 3 mois plus tard débute la coupe du monde de foot en Russie, puissant objet de projection de soft power. La date d’empoisonnement des Skripal tombe au plus mauvais moment pour un pays qui cherche à briller internationalement.

En septembre 2018, apparait l’interview RT editor hangs up on Kirsty Wark - BBC Newsnight sur l’empoisonnement des Skripal.

En Juillet 2019, le British Foreign and Commonwealth Office bannit RT et Sputnik de la conférence « Global Conference for Media Freedom » au motif qu’ils contribuent à la propagation de désinformations. En aout 2020, l’empoisonnement d’Alexei Navalny marque un nouveau tournant et crispe davantage des relations déjà bien tendues.

En janvier 2021, l’arrivée hypothétique de deux nouvelles chaines de TV conservatrices, GB news et News UK TV est annoncé alors que SkyNews de Rupert Murdoch est déjà conservatrice. News UK TV est lancé par Rupert Murdoch. GB TV est notamment financée par Paul Marshall, le propriétaire d’un fonds spéculatif qui a beaucoup participé à la réflexion idéologique autour du Brexit. Andrew Cole, l’homme d’affaires américain également derrière le projet, ne cache pas son objectif : « La BBC doit être brisée. [Ce groupe] est honteux, et est une mauvaise chose pour la Grande-Bretagne », écrit-il sur LinkedIn. Comme une large partie de la droite britannique, il trouve le groupe audiovisuel public trop connoté à gauche et trop politiquement correct.  

Il semble donc que la coloration politique à venir des chaines de TV britannique devienne plus conservatrice que ce qu’elle n’a été. Steve Bannon, conservateur américain, a été plutôt explicite sur sa vision de la BBC dans sa contribution au journal conservateur américain, Breitbart News, en la comparant à un organe de propagande de gauche progressiste composé de marxistes et d’anarchistes.

Dans une tribune du Guardian, la BBC estime qu’il est plus que nécessaire que l’Ofcom, autorité de régulation des médias britanniques, joue un rôle majeur afin d’éviter les informations toxiques, telles que celles pouvant exister aux Etats Unis. Courant 2021, afin de lutter contre la désinformation, il sera créé, au sein d’une autre autorité de régulation, la Digital Markets Uni qui régulera les médias sociaux et les sites internet.

En janvier 2021, la BBC présente l’éventuel palais de Poutine dans la vidéo donnée par Alexei Navalny. Cette vidéo est vue 90 millions de fois.

En février 2021, la BBC montre l’arrestation arbitraire d’opposants à Navalny en Russie. Le même mois, l’article de RT et Sputnik sur la BBC, Reuters et Bellingcat apparait et semble être une contre-mesure russe contre les informations sur le « supposé » palais de Poutine.  En septembre 2021, les élections législatives russes auront lieu afin d’élire les parlementaires de la Douma. Les enjeux politiques pour Poutine sont énormes. Décrédibiliser la probité de la BBC et de Reuters avant les élections est primordial, s’il veut que son parti remporte les élections.

Il est intéressant de noter, par deux fois, la congruence entre les empoisonnements d’opposants russes et la tenue dans les jours ou mois qui suivent d’élections présidentielles ou législatives. Cela ne pourrait-il pas ressembler à un pattern avant des échéances importantes pour le pays ? La survie des cibles à l’empoisonnement semble également être caractérisée. En avril 2021, Sputnik quitte le Royaume Uni au motif de l’hostilité britannique. Deux mois plus tôt, CGTN, média chinois était sommé de quitter le Royaume par les Autorités compétentes. Par mesure de rétorsion, la BBC est dorénavant interdite en Chine. La guerre de l’information fait ses premières victimes sur le sol britannique. La situation des médias « dissonants » est donc en cours de durcissement.

La Relation Spéciale entre la Grande Bretagne et les Etats Unis.

