Un début de fragilisation de la légitimité des écologistes allemands

Dans le contexte de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, l’Allemagne, très dépendante des exportations de gaz russe, se réveille. Pourtant l’Allemagne, sous l’influence de la catastrophe de Fukushima, le 15 mars 2011, décidait d’accélérer l’abandon de l’énergie nucléaire. Angela Merkel satisfaisait ainsi son électorat vert et répondait à une préoccupation de la population allemande, très sensible aux enjeux écologiques.

Mais, en 2011, la fourniture d’électricité provenant des énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire) ne pouvait compenser la production nucléaire. En 2022, non plus. Comment faire ? La seule solution qui s’imposait alors, était le retour à la production d’électricité par le charbon, en attendant que les énergies renouvelables puissent prendre le relais de manière crédible. Dès lors, les verts, Greenpeace, et autres acteurs de la lutte contre le nucléaire, ont dû se livrer à diverses contorsions pour justifier le retour au charbon ou le recours au nucléaire.

Les dégâts du charbon : pluies acides et particules fines

Outre les différentes pollutions liées à l’extraction du minerai en lui-même, sa combustion crée des émissions de CO2, de dioxyde de souffre et d’oxyde d’azote, connu dans le grand public sous le nom de NOX. Or, le contact entre l’oxygène et le dioxyde de soufre, ou encore avec le NOX acidifie l’eau de pluie. Une mémoire courte ferait ainsi oublier aux allemands l’épisode des pluies acides des années 1980, qui ont fait croire que cette pollution conduisait au dépérissement des forêts du pays. Cette hypothèse, certes n’a pas été validée, mais a conduit l’Europe à réaliser des mesures de la pollution due au dioxyde de souffre et à l’oxyde d’azote

Mais, il n’en reste pas moins que les centrales électriques alimentées par le charbon, en sont une des principales source d’émission. Aujourd’hui, d’ailleurs, la Chine, sur ce sujet, figure au premier rang des accusées. Cependant, l’arrêt de ces centrales nucléaires, alors que le recours aux énergies renouvelables n’est pas suffisant pour compenser la perte de production, a conduit à augmenter la part d’électricité issue des centrales à charbon. Il convient aussi d’analyser la combustion du charbon, devenue principale source d’électricité en Allemagne, à l’aune de l’émission de particules fines.

L'exportation de la pollution allemande dans les pays voisins

Selon un article du Monde de L’énergie du 13 juillet 2020, soit bien avant le début de la guerre d’Ukraine, la majeure partie des rejets nocifs de particules fines outre-Rhin est issue des centrales à charbon, dont la production s’est à peine ralentie passant de 65% en 2019 à 60% en 2020 malgré l’accroissement des énergies dites renouvelables. En effet, le charbon et le gaz ont compensé en partie la diminution de la production du nucléaire de 170 TWh/an en 2000 à 75 TWh en 2019. Et cette grave pollution allemande s’exporte bien. L’Europe’sDark Cloud (le nuage noir de l’Europe) ne s’arrête pas non plus aux frontières. Bien que protégée par les vents d’ouest dominants, la France, y est soumise.

En effet, cette pollution se disperse principalement dans les pays voisins de l’Est de l’Allemagne, notamment la Pologne et les pays baltes, puisque que les vents dominants proviennent généralement du Nord-Ouest. Mais, par temps anticyclonique, donc par vent d’Est, cette pollution atteint souvent la France, et peut être, en grande partie à l’origine du déclenchements d’alertes à la pollution aux particules fines dans différentes régions de France : Alsace, Hauts de France, Ile de France.

Pour exemple, pendant le premier confinement en 2020, moment de pic aux particules fines à Paris où on ne comptait pourtant quasiment plus de voitures dans le pays, ces pics de pollution surviennent. Les données du programme Copernicus ( disponibles sur https://atmosphere.copernicus.eu/air-quality ) déterminent que la pollution mesurée à Paris, lors du premier confinement de 2020,doit beaucoup aux particules fines venues d'Allemagne.

