Analyse de l'impact des mouvements sociaux sur les systèmes politiques

Mouvements sociaux

De la simple mobilisation citoyenne aux révolutions nationales, certains mouvements sociaux, de par leur ampleur et leur médiatisation, voire leur rapide propagation à d'autres sphères et d'autres pays, peuvent avoir une influence sur les systèmes politiques. Qu'entend-on par "mouvement social" ? Et quels changements politiques peuvent-ils initier in fine ?

 

Qu'est-ce que sont les mouvements sociaux ?

Par "mouvement social", on entend toute action collective d'un groupe de personnes, organisée autour d'une cause ou d’un leader, qui a pour but de provoquer un changement dans l'organisation actuelle de la société — au niveau des mentalités, de l'économie, ou plus souvent de la politique. Pour être qualifié de mouvement social, un mouvement doit donc réunir plusieurs caractéristiques : la collectivité, la durabilité (dans le cas contraire, il s'agit plutôt d'une manifestation ou d’une "grogne"), la revendication, et surtout l'organisation. En effet, les mouvements sociaux fondent leur réussite sur des leaders charismatiques, des structures efficaces, des slogans qui deviennent souvent célèbres, et de nombreuses actions médiatisées allant de la simple pétition aux mouvements d’occupation.

 

Les différentes typologies des mouvements sociaux

Les mouvements sociaux peuvent être classés selon différentes typologies. En considérant des critères d'objectifs (réformistes, révolutionnaires, résistance...), organisationnels (selon qu'ils sont spontanés ou préparés), de portée, et enfin selon la sphère cible : l'économie, la culture, la société, l'écologie...
Parmi les nombreux types de mouvements ainsi déterminés, trois comptent comme les plus significatifs lorsqu'il s'agit d’avoir un impact réel sur la sphère politique. Il s'agit des mouvements réformistes, révolutionnaires et socioculturels.

 

Les mouvements réformistes

Les mouvements réformistes, issus bien souvent de l'activisme politique, ont pour but de pousser les gouvernements à modifier un cadre légal ou des pratiques habituelles au sein du système. Pour autant, il ne s'agit pas de renverser l'ordre établi, mais bien d’y introduire certaines réformes précises, pour au final améliorer les conditions de vie, de travail ou introduire de nouveaux droits.
Les mouvements syndicaux sont un exemple typique des mouvements réformistes. Ils n'ont pas pour but de changer le système, mais simplement de réformer le droit du travail pour obtenir des avantages ou réduire certains inconvénients : baisser l'âge de la retraite, augmenter les salaires, prendre en considération certains critères de pénibilité...

 

Mouvement révolutionnaire

À contrario, les mouvements révolutionnaires ont pour objectif de remplacer le système (ou simplement le détruire dans le cas d'une révolution anarchiste), et de changer d'ordre social de A à Z. Cette transformation profonde se fait hélas souvent par la violence, pour vaincre l'inertie sociale, politique, économique ou institutionnelle, en place depuis longtemps et dont l’ancrage est bien protégé. La Révolution française de 1789 en est un bon exemple. La population s’est soulevée (du moins une partie), dans le but de remplacer la monarchie par une république, avec plus ou moins de succès selon les points de vue.

 

Mouvements socioculturels

Enfin, les mouvements socioculturels ont moins pour ambition de changer la politique que de faire évoluer les mentalités — ce qui a souvent comme conséquence des réformes politiques à plus ou moins long terme. Ces mouvements concernent des enjeux culturels, identitaires, voire environnementaux. Par exemple, la lutte contre le changement climatique, ou pour la diversité culturelle. Ces mouvements constituent la toile de fond de la société et leur importance permet d'étudier les grandes tendances à venir, et d'anticiper certaines réformes politiques.

 

Facteurs déclencheurs des mobilisations citoyennes

Si la plupart des revendications sociales couvent généralement pendant de nombreuses années sans pour autant déclencher de véritables mouvements, certains facteurs déclencheurs vont agir comme des catalyseurs et permettre la formation de mouvements d’ampleur.
Tout d'abord, le sentiment d'injustice, souvent lié à un régime politique fort ou à des violences policières courantes, comme dans le cas du mouvement Black Lives Matter. Mais aussi une crise économique ou sociale, comme une hausse des prix difficilement soutenable par la population. C'est ce qui a, par exemple, déclenché le mouvement des Gilets jaunes en France.
Il peut aussi s’agir d'un évènement ponctuel comme un meurtre, un scandale politique… Ces évènements peuvent rapidement prendre de l'ampleur grâce aux réseaux sociaux et accroître la mobilisation de manière exponentielle, voire mener à un éveil et une prise de conscience collective qui soufflera sur les braises.

 

Impact des mouvements sociaux sur les systèmes politiques

Difficilement mesurable, cet impact est réel et peut varier selon le contexte et le type de mouvement social qui le génère. Il est important pour les futurs acteurs de la sphère politique et économique de se former à ce sujet, tant les conséquences des mouvements sociaux doivent être prises en compte dans la planification gouvernementale et économique. C’est pourquoi ce sujet est abordé et approfondi lors des cursus en science politique et économique.