En 2020, Il est intéressant de constater que le rapport de la commission parlementaire portant sur le référendum Ecossais et sur celui du Brexit arrive à deux conclusions différentes. Dans le premier cas, il est démontré que la Russie a contribué à promouvoir l’indépendance de l’Ecosse alors que dans le second cas, elle n’a pas influé sur les résultats du référendum sur le Brexit. A la suite de ce rapport, le gouvernement de Boris Johnson n’a pas autorisé d’enquête approfondie sur le référendum du Brexit. Une enquête sur ce dernier point n’aurait-elle pas remis en cause les résultats du scrutin ou aurait-elle mis en exergue le rôle déterminant de Cambridge analytica, du milliardaire américain conservateur, Rober Mercer. L’Etat a ses raisons que la raison n’a pas. La Relation Spéciale qu’entretiennent les Etats Unis et la Grande Bretagne pourrait en être la principale. Cette relation née en 1946 à l’avènement du Rideau de Fer a marqué la politique américaine et anglaise contre l’ennemi commun Russe.

Les raisons de la confrontation anglo-saxonne avec la Russie

Au commencement était le verbe. Au crépuscule de l’Union Soviétique, le président américain George H.W. Bush et le secrétaire général de l'Otan de l'époque Manfred Wörner, avaient assuré au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, que l'Alliance atlantique ne s'élargirait pas à l'est, au-delà de l'Allemagne de l'Est, après la réunification allemande d'octobre 1990. Tous voyaient cet engagement comme une "garantie de sécurité" donnée à l'Union Soviétique en échange de son accord à la réunification des deux Allemagne. Cette promesse n'a toutefois jamais été couchée par écrit, ce qui a valu par la suite au président soviétique d'être accusé d'avoir fait preuve de naïveté.

L'élargissement de l'Otan a néanmoins eu lieu après une décision du président américain suivant, Bill Clinton, en 1994, qui a conduit à l'adhésion de la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, cinq ans plus tard. La Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie y ont adhéré en 2004. L'Albanie et la Croatie en 2009 et la Macédoine du Nord en juin 2020. En juin 2002, l’abrogation unilatérale par les Etats Unis du traité ABM, interdisant les missiles antibalistiques, qui a longtemps constitué la clef de voûte de l'équilibre nucléaire entre les Etats-Unis et l'URSS, a été perçu par la Russie comme un tournant géopolitique majeur.

Les révolutions ou tentatives de révolution en Moldavie, en Biélorussie, en Ukraine, en Géorgie, en Macédoine, au Kyrgyzstan, le démantèlement de la Yougoslavie, les guerres de Tchétchénie, de Géorgie, d’Ukraine et le coup d’état en Azerbaïdjan, appuyé par la bienveillance d’ONG et de médias anglo-saxons, ont fini par cristalliser la nécessité d’une nouvelle doctrine géopolitique Russe. Concomitamment, afin de sauvegarder les liens économiques des États post-soviétiques, la Russie, la Biélorussie, et le Kazakhstan créent la Communauté des États Indépendants en décembre 1991.

Afin de promouvoir une intégration économique approfondie et plus de coopération, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan établissent, en 2000, la Communauté économique eurasiatique que l'Ouzbékistan rejoint en 2006. Par la suite, l’Union Economique Eurasiatique (UEEA) est fondée en mai 2014. Elle est composée de cinq pays de l’ex-bloc soviétique. Sept autres pays sont potentiellement candidats ou observateurs.

 Les États-Unis sont opposés à la création de l'Union Economique Eurasiatique, considérant qu'il s'agit d'une tentative de rétablir une Union basée sur le modèle de l'Union Soviétique et dominée par la Russie au sein des États post-soviétiques. La nouvelle Union pourrait en effet constituer un obstacle à l'extension de l'influence du pouvoir nord-américain sur le continent eurasiatique.  La secrétaire d'État des États-Unis Hillary Clinton déclara en décembre 2012 : « Cela ne portera pas le nom d'URSS. Cela portera le nom d'union douanière, d'Union économique eurasiatique, mais ne nous y trompons pas. Nous en connaissons les buts et nous essayons de trouver le meilleur moyen de le ralentir ou de l'empêcher ».