Le nucléaire et l'Allemagne : une alliance difficile

Depuis la construction des premiers réacteurs en 1955, l’énergie nucléaire fait débat en Allemagne. Le mouvement anti-nucléaire est très actif, provoquant jusqu’à l’arrêt de la construction d’une centrale nucléaire à Whyl en 1977, et en 1991, l’arrêt du projet de surgénérateur à Kalkar (Rhénanie-du-Nord) dans lequel près de 3,5 milliards d’euros avaient été investis. Ce mouvement s’est d’emblée présenté à la fois comme opposé au nucléaire et comme partisan des énergies alternatives.

Concrètement, il s’est manifesté tant au sein des instances d’expertise qu’en politique. Dès la fin des années 1980, on voit ainsi des membres de l’Öko-Institut être régulièrement consultés comme experts-conseils et participer à des commissions d’enquête parlementaires ou à des séminaires du ministère de l’Environnement. Sur le plan politique, la transition énergétique initialement au programme des écologistes, les responsables politiques s’en sont accaparés à la suite de l’accident de Fukushima.

Petit à petit, les Verts accèdent aux institutions. En 1983, ils entrent au Bundestag, puis aux affaires avec des coalitions SPD-Verts, d’abord au niveau régional en 1985, puis au niveau fédéral en 1998, et enfin en 2011 à la tête d’un Land, avec l’élection du premier ministre-président Vert au Bade-Wurtemberg. Ainsi, les Verts sont perçus par le peuple allemand – population largement favorable à réduire la part du nucléaire – comme le parti le plus à même d’assurer la mise en œuvre de la transition énergétique.

Le parti des Verts (Bündnis 90/Die Grünen) reste historiquement le plus important promoteur de la sortie du nucléaire, un des objectifs emblématiques du tournant énergétique. C’est au début des années 2000 que la coalition des sociaux-démocrates (SPD) et des Verts s´empare du sujet du nucléaire qui divisait les Allemands.=

L'opportunisme politicien au service des Verts

Alors qu’un tiers de la consommation allemande provient des dix-neuf centrales nucléaires, le chancelier Gerhard Schröder, à la tête d’une coalition avec les Verts, tient sa grande promesse électorale et annonce une sortie progressive du nucléaire. Un accord est alors passé avec les quatre grands groupes énergétiques pour fermer progressivement le parc allemand, la durée de vie des centrales étant limitée à trente-deux ans à compter de leur mise en service, la dernière fermeture était théoriquement prévue pour 2021. Toute nouvelle construction de centrale nucléaire est alors interdite, et cette convention sera retranscrite dans l´amendement à la Loi Atomique en 2002.

A leur tour, les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) promettent de faire chemin inverse lorsqu’ils seront de nouveau au pouvoir. En septembre 2010, Angela Merkel réalise cette promesse avec, contre l’opinion publique, l’annonce d’une augmentation du quota d’énergie produite par le secteur nucléaire et prolonge de douze ans en moyenne de la durée légale d’exploitation des réacteurs du pays. Les exploitants des centrales étant appelés à consacrer une partie de leurs gains supplémentaires dans les énergies renouvelables. Avec cette annonce, Mme Merkel avait ainsi provoqué une flambée du sentiment anti-nucléaire en Allemagne, qui s'est traduit par des vagues de manifestations massives.

Le 11 mars 2011, la catastrophe de Fukushima (Japon) change la donne et pousse Angela Merkel vers une sortie accélérée du nucléaire. La sortie du nucléaire d’ici 2022 est votée par le Bundestag à une écrasante majorité de 513 voix pour, 79 contre et 8 abstentions, une décision que le gouvernement qualifiait alors d’« irréversible ».

Le 30 mai 2011, l’Allemagne devient la première grande puissance industrielle à renoncer à l’énergie nucléaire et cela sans raison technique ou économique.

Le piège antinucléaire de la transition énergétique

Cette transition énergétique, vise non seulement à sortir du nucléaire et à remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables (EnR), mais aussi à réduire la consommation énergétique tout en diminuant les coûts de l’énergie. Il est alors prévu que les dix-sept réacteurs nucléaires du pays, exploités par les groupes RWE, E.ON, Vattenfall et EnBW, seront arrêtés d’ici 2022.Les sept plus anciens avaient déjà été déconnectés du réseau de production d’électricité et ne seront pas réactivés, de même qu’un huitième, à cause de pannes à répétition. Six réacteurs seront déconnectés du réseau en 2021 tandis que les trois derniers pourront maintenir leur activité jusque fin 2022.

