Résistance du cinéma français et stratégies européennes face à la pression américaine

La confrontation entre le cinéma américain et français est ancrée dans une concurrence économique, culturelle cognitive, informationnelle et politique, les États-Unis dominant les écrans européens. L'Europe, en particulier la France, élaborent des stratégies de financement et de modération pour soutenir leurs industries cinématographiques afin de limiter l’influence du cinéma américain.

 

Rappel du contexte historique.

Historiquement, la rivalité a été exacerbée pendant les périodes de conflits (Seconde Guerre mondiale, Guerre Froide), où la diffusion des films américains était perçue comme un enjeu idéologique et commercial, avec des mesures de censure et de propagande visant à limiter l’influence hollywoodienne.  Après la seconde guerre mondiale, les États-Unis imposent des accords, comme celui de Blum-Byrnes de 1946, qui ouvrent les salles françaises aux films Américains, réduisant ainsi la production nationale. Les studios américains peuvent occuper les deux tiers des écrans nationaux, sécurisant ainsi leurs panels de films déjà rentables. 

Cette domination est renforcée par la mondialisation du marché du film, où Hollywood impose ses propres normes, récits, esthétiques et stratégies marketing innovantes. Le cinéma Américain domine le marché mondial, avec près de 80 % des films américains dans les grandes salles, contre une minorité de films français. Cette domination repose aussi sur une industrie structurée autour des grands studios hollywoodiens, capable de répondre aux menaces extérieures et de s'autoréguler, notamment en matière de censure.  La mondialisation du marché du film a encore renforcé les normes et les stratégies de marketing d'Hollywood avec de nouveaux acteurs (Inde, Chine) complexifient la donne, mais la rivalité entre Hollywood et Paris reste emblématique de la tension entre un cinéma industriel, globalisé, et une tradition de cinéma d’auteur, attachée à la diversité culturelle.

 

L’impact économique, culturel, de la domination américaine sur le marché cinématographique Français.

Les films américains occupent une position prédominante au box-office Français, constituant une part significative du total national. Cette prépondérance est due à la force des grands studios d'Hollywood, qui possèdent d'importants catalogues de films rentables, leur donnant la possibilité d'esquiver le marché européen, y compris celui de la France. À la suite de la seconde guerre mondiale, des ententes commerciales ont favorisé une quasi-exclusivité de deux tiers pour les films américains dans les cinémas français, reléguant ainsi au second plan la production locale.

Cette prépondérance a des impacts économiques pour le secteur cinématographique français, provoquant une compétition acharnée pour le cinéma national, dont l'audience et les revenus se sont réduits face à l'ascension des superproductions américaines. 

Néanmoins, la France a aussi établi des mesures aux effets ambivalents, comme l'application d'une taxe spécifique sur chaque ticket vendu, qui contribue à financer la production cinématographique nationale. Beaucoup de films français sont réalisés ou cofinancés par des investisseurs américains, ce qui offre à quelques projets une opportunité de financement et de distribution à l'échelle internationale, mais entraîne aussi une dépendance renforcée vis-à-vis d'intérêts étrangers. La prépondérance des films américains dans les salles françaises est fréquemment perçue comme un danger pour la diversité culturelle et l'« essence française », étant donné que l'uniformisation du contenu et la prédominance des histoires hollywoodiennes pourraient compromettre la singularité culturelle inhérente au cinéma français.

 

La marge de manœuvre française

Des mesures protectionnistes ont été mises en place par la France, telles que l'instauration de quotas réservant une partie de l'année exclusivement à des films français. Par exemple, les accords Blum-Byrmes de 1946 stipulaient qu'une période de quatre semaines serait exclusivement dédiée à la projection de films français, et que durant les autres semaines, 50% des écrans seraient alloués à la production nationale.  En réitérant sa position sur des conventions internationales telles que le GATT (General Agreements Tariffs Trades), la France a décliné l'idée d'éliminer ses dispositifs protectionnistes dans le domaine cinématographique, menaçant de poser son veto si l'exemption culturelle n'était pas admise. Ce combat a permis de préserver la possibilité pour la France de maintenir ses quotas et son système de subventions, malgré la pression américaine pour ouvrir complètement le marché.

 

Hollywood vs Paris : La bataille des modèles économiques du cinéma.