L’arrivée au pouvoir du Président Trump, russophile, appuyé dans un premier temps, par les conseils pragmatiques d’Henri Kissinger, chantre de la détente avec l’URSS, n’a rien changé à la politique étrangère de long terme des Etats Unis, inspirée de la doctrine Brzezinski.  Cette ancienne doctrine américaine, pensée par Zbigniew Brzezinski, est basée sur le contrôle des pivots géopolitiques que sont les ex-Républiques Soviétiques ou pays affiliés.  En 1997, Zbigniew Brzezinski réactualise la théorie du Grand Echiquier, ou « New Great Game ». Cette dernière se base sur l'idée que l'amélioration du monde et sa stabilité dépendent du maintien de l'hégémonie des États Unis. Toute puissance concurrente est dès lors considérée comme une menace pour la stabilité mondiale. La domination américaine ne peut être pleinement réalisée et atteindre ses objectifs qu'en travaillant avec l'Europe, notamment avec le Royaume Uni.

L’avènement de l’idéologie « Global Britain ».

Le Grand Jeu, ou « Great Game », fait référence à la rivalité coloniale entre la Russie et la Grande Bretagne en Asie au XIXème siècle qui a amené, entre autres, à la création de l'actuel Afghanistan comme État-tampon entre ces deux Empires. En 1997, année où Brzezinski théorise le « New Great Game », apparait au Royaume Uni le lobby « Global Britain » fondé par trois Lords, conservateurs ou sans étiquettes, profondément atlantistes et anti européens. Ils souhaitent que le Royaume Uni quitte l’Union Européenne afin que ce dernier retrouve sa prospérité et sa grandeur. En février 2013, lorsque David Cameron, Premier Ministre conservateur, annonce l’ouverture d’un référendum sur le Brexit, le lobby décide de recentrer ses actions d’influence sur la City, cœur financier européens, et sur les entreprises britanniques, de manière générale.

Peu avant le vote, Cameron rassure ses pairs européens sur ses certitudes vis-à-vis d’une réponse négative au référendum. Il sait, toutefois,  qu’il a intégré Stephen Green, ancien président de HSBC, à son gouvernement de 2011 à 2013. Ce dernier exerce la fonction de ministre d'État pour le Commerce et l'Investissement et est un ardent défenseur du Brexit. Le Brexit est voté le jour le plus long, au solstice d’été. Les brillants résultats du vote n’ont rien d’étonnant, au demeurant, dans un pays où peu de drapeaux européens sont visibles et où les programmes scolaires ont toujours été expurgés de l’Histoire de l’Union Européenne.

Les esprits des sujets de sa Majesté étant préparés, le lobby a fait florès.  Le concept et l’idéologie « Global Britain » ont été cités successivement par David Cameron, Theresa May et Boris Johnson, tout trois Premier Ministre.  En janvier 2021, soit le mois de l’entrée en vigueur du Brexit, un think tank britannique, Chatham House, explique ce que pourrait être le projet « Global Britain ». En substance, ce projet présente la Grande Bretagne comme un « broker » de solutions à des problèmes globaux. Il dépeint les six objectifs internationaux que sont, la protection des démocraties libérales, la promotion internationale de la paix et de la sécurité, le changement climatique, la facilitation d’une résilience mondiale en matière de santé, la défense de la transparence internationale sur les taxes et d’une économie de croissance équitable, et enfin la défense du cyberespace.

La Russie y est décrite comme le principal adversaire géopolitique cherchant à saper la cohésion des démocraties libérales. Pour ce, elle utilise l’ouverture des systèmes politiques des démocraties contre elles-mêmes. En même temps, elle créée de nouveaux regroupements d’Etats afin de mettre en place des Systèmes-tampons visant à protéger ses intérêts et son idéologie. Le think tank estime que l’UE et le Royaume Uni devraient continuer à avoir une politique commune vis-à-vis de la Russie, notamment sur les sanctions à adopter, sur l’Ukraine et les Balkans. La Grande Bretagne devrait exercer un magistère d’influence militaire plus important en Europe du nord et en Europe de l’est afin de suppléer les Etats Unis qui se recentrent sur la Zone Asie-Pacifique.

La Russie a les moyens de son influence grâce à ses richesses en réserves pétrolières et gazières et à la performance de son armée, notamment dans les domaines cyber et du renseignement. C’est donc idéologiquement que le Royaume Uni, qui défend les démocraties libérales, combat la Russie qui promeut des pays illibéraux. Le think tank estime que la Russie cherche à saper la puissance britannique sur le long terme. L’empoisonnement des Skripals et de Navalny constitue un point de non-retour quant à d’éventuels réchauffements diplomatiques.  Il insiste sur le fait que le Royaume Uni renforcera son soutien à la lutte contre la désinformation Russe en Europe.