 

Réformes politiques et changement institutionnel

Après des grèves massives ou des manifestations nationales paralysantes, la sphère politique peut être amenée à reculer sur une décision récente, suspendre des projets en cours, voire adopter de nouvelles lois. De nombreux exemples français peuvent être cités ici : l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ou encore l'accès des femmes au droit de vote.
Les institutions, sous la pression constante des mouvements sociaux, sont souvent forcées d'établir un dialogue avec la population, après de nombreuses années à tenter de l'éviter ou de dévier l’attention générale vers d'autres sujets. La démocratie participative s'en trouve renforcée, sous forme de conventions citoyennes, de rencontres avec les élus, de dialogues ouverts, de "cahiers de doléances"...

 

Résistances et répression par les gouvernements

Dans d'autres cas, les mouvements sociaux, en remettant en question la légitimité des gouvernements, provoquent une réaction politique opposée. Une crise de confiance, de défiance ou, pire, une répression politique qui peut aboutir à une véritable guerre civile dans les cas les plus extrêmes, comme dans certains pays asiatiques ou du Moyen-Orient. Le pouvoir, faisant face à une mobilisation citoyenne malvenue, a alors tendance à renforcer sa police, déclarer des états d'urgence ou une dictature provisoire, ériger la censure en norme, et ainsi de suite, pour contrer la pression de la population.
Bien heureusement, dans la majorité des situations, l’on verra plutôt émerger de nouvelles forces politiques, comme de nouveaux partis, tels les Verts en France, ou les Indignés en Espagne. De cette façon, le mouvement social réussit son objectif en étant politiquement représenté, et transpose son combat de la rue à l'hémicycle.

 

Exemples de mouvements sociaux majeurs

Ces dernières années, certains mouvements sociaux ont occupé le centre des médias et de l'attention mondiale, menant à des changements politiques majeurs à travers le monde et provoquant une redistribution forcée des cartes. Il s'agit des révolutions arabes et du mouvement Black Lives Matter. Mais ce serait oublier le mouvement MeToo ou encore la crise des Gilets jaunes. L'étude de ces mouvements permet de confirmer l'importance des facteurs déclencheurs et de vérifier l'impact final sur le politique.

 

Les révolutions arabes

Elles ont commencé en 2010, dans un climat tendu qui n'attendait plus que l'étincelle. Celle-ci prend la forme de l'immolation d'un jeune vendeur après qu'il a été humilié par la police tunisienne. La médiatisation de cet évènement crée chez la population de plusieurs pays arabes un sentiment d'injustice et de défiance envers leurs politiques, et de nombreux mouvements sociaux se forment.
D’abord réprimés avec succès, ils prennent de l'ampleur et deviennent de plus en plus violents, jusqu'à devenir révolutionnaires. La lutte contre la corruption, contre la répression aveugle ou simplement pour la justice sociale aura donc des conséquences majeures inattendues pour la politique internationale. Le président Ben Ali est renversé en Tunisie, Moubarak subit le même sort en Égypte après 30 ans de règne. S’ensuivent le dictateur Kadhafi, Bachar al-Assad, et le président Saleh au Yémen. Petit à petit, le mouvement s'étend, provoquant l'embrasement de presque tous les pays arabes et déclenchant guerres civiles et conflits armés qui dureront plusieurs années, forçant les pays occidentaux à s’adapter.

 

Le mouvement Black Lives Matter

S’il est devenu célèbre mondialement après les évènements de 2020, le mouvement BLM est né en vérité en 2013 à l'annonce de l'acquittement du meurtrier d’un jeune Noir non armé. Lorsque la situation se reproduit en 2020 avec le meurtre de George Floyd, la médiatisation à outrance de l'évènement et la circulation virale de la vidéo de l’arrestation fatale rassemblent les consciences, et le mouvement de protestation prend de l'ampleur jusqu'à devenir international.
Il lutte contre les violences policières en général, mais particulièrement celles commises par la police blanche sur les Noirs, d'où son nom qui signifie "les vies noires comptent aussi". Porté par des leaders charismatiques comme Alicia Garza ou Opal Tometi, le mouvement se propage dans le monde via internet et déclenche des manifestations massives — parfois violentes — dans de nombreux pays, forçant certains gouvernements à prendre leurs responsabilités et à ouvrir le dialogue.

 

Si ces exemples majeurs de ces dernières années sont assez représentatifs de la puissance politique des mouvement sociaux, ils ne doivent pas occulter l'importance d'autres mouvements moins retentissants mais tout aussi influents comme la crise française des gilets jaunes, MeToo, et bien d'autres qui représentent un véritable contrepouvoir politique tout en lançant de nombreuses alertes pour éveiller les consciences et favoriser l'évolution politique pacifique et durable dans les années à venir.