Les productions hollywoodiennes se financent grâce à une combinaison de plusieurs sources et mécanismes financiers, impliquant à la fois des acteurs traditionnels (studios, banques) et de nouveaux venus (plateformes de streaming). 

Dans le domaine, la propriété intellectuelle (tels que les droits d'auteur et les franchises) est fréquemment utilisée comme garantie pour les emprunts bancaires, constituant près de 35% des garanties associées aux prêts dans ce secteur. 

Le placement de produits et les investisseurs privés offrent une diversification des sources de financement tout en réduisant les risques. 

Les studios et les services de streaming jouent un rôle primordial, soit en fournissant un financement direct, soit en acquérant les droits de distribution à l'échelle mondiale. Il est fréquent que les producteurs indépendants aient recours aux prêts bancaires, utilisant principalement les contrats de distribution comme garantie. 

Ci-dessous se trouve un tableau récapitulatif des principales méthodes de financement employées à Hollywood, avec des descriptions pour chaque type.

 

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Le financement des productions françaises (cinéma, audiovisuel) repose sur un mélange de diverses sources, associant financements publics, privés et contributions industrielles. Le système dépend largement du CNC (Centre National du cinéma et de l'Image animée) : cet organisme recueille les taxes sur les tickets de cinéma (10,72% du coût d'un billet), sur les chaînes de télévision, ainsi que sur la vidéo physique et en ligne (VOD, DVD, etc.), avant de réinvestir ces ressources principalement par le biais de diverses formes d'aides.  

Les aides automatiques sont attribuées aux producteurs en fonction des éléments de leurs films antérieurs, pour être réinvesties dans de nouvelles initiatives. Les subventions sélectives : accordées par des comités, généralement sous forme d’« avance sur recettes », c'est-à-dire des fonds alloués avant ou après la production d'un film.

Soutien régional : bien que les collectivités locales puissent financer les films réalisés sur leur sol, leur contribution demeure marginale. 

Les Sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA) ont vu le jour grâce à la loi du 11 juillet 1985. Ces entités sont des sociétés d'investissement prévues pour la levée de capitaux privés dédiés uniquement au financement de la production de films et d'œuvres audiovisuelles. En France, les chaînes de télévision jouent un rôle crucial grâce à des obligations de diffusion et des quotas d'investissement. 

La télévision est donc considérée comme la principale source de financement, notamment grâce à l'acquisition anticipée des droits de diffusion et à la coproduction. 

Les principales modalités de financement sont synthétisées dans un tableau indicatif voir la page suivante.

 

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Pour terminer cette section, le tableau illustre les divergences majeures structurelles entre les systèmes de financement du cinéma américain et français, mettant en évidence l'indépendance du marché américain par rapport à l'appui institutionnel et public caractéristique du modèle français.

 

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L’Union Européenne face aux défis des influences étrangères dans le secteur cinématographique

L'Union européenne préserve le cinéma européen des influences extérieures surtout en mettant en œuvre une politique culturelle dynamique qui allie régulation, aide financière, promotion et sauvegarde de la diversité culturelle à travers trois axes majeurs.

Adoptée en 1989, la directive TSF (Télévision sans Frontières) régule la diffusion libre des programmes en intégrant des quotas stimulants pour la présentation d'œuvres européennes. Elle établit également des normes visant à sauvegarder les intérêts culturels, la diversité, la publicité et la protection des mineurs. Les diffuseurs sont aussi obligés d'allouer au moins 10 % de leur temps d'antenne ou de budget à des productions européennes réalisées par des producteurs indépendants. L'objectif de cette directive est de concilier la libre diffusion des programmes avec la valorisation de la diversité culturelle européenne, afin d'établir un véritable marché pour les films européens en réponse à la prédominance des productions nord-américaines.

La directive SMA (Services Médias Audiovisuels) : représente le socle juridique pour tous les services audiovisuels, qu'ils soient liés à la télévision classique, aux services à la demande (VOD), ou aux plateformes de diffusion de vidéos telles que Netflix, YouTube ou Facebook. Elle établit des normes minimales communes pour tous les membres de l'UE, notamment : 

• La sauvegarde des mineurs face aux contenus nuisibles.

• Le combat contre les discours de haine.

• La facilité d'accès aux contenus pour les personnes en situation de handicap.

• La régulation des communications commerciales et du placement de produit.

• Il est impératif pour les plateformes de contenu à la demande d'inclure au moins 30 % d'œuvres européennes dans leur offre.