En mars 2021, le Gouvernement Britannique publie « Global Britain in a Competitive Age: the Integrated Review of Security, Defence, Development and Foreign Policy ». La majorité des idées Forces du think tank Chatham House y sont reprises. L’article présente la Russie comme un acteur majeur de guerre hybride sur le pourtour eurasiatique. La Russie a investi massivement dans la projection culturelle de pouvoir global et dans des opérations d’information. Le Gouvernement Britannique insiste sur le rôle majeur du soft power, de la culture et sur le combat contre la désinformation que doivent mener les pays démocratiques et libéraux comme la France et l’Allemagne.

 Le même mois, un autre think tank britannique, L'International Institute for Strategic Studies (IISS), commente la nouvelle politique gouvernementale de « Global Britain » dans un article intitulé « The Russia challenge for ‘global Britain’ ». Il insiste notamment sur le fait que le Royaume Uni va augmenter son stock d’armes nucléaires, qui passerait ainsi à 260 têtes. Il estime également que la Grande Bretagne aura une relation plus ferme avec la Russie que l’Union Européenne en insistant sur la faiblesse de l’Allemagne à ce sujet.   On voit le rôle de « sherpas » des 2 think tanks et l’influence qu’ils peuvent exercer vis-à-vis de la politique étrangère du Gouvernement britannique. Le projet des lobbistes du « Global Britain » aura mis une vingtaine d’années à murir pour devenir le projet d’avenir du pays.

Le « Nouveau Grand Jeu »

Actuellement, le « Nouveau Grand Jeu » entre la Grande Bretagne et la Russie se joue au sein du Royaume, notamment en Ecosse qui souhaite procéder à un nouveau référendum. Cette division, si elle s’opérait, diminuerait l’influence de la Grande Bretagne dans le monde, ce qui abonderait dans le sens de la Russie.  Il se joue également au niveau du rôle de la monarchie dans le pays. Comme le relate RT, de nombreux britanniques se sont plaints au sujet d'une couverture télévisée excessive du décès du prince Philip, duc d'Edimbourg, notamment réalisée par la BBC. Plus de 110000 plaintes ont été reçus dans les premiers jours de l’annonce du décès. Dans le cas où la monarchie serait challengée par des répétitions d’évènements négatifs, ou une presse défavorable, le soft power britannique pourrait en pâtir.

La Grande Bretagne étant la tête de pont des Etats Unis en Europe, elle se trouve être le pays où se déroule une intense guerre par procuration que se livrent la puissance américaine et la Russie.  Ce « Nouveau Grand Jeu » s’établit également en Europe, en Arctique, en Asie, en Océanie notamment en Australie, au Moyen Orient et en Afrique. L’espace, les médias, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et l’internet souverain sont également d’autres lieux de confrontation. La balkanisation du monde de l’information ainsi que celle de l’internet sont en cours.

Bien que le pouvoir d’influence de la Russie soit important, cette dernière a un PIB avoisinant celui de l’Espagne ou du Canada. En 2020, le budget militaire de l’OTAN est de 1010 milliards$ alors que celui de la Russie est de 65 milliards$. Ce rapport de force est disproportionné. Pour rappel, le budget militaire de la Chine est de 209 milliards$. Ce dernier qui progresse de  manière vertigineuse devrait sembler plus inquiétant au regard, notamment, de l’évolution des tensions en mer de Chine et avec Taiwan.

Avec cette insistance britannique sur la menace russe, n’assistons-nous pas, en Europe, à la construction de l’ennemi, notamment grâce aux médias anglo-saxons ? L’Union Européenne a le plus grand PIB au monde. Elle est la première puissance commerciale devant les Etas Unis. L’Allemagne exporte chaque année l’équivalent de 40 à 50% de son PIB, ce qui insupporte les dirigeants américains. L’Union Européenne est un compétiteur majeur des Etats Unis qui ne souhaitent pas descendre de leur place de première puissance économique mondiale.