Alors que 22% de la production d’électricité est produite par le parc nucléaire, l’Allemagne fait le choix d’investir dans les énergies renouvelables (18% de la production d’électricité) et d’importer plus de gaz (15% de la production). Ainsi, avec la mise en arrêt de ses sept centrales sur dix-sept, le pays marque une étape importante vers son engagement de produire 35 % de son électricité à partir d'énergies renouvelables dès 2020. Mais depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et la situation énergétique du pays ne faisant qu’empirer, on observe un revirement de situation. En effet, la Russie approvisionne l’Allemagne en gaz, mais aussi en pétrole, en charbon et en combustible nucléaire.

Le retour au charbon des "verts"

En quête de solutions, le gouvernement allemand est à la recherche de substituts au gaz, recourir au charbon semble être une issue temporaire.  « C’est amer, mais c’est indispensable pour diminuer notre consommation de gaz », affirme Robert Habeck, l’écologiste, entré au gouvernement en décembre dernier pour abandonner le charbon dans l’économie allemande.

Depuis mi-juillet, un décret du gouvernement fédéral autorise les exploitants de centrales à charbon placées dans la « réserve de réseau » à produire. Une décision également défendue par l’ONG Greenpeace Allemagne, organisation écologiste connue pour ses combats et actions contre les énergies fossiles, qui qualifie à son tour ce choix d’« amère, mais inévitable » dans la mesure où il est nécessaire de « s’affranchir de la dépendance aux livraisons de gaz » en provenance de Russie, et arrêter de financer le régime de Poutine impose des « choix cornéliens, en raison du manque d’anticipation de différents gouvernements européens ».

Le but de cette décision est de faire baisser la production d’électricité à partir de gaz et ainsi d’économiser une énergie indispensable à l’industrie allemande et à la moitié des foyers pour se chauffer, mais également de pallier les défaillances du parc nucléaire français. Cependant, le gouvernement, par son ministre de l’Economie et du climat Robert Habeck, affirme que l’autorisation de rouvrir les centrales à charbon n’est que « temporaire » et prendra fin en avril 2023, la sortie du charbon d’ici 2030 étant toujours d’actualité. Ainsi, la flambée des coûts de l'énergie et la crainte d'une pénurie de gaz russe,  Gazprom a annoncé qu’il réduirait ses livraisons à seulement 20% de la normale via le gazoduc Nord Stream – réanime le débat sur le nucléaire.

En effet, les trois dernières centrales nucléaires encore en activité sur le territoire allemand, d’une puissance totale nette de 4055 MW, doivent être mises à l’arrêt à la fin de l’année. Mais étant donné la situation, la question était de savoir s’il est envisageable de se passer de cette source, ou s’il faudrait au contraire la faire durer au-delà de l’échéance prévue.

Immixtion de Greta Thunberg dans le débat allemand sur le nucléaire

Alors qu’en juillet le gouvernement allemand a annoncé, la réouverture de dix centrales à charbon d’ici au printemps 2023, mi-octobre, Greta Thunberg (militante écologiste suédoise), a déclaré dans un talk-show sur la chaîne publique ARD, que l’Allemagne devrait continuer à faire tourner ses centrales nucléaires existantes plutôt que de miser sur celles à charbon.

Greta préférerait donc le nucléaire au charbon ? Un grand écart qui semble difficile à assumer, et pourtant… Cette annonce que les principaux dirigeants de la droite allemande ont largement partagée pour imposer au gouvernement de prolonger la durée de vie des trois dernières centrales nucléaire en activité.