• L'extension de la portée pour inclure les plateformes de partage de vidéos.

 

Depuis avril 2024, la réglementation sur la liberté des médias institue un cadre commun pour assurer l’indépendance, le pluralisme et la transparence de la détention des médias au sein de l’UE. Il envisage, entre autres :

• La sauvegarde contre l'intervention des gouvernements dans la politique éditoriale.

• Un modèle pour la collaboration entre les autorités nationales de régulation.

• Des actions pour garantir la transparence, l'autonomie et la sécurité des journalistes.

Le programme MEDIA, qui est une partie intégrante du vaste projet « Europe Créative » lancé en 1991, offre un appui financier essentiel pour la production, la diffusion et la mise en valeur des films européens.  Ce programme soutient en particulier des coproductions européennes, promeut la diversité culturelle et stimule la compétitivité du cinéma européen par rapport aux productions nord-américaines. C'est le fondement légal du financement et régule le fonctionnement de la composante MEDIA. Il établit les priorités, les conditions d’admissibilité et les financements pour favoriser la diversité culturelle, renforcer la compétitivité de l'industrie, ainsi que l’intégration des technologies émergentes.

 

En termes généraux, les États-Unis sont le vainqueur dans la bataille de l'information cinématographique opposant les États-Unis, la France et l'Union européenne. En réalité, en dépit des initiatives françaises et européennes de valoriser et défendre leur cinéma à travers des stratégies de quota et d'aides culturelles telles que celles du CNC et du programme MEDIA, l'industrie cinématographique américaine a réussi à établir une domination hégémonique sur le marché européen et mondial. Actuellement, grâce à leur puissance économique, industrielle et culturelle, les États-Unis dominent la guerre de l'information cinématographique en diffusant largement leurs œuvres. Pendant ce temps, la France et l'Europe mettent en place des stratégies défensives et subsidiaires pour protéger leur patrimoine culturel et leurs industries.

David Pledrel (MSIE47 de l’Ecole de Guerre Economique)

Sources

Rappel du contexte historique

https://www.iletaitunefoislecinema.com/la-censure-cinematographique-en-france-et-aux-etats-unis/

https://books.openedition.org/pur/28702?lang=fr

Les conséquences de la domination américaine sur le marché Français.

https://www.profession-spectacle.com/les-origines-de-limperialisme-hollywoodien/

https://www.alorsraconte.be/la-domination-du-cinema-americain-est-elle-ineluctable/

https://books.openedition.org/editionscnrs/3343?lang=fr

https://villa-albertine.org/va/fr/magazine/hollywood-et-la-cote-dazur-le-renouveau-de-la-french-american-connection/

https://www.objectif-cinema.com/horschamps/001.php

http://theses.enc.sorbonne.fr/2012/leon-y-barella

Hollywood vs Paris : La bataille des modèles économiques du cinéma.

Hollywood

https://fr.linkedin.com/posts/romain-nannola-7074791b4_comment-sont-financ%C3%A9s-les-longs-m%C3%A9trages-activity-7293606497547132929-CfFy

https://www.wipo.int/fr/web/wipo-magazine/articles/ip-assets-and-film-finance-how-it-works-in-the-united-states-56463

France

Rapport de Dominique Boutonnat : financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles.

https://www.cnc.fr/professionnels/aides-et-financements/multi-sectoriel/production/les-sofica_759536

https://www.vernimmen.net/ftp/Memoire_Methodes_financement_rentabilite_dans_production_cinematographique_SOFICAS.pdf

https://www.lagbd.org/Le_mode_de_financement_du_cin%C3%A9ma_fran%C3%A7ais_(fr)

Les limites 

https://www.challenges.fr/entreprise/media/pourquoi-le-cinema-francais-est-malade-de-ses-subventions_655632

L’Union Européenne face aux défis des influences étrangères dans le secteur cinématographique.

https://www.robert-schuman.eu/questions-d-europe/0048-la-politique-audiovisuelle-de-l-union-europeenne

TSF (Télévision sans Frontières)

https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/television-broadcasting-activities-television-without-frontiers-tvwf-directive.html

https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/138/politique-de-l-audiovisuel-et-des-medias

SMA (Services de médias de l’audiovisuels) :

https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/general-principles-avmsd

https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/138/politique-de-l-audiovisuel-et-des-medias

 MEDIA

https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/creative-europe-media