En amalgamant, sans raisons objectives, l’empoisonnement de Navalny au destin de North Stream II, les médias anglo-saxons ne tendent ils pas un piège géopolitique à l’Allemagne et à l’Union Européenne. Ne contribuent ils pas à empêcher le développement économique de l’UE et de la Russie. Comme nous l’avons déjà présenté, l’idéologie « Global Britain » voit les empoisonnements russes comme des points de non-retour diplomatique avec la Russie. En conséquence, le dialogue est rompu, la paix et le développement commercial n’ont plus cours. L’Ukraine et la Géorgie sont également d’autres points d’achoppement majeurs empêchant le développement commercial entre l’UE et la Russie. Le « Grand Bargain » avec les pays occidentaux dont Poutine s’est fait l’écho, en 2017, est mort-né.

Enfin, la loi CAATSA américaine, empêchant le commerce avec la Russie, et sa transposition au droit britannique ajoute une difficulté majeure de plus à un rapprochement UE-Russie, n’en déplaise au Président de la France qui tente d’en diminuer la portée.

Dans la continuité d’une vision euro-centrée, pour ne pas dire ethno-centrée européenne, la question du devenir de la relation commerciale euro-britannique est primordiale. N’allons-nous pas assister à l’émergence d’un Singapour-on-Thames avec une finance débridée aux portes de l’Europe. Les futurs ports francs britanniques incluant l’Irlande du nord et le non-respect, dans la durée, d’une frontière en mer d’Irlande causé par les troubles orangistes, constituent une question légitime. N’assistons-nous pas à l’émergence d’une porte dérobée britannique en mer d’Irlande permettant d’exporter des biens et services détaxés en Europe, tout en s’affranchissant des contraintes du traité portant sur le Brexit ? Pour quelle finalité ? Une implosion de l’UE ? N’y a-t-il pas contradiction principale en Grande Bretagne, entre la volonté de détaxer dans des zones franches et, en même temps, de vouloir augmenter les impôts sur les sociétés dans le reste du pays ?

Conclusion

La confrontation informationnelle russo-britannique a augmenté considérablement au cours de la précédente décennie. Elle s’est durcit pour se transformer en infoguerre de siège. La doctrine britannique et occidentale pour bloquer les informations liées à la campagne de « hack and leak » russe de février dernier a prouvé son efficacité. La bonne coordination de l’Ofcom, du DCDM du Ministère des Affaires Etrangères et du Joint Threat Research Intelligence Group (JTRIG), au sein du GCHQ, agence de renseignement cyber britannique, y a certainement contribué positivement.

La robotisation du monde devrait doubler dans les quatre années à venir. D’ici 2030, 30 % des emplois en Grande Bretagne pourrait disparaitre liée à l’avènement de l’intelligence artificielle. Les effets cumulés de ces révolutions technologiques 2.0 et les actions conjuguées de RT, de Spoutnik et le tittytainment, cher à  Zbegniew Brzezinski, de la presse tabloïd conservatrice pourraient avoir une importante influence négative sur les populations. Avoir la capacité à exercer un regard critique vis-à-vis du monde de l’information est une compétence phare dans une démocratie. Faut-il se demander si le manque d’éducation des populations sur ce point, et l’avènement de nouvelles chaines britanniques conservatrices, se rapprochant de la ligne éditoriale de Fox News, ne vont pas être les ferments d’un sentiment d’insatisfaction grandissant. Les Luddites du XXIème siècle ne sont peut-être pas si loin.

Le Brexit a eu lieu au solstice d’été. A force de faire référence au symbole de la rayonnance  de l’astre solaire, la Grande Bretagne ne va-t-elle pas se brûler les ailes avec des crises politiques et informationnelles à répétition, ou être finalement rattrapée par le Mythe de Prométhée. Reste à savoir par quel(s) aigle(s) elle serait dévorée ?

« No Man is an Island », disait John Donne, poète britannique du XVIème siècle, insistant sur le fait que l’émancipation individuelle est liée à sa relation aux autres. Les Britanniques sont des Européens, et ce, malgré leur dissonance cognitive.

 

Jérôme Castex
Auditeur de la 36ème promotion MSIE