Egalement en France, les propos de la jeune militante sont utilisés par certains comme s’il s’agissait d’un volte-face. L'essayiste Jean-Paul Oury, présente dans le Figaro les déclarations de la jeune militante comme un tournant : " Greta Thunberg elle-même découvre qu’on ne peut pas se passer du nucléaire !", "un peu comme si José Bové déclarait en son temps manger des BigMac avec un steak de soja OGM". Marine Le Pen souligne également ce qu’elle appelle un revirement soudain de Greta Thunberg : "Les associations anti-nucléaires vont toutes devenir pro-nucléaires. J'ai lu que leur gourou vient de dire que, pour finir, elle est pour le nucléaire,merci Mademoiselle Thunberg !".

Ces déclarations françaises ou de la part de l’opposition allemande sont très réductrices et utilisées afin d’alimenter leur propre politique. Greta Thunberg ne se dit pas "pour le nucléaire" mais considère simplement qu’il s’agit d’un moindre mal par rapport à l’utilisation des usines à charbon, bien plus polluantes. En effet, la production d’électricité à partir de charbon rejette entre 820 et 1 000 g d’eq. CO2/kWh, alors que le nucléaire émet 4 à 12 g d’eq.CO2/kWh.

Greta Thunberg a d'ailleurs répondu au détournement de ses propos : "C'est important de se méfier de ceux qui n'écoutent les vérités qui dérangent, que lorsque ça correspond à leur vision. Pour s'attaquer à cette crise, ne retenir que certains aspects, présenter des propos hors de leur contexte en ignorant le reste ne nous mènera nulle part"

Et ce n’est pas la première fois qu’elle nuance ses propos, car en mars 2019, sur Facebook elle se proclamait déjà : "contre l’énergie nucléaire, mais d’après le GIEC, elle peut être une petite partie de la grande solution qu'est l'énergie décarbonée, en particulier dans les pays qui peinent à développer les énergies renouvelables à grande échelle". Dans le même sens, cet été, en s’opposant à une décision du Parlement européen contre la taxonomie verte européenne, qui accorde le projet de "label vert" pour le gaz et le nucléaire : "nous avons désespérément besoin de vraies énergies renouvelables, pas de fausses solutions".

Le revirement allemand

Ces déclarations ont eu un tel rebondissement, que quelques jours après cette interview, le gouvernement allemand modifie le calendrier en prolongeant deux de ces trois dernières centrales nucléaires encore en activité jusqu'en avril 2023, seule la centrale d’Emsland sera définitivement arrêtée le 31 décembre 2022.    Ce revirement de situation, ajouté à l’ouverture des débats sur le budget 2023, a engendré un règlement de compte entre les élus de la majorité et ceux de l’opposition, chacun accusant l’autre d’être responsable d’une possible récession. 

Pour Friedrich Merz – chef des chrétiens démocrates (CDU) – Robert Habeck – ministre de l’Economie – serait sous l’influence d’un groupe de lobbyistes environnementaux ce qui expliquerait son refus de poursuivre avec l’énergie nucléaire sur le long terme, malgré le manque important d’énergie. Il accuse également Olaf Scholz – chancelier – et le parti social-démocrate d’être à l’origine de la crise énergétique avec la sortie du charbon et du nucléaire sans avoir davantage développé d’énergies renouvelables. Le chancelier quant a lui a défendu ses choix et salué la réactivité de son gouvernement.

Ces échanges peu habituels témoignent de la fébrilité qui règne en Allemagne. Les bas prix du gaz assurant jusqu’alors la compétitivité de l’industrie allemande, aujourd'hui les entreprises les plus énergivores (chimie, métallurgie) ont commencé à réduire leur production entrainant une baisse des commandes et la menace d’une récession.

La dépendance allemande au gaz russe et ses répercussions sur l'Europe

Désormais, toute l’Europe est touchée par l’interruption des livraisons de gaz russe et l’augmentation du coût de l’énergie. Dans le cadre du marché européen, et suite à l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires en France et en Suisse, l’Allemagne devient le fournisseur d’électricité à moindre cout, la privant ainsi d’une partie de sa production et engendrant une augmentation des prix en Allemagne.

La France étant équipée principalement de chauffages électriques, le système énergétique français est particulièrement vulnérable en hiver et les répercussions se feront alors sentir outre-Rhin. Ainsi, depuis le début de l’année, l’Allemagne a déjà exporté près de 5 000 GWh vers la France alors qu’entre 2016 et 2020, seulement 2 000 GWh en moyenne par an était exporté. La polémique ne cesse donc d’enfler en Allemagne et le quotidien alternatif proche des Verts allemands titre : "Devrons-nous recourir à nos centrales nucléaires pour que les lumières ne s'éteignent pas à Paris ?".

