La lutte informationnelle d’Elon Musk contre les normes européennes

À la suite des nouvelles régulations européennes, les tensions entre Elon Musk et l'UE n'ont cessé de s'intensifier. Le conflit est « multi-milieux ». On le retrouve sur la régulation des réseaux sociaux, la liberté d'expression et les politiques environnementales. Il a donc un impact direct sur les secteurs d’activité d’Elon Musk comme Tesla et X. Cette opposition est ancrée dans les décisions réglementaires majeures prises par l'UE pour gouverner le secteur numérique et renforcer son autonomie industrielle face aux géants technologiques américains.

L'Union européenne, préoccupée par la montée des discours de haine, de la désinformation et du pouvoir croissant des plateformes numériques, a adopté Digital Services Act (DSA) en 2022. Cette réglementation vise à imposer plus de transparence et de responsabilité aux géants du numérique. X, anciennement connu sous le nom de Twitter et détenu par Elon Musk, est directement concerné par ces nouvelles règles, qui limitent l'amplification des contenus toxiques et exigent des plateformes qu'elles coopèrent avec les régulateurs européens, sous peine de lourdes sanctions en cas de non-conformité. 

Dans le secteur automobile, en 2024, l'UE a également mis en place des politiques environnementales plus strictes visant à réduire les émissions de CO2 et à réguler la production de batteries électriques afin de limiter la dépendance aux métaux rares et aux importations chinoises. Cette régulation sur les batteries, impose des normes plus strictes en matière de recyclage, d'empreinte carbone et sur la traçabilité des matières premières. Cela représente un enjeu économique fort pour Tesla et sa « Supply Chain ». 

Ces mesures s'inscrivent dans une stratégie européenne plus large visant à limiter l'influence des entreprises étasuniennes et à renforcer sa souveraineté numérique et industrielle. Musk, qui souhaite que ses entreprises reposent sur une réglementation minimale et utilise des stratégies d'expansion agressives, doit considérer ces mesures comme une menace directe à l’expansion de son business. 

De fin 2024 à février 2025, Musk a intensifié ses déclarations controversées contre les dirigeants européens, en particulier ceux d'Allemagne et du Royaume-Uni. Ses déclarations et ses actions révèlent des signes clairs de guerre de l'information, incluant des stratégies de désinformation, de division narrative et de polarisation. Le timing n’est pas innocent également puisque, pour l’Allemagne, ses discours interviennent à un moment crucial du processus électoral. Musk a ciblé des politiques spécifiques liées à la régulation des grandes entreprises technologiques et aux restrictions environnementales, les associant à des allégations de censure et de contrôle excessif. Ces actions doivent également servir des objectifs géopolitiques et économiques plus larges. 

Musk utilise des récits simplifiés et chargés émotionnellement, opposant la liberté d’expression à la censure des régulateurs européens, alimentant davantage la polarisation sociétale existante. Il utilise également des discours anxiogènes sur la fin de l’Europe et des européens. L'utilisation de X comme une plateforme de messagerie massive, souvent coordonnée avec des influenceurs (peut être des bots), démontre une tentative délibérée d'influencer l'opinion publique à des moments critiques, notamment avant des décisions politiques importantes en Europe. Enfin, cette campagne va au-delà des préoccupations commerciales, reflétant des enjeux géopolitiques et économiques plus larges alors que l'UE cherche à réduire sa dépendance aux technologies étasuniennes et à renforcer sa souveraineté numérique pendant que son partenaire historique lui tourne le dos.

                                                                                                                                                           Romuald Dobigny (MSIE47 de l’EGE)

Télécharger le PDF :