Le gouvernement allemand a demandé à sa population de faire preuve de sobriété pour l’hiver 2022. Mais tous les Allemands ne sont pas prêts à sacrifier leur confort, et ne veulent en aucun cas passer l’hiver au froid par manque de gaz dans les radiateurs.

De ce fait, la vente de radiateurs électriques dépasse largement les normes : on parle d’une ruée vers le nouvel or chaud. Or, en Allemagne, un logement sur deux est chauffé au gaz, le réseau électrique n’est donc pas équipé pour que des millions de personnes branchent leur chauffage électrique, le réseau risquerait d’être saturé et de subir des coupures de courant.

Mais toute l’Europe, aussi, est touchée par les préoccupations liées au changement climatiques et l’opinion publique, même si elle est divisée entre intérêts individuels (payer son chauffage moins cher) et intérêt collectif (lutter contre le changement climatique), fait pression sur les gouvernements et les industriels pour résoudre cette équation.

La versatilité de l'opinion publique

En avril 2011, juste après Fukushima, 90% de la population est en faveur de la sortie du nucléaire (d’après le Deutschlandtrend), 43 % se déclarent favorables à une sortie vers 2020 et autant à une date encore plus avancée, et 67 % approuvent la fermeture définitive des centrales arrêtées pour inspection. Plus tard dans l’année, et une fois le choc de Fukushima passé, seulement 54 % saluent la décision de fermer toutes les centrales nucléaires dans les 10 ans, tandis que 43 % estiment qu’on aurait dû se laisser plus de temps avant de prendre cette décision.

En 2012, le coût des énergies de remplacement divise la population, une partie (48%) de celle-ci est prête à accepter une hausse des prix de l’énergie en faveur des EnR tandis que 39% refusent. Cependant 73% restent favorables à la sortie du nucléaire.  Depuis l’annonce du gouvernement d’une sortie du nucléaire, la transition énergétique a toujours suscité un haut degré d’adhésion (autour de 70%). Cependant au fil des années beaucoup d’aspects négatifs apparaissent : la dégradation du paysage par les éoliennes, la hausse du prix de l’électricité, la construction de nouvelles lignes à haute tension, ainsi qu’une mauvaise gestion des financements avec un faible développement des EnR. La seule conséquence positive semble être l’effet bénéfique pour la nature.

En 2017, alors que les Etats-Unis sortent de l’accord sur le climat signé à Paris en 2015 lors de la COP21, 93% des sondés allemands adhèrent à la volonté de leur gouvernement de respecter cet accord. Cependant, pour les deux tiers des ménages, la transition énergétique coûte trop cher et ils estiment que son coût devrait être réparti plus équitablement entre les entreprises et les particuliers.

Aujourd'hui, une majorité des Allemands est en faveur du retour du nucléaire dans le pays, (selon un sondage ARD-DeutschlandTrend). À l’heure où la crise énergétique touche durement le pays, le gouvernement allemand a besoin du soutien de la population pour que les mesures soient acceptables, et après tant d’années en faveur d’une politique de sortie du nucléaire, cette enquête la remet en cause. Le public allemand serait ainsi favorable à l’exploitation des trois réacteurs nucléaires restants d’ici la fin de l’année, 78% voulant même poursuivre leur utilisation jusqu’à l’été 2023 (étude réalisée par l’institut de sondage en ligne Civey).

Bien que l’Allemagne tende à s’écarter du nucléaire, les citoyens allemands réclament l’utilisation de cette ressource à court terme, et paradoxalement, les partisans des Verts sont en faveur de cette initiative. L’enquête ARD-DeutschlandTrend révèle qu’une majorité des partisans du parti (61%) souhaitent prolonger le fonctionnement des réacteurs de quelques mois.

Ce sondage montre donc un large consensus pour prolonger la durée de vie des réacteurs restants : 67% des citoyens allemands souhaitent prolonger l’exploitation des réacteurs pendant encore cinq ans, tandis que seulement 27% sont contre. Cependant, l’utilisation du nucléaire à long terme divise. Malgré la crise énergétique actuelle, 41% des personnes sondées sont favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires tandis que 52% s’opposent à l’expansion de l’énergie nucléaire dans le pays. Toutefois, une grande majorité des citoyens (71%) soutient l’objectif de l’indépendance énergétique de l’Allemagne, notamment vis-à-vis des ressources russes.

Il faut aussi noter, des disparités régionales entre les Länder de l’Ouest et de l’Est : 76% des personnes situées dans les Länder de l’Ouest approuvent cet objectif, tandis que ce soutien dans les régions de l’Est tombe à 54%. De même, le pourcentage des sondés disposés à une prolongation si nécessaire des centrales nucléaires, passe du simple au double dans les Lander de l’Ouest par rapport à ceux de l’Est.  Et l’on observe également un écart comparable entre ceux prêts à un sacrifice financier pour financer la transition énergétique à l’Ouest (33 %) et à l’Est (17 %). Il est évident que la plus grande dépendance au lignite, surtout depuis l’arrêt dès 1990 des deux seules centrales nucléaires, contribue à cette spécificité de l’opinion dans les nouveaux Länder.

De moins en moins d'Allemands opposés au nucléaire

Alors qu’en 2011, 63 % de la population outre-Rhin souhaitait arrêter rapidement les centrales nucléaires, un récent sondage montre un essoufflement progressif de l’opposition. La dépendance extrême de l’Allemagne au gaz russe, l’envolée de prix de l’électricité, la difficile sortie du charbon et un probable regain de confiance dans la sécurité nucléaire contribuent certainement à affaiblir le mouvement.

D’après ARD-DeutschlandTrend, 67 % des Allemands seraient désormais favorables à une prolongation de 5 ans des réacteurs. Ils seraient même 41 % à ne pas être opposés à la construction de nouvelles centrales.

Depuis l’apparition du débat sur la transition énergétique dans les années 1990, la presse s’est emparée du sujet. Notamment, les deux journaux aux idées opposées : le Handelsblatt, plutôt proche des Verts, et la Taz proche du monde de l’économie et de la finance. L’opinion se retrouve entre deux discours, celui des pro-EnR qui promettent un avenir meilleur grâce à la transition énergétique et celui des anti-EnR qui montrent les coûts que ça engendre. En effet, ce dernier, ne cesse de brandir la question des coûts, sans doute celle qui interpelle le plus l’opinion public. En effet, elle tient une place importante car l’électricité en Allemagne est très chère, plus de deux fois plus élevée qu’en France (0.1740 €/kWh contre 0.437€/kWh en Allemagne).

Les intérêts en jeu de ceux qui ont à gagner ou à perdre dans la transition énergétique se chiffrent par dizaines de milliards d’euros ainsi que par centaines de milliers d’emplois.

Il faut ajouter à cela, la communication d’entreprise et ses relais médiatiques ainsi que la communication officielle, parfois contradictoires elles aussi, l’opinion n’est plus seulement prise entre deux feux mais exposée à un véritable tir croisé.

Pourtant, la transition énergétique a toujours suscité un fort taux d’adhésion, même si dans les sondages elle se résume surtout à la sortie du nucléaire, à la promotion des EnR et aux coûts et aux économies d’énergie domestique. Il faut cependant noter que l’opinion est en désaccord avec la façon dont la transition énergétique est mise en œuvre. Une critique partagée et confortée par la Cour fédérale des comptes, qui en septembre 2018 a rendu un rapport assez accablant sur les déficits en matière de pilotage et de coordination, et qui pointe dans sa conclusion le risque d’une perte de confiance dans la capacité des autorités à mener à bien la transition énergétique.

Alors, en l’absence d’alternative crédible issue des énergies renouvelables, les verts de retrouvent écartelés entre faire la promotion du nucléaire, qu’ils ont pourtant dénoncée et la nécessité de faire pression pour que l’Allemagne abandonne les énergies fossiles pour sa production d’électricité.

 

Lina Guérin (MSIE 40 de l’